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Paul McCartney remplace Kurt Cobain dans Nirvana : et si ce n’était pas aussi absurde que ça en a l’air ?
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Surprising

Dans la nuit de mercredi, à l'étonnement général, Paul McCartney, a été rejoint sur scène par les anciens membres de Nirvana, Dave Grohl, Krist Novoselic et Pat Smear, au Madison Square Garden de New York, à l’occasion du concert 12-12-12 pour les victimes de l’ouragan Sandy.

Yves Bigot

Yves Bigot

Yves Bigot est directeur des programmes de la radio RTL.

Ce passionné de musique a notamment été journaliste et animateur sur Europe 1, rédacteur-en-chef de Rapido, et directeur des Victoires de la musique.

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Cette nuit, au Madison Square Garden de New York, à l’occasion du concert 12-12-12 pour les victimes de l’ouragan Sandy qui a présidé à la réélection de Barack Obama, Paul McCartney, jean bleu pale, chemise blanche, muni d’un ukulélé électrique dont il joue avec une slide de verre, a bien été rejoint, comme annoncé à grand bruit toute la journée d’hier, par les anciens membres de Nirvana, Dave Grohl (batterie), Krist Novoselic (basse) et même leur guitariste d’appoint en tournée, Pat Smear. Pas pour jouer  « I Hate Myself and I Want to Die » ou « Rape Me », mais un morceau inédit, « Cut Me Some Slack » (« Fous-moi la paix »). Impressionnant de cohésion, propulsé par la voix puissante et affirmée de McCartney comme par la batterie foisonnante de Grohl (beaucoup plus bavard et athlétique que Ringo), le groupe éphémère a magistralement fait taire les incrédules et les ironiques qui n’imaginaient pas l’ancien Beatle, soixante-dix ans, capable d’endosser ainsi le rôle de l’ange noir suicidé du grunge, Kurt Cobain.

C’était mal le connaître, lui et le tourbillon que furent les années 60 où il participa à la naissance du heavy rock.

En 1968, Paul McCartney lit une interview de Pete Townshend dans laquelle le leader des Who annonce que son groupe s’apprête à enregistrer le morceau le plus puissant et brutal à ce jour. Vexé de ce qu’il prend pour une menace de la suprématie tous azymuts des Beatles, Paul relève le défi en composant « Helter Skelter », le plus lourd et violent jusque-là des titres des Beatles, qui l’enregistrent furieusement à destination de leur légendaire double album blanc (on entend à la fin Ringo se plaindre d’en avoir attrapé des ampoules).

Certes, avec les Beatles, mais aussi avec Wings et en solo, Sir Paul a signé de merveilleuses ballades (de « Yesterday » à « Jenny Wren ») et d’atroces bleuettes cul-cul (de « Maxwell’s Silver Hammer » à « Ebony and Ivory »), mais cette image de gentil gentleman  mièvre et propret qui lui colle à la peau, pour autant qu’elle ne soit pas totalement imméritée, ne doit pas masquer que tout autant que John Lennon et sans doute plus que George Harrison encore, il était un rocker cuir pur et dur à Hambourg comme à Liverpool, imitant à la perfection son idole Little Richard (c’est lui qui chante leur reprise hurlante de « Long Tall Sally »), avant de signer pour les Beatles des morceaux hystériques (« I’m Down ») et puissants (« She’s a Woman », « Drive My Car », « Day Tripper ») bien avant même de se lancer dans le tour de force de « Helter Skelter ».

Aussi, lorsque d’aucuns se gaussaient d’apprendre qu’il allait rejoindre le temps d’un morceau les survivants de Nirvana, ces ricaneurs faisaient surtout preuve de leur double ignorance. Celle du passé musclé de l’ancien bassiste des Beatles, mais aussi de la composante mélodique, pop, très influencée par les Beatles justement, des princes grunge de Seattle (ce groupe éphémère aurait pu se baptiser The Seattles !) : « About a Girl » en témoigne suffisamment et si « Smells Like Teen Spirit » et « Come As You Are », hymnes de la génération Y, ont été de pareils tubes, n’est-ce pas tout autant en raison de leurs qualités mélodiques pures autant que pour leur sens particulier de la dynamique et leur appel à surmonter le vide sidéral de l’aliénation dans l’Amérique post-hippie ?

Cette nuit, McCartney a rappelé magistralement que son image trop clean, trop gentille, un peu showbiz, sa fréquentation de l’aristocratie et son adoubement, n’était que l’une des facettes d’un personnage beaucoup plus riche et complexe que ce qu’un regard superficiel peut en conserver. Incarnation même de la coolitude sur la scène du MSG, McCartney, qui donnait encore, il y a un an, un concert fantastique de richesse, de justesse et de générosité à Bercy, souffre désormais avant tout d’avoir survécu à John (plus extrêmiste, plus engagé) et à George (plus mystique, plus décalé), alors que son rôle au sein des Beatles a été tout aussi capital, et pas uniquement en raison de son génie musical, mélodique et de sa voix d’or. C’est aussi lui, dernier célibataire du quatuor, qui fréquentait au milieu des années 60 l’intelligentsia du Swinging London, du philosophe pacifiste Bertrand Russell à l’underground où régnait Barry Miles (co-auteur de son autobiographie Many Years From Now), découvrait la musique concrète de Pierre Henry, s’essayait aux orchestrations différentes (« Eleanor Rigby », « For No One »), s’essayait à la fumette et au L.S.D. et se lançait dans la musique de film (The Family Way).  Et si quiconque doutait de sa capacité à porter toute les promesses cathartiques du rock, sa brutalité transcendantale, sa puissance rédemptrice, qu’il regarde les images de cette nuit, qui ouvriront le documentaire consacré à la vie et à la carrière de Dave Grohl, LE batteur de Nirvana, depuis devenu leader des Foo Fighters et, l’espace d’un morceau, le nouveau Ringo plus que Paul n’est devenu Kurt Cobain pour un soir.

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