Où va l’IA (si on s’en fie aux derniers gros investissements des géants de la Tech en tout cas) ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le premier investisseur en matière d’IA est les Etats-Unis avec 248 milliards de dollars d’investissements privés sur 10 ans.
Le premier investisseur en matière d’IA est les Etats-Unis avec 248 milliards de dollars d’investissements privés sur 10 ans.
©Lionel Bonaventure / AFP

Stratégique

Les géants de la Tech attendent de récolter les fruits de l'IA.

Cyrille Dalmont

Cyrille Dalmont

Cyrille Dalmont est directeur de recherche au sein de l'Institut Thomas More, où il analyse les mutations sociales et politiques provoquées par la numérisation massive de nos sociétés. Ses recherches portent actuellement sur deux axes principaux : les questions de régulation et les enjeux éthiques liés au déploiement du numérique et son impact sur les droits fondamentaux et les libertés publiques ; ainsi que les enjeux de souveraineté numérique, tant au niveau national que de l’Union européenne.

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Atlantico : Quand on regarde les investisseurs (Google, Microsoft), qu’est-ce que cela nous dit de l’avenir de l’Intelligence artificielle ? Où y a-t-il du potentiel ? 

Cyrille Dalmont : Tous les usages de l’activité humaine sont concernés : le bâtiment, la défense, l’agriculture, l’exploration spatiale… Il n’y a pas vraiment de limites. Le fonctionnement même de l’IA c’est de compiler des données. Avec ces données, vous arrivez à entraîner une IA pour lui faire accomplir une tâche plus vite, parfois beaucoup mieux qu’un humain. Selon les estimations, entre 18 et 30% de l’emploi pourrait être remplacé. Ce n’est pas rien. 

Les investissements privés sont essentiellement sur les secteurs à forte main d’œuvre dans le tertiaire. Là où il y a beaucoup de main d’œuvre, il y a du potentiel dans les secteurs comme le service, la vente, le commerce. Exemple avec l’IA conversationnel chez Amazon pour l’aide au client, l’aide à la commande, l’incitation à la vente et sur la préparation des commandes éventuellement. L’IA conversationnel touche aussi le secteur du conseil. 

On remarque aussi des gros investissements chez ce qu’on appelle les « hyperscale », les grosses plateformes de data center. Ça c’est pour de l’optimisation de serveur, de place, de réponses à la demande et au traitement des données. Il y a aussi l’IA au niveau de la santé qui concerne principalement des objets connectés. Enfin, pas mal d’investissements sont réalisés dans l’applicatif de l’éducation. Exemple : des abonnements pour les parents pour que leurs enfants bénéficient d’une IA qui les coache sur les matières. On est dans une intelligence artificielle qui améliore la potentialité éducative. 

Quant aux investissements publics, c’est principalement dans la défense parce que c’est du traitement de données : calculs balistiques, résistance de matériaux, déformation etc. 

Qu’est-ce que cela nous dit ? 

Les plus grandes percées de l’intelligence artificielle aujourd’hui, elles sont sur des métiers à haut coût salarial. Par exemple, vous prenez le journalisme. Si vous faites du faits divers, la plus-value de l’IA est énorme puisque vous faites du descriptif de faits avec des données. Si par contre vous êtes sur de l’investigation, l’IA n’a pas de valeur ajoutée. C’est là qu’il y a toute cette logique de l’économie salariale. L’intelligence artificielle permet effectivement de remplacer des coûts salariaux par des algorithmes.

C’est une rupture majeure avec la logique schumpétérienne. En permanence, on parle de la destruction créatrice d’emplois qui s’est vérifiée depuis la révolution industrielle. L’emploi ne disparaît pas. C’est juste que ce n’est plus un humain qui le fait. Votre conseiller bancaire qui est remplacé par un chatbot conversationnel, son métier existe toujours. C’est le chatbot qui l’accomplit. C’est l’opérateur qui est remplacé, pas le métier. 

Les métiers qui coûtent le moins cher ne sont pas forcément concernés. C’est là d’ailleurs qu’il y a un risque majeur. Dans une société tertiarisée comme les sociétés occidentales, l’impact de l’intelligence artificielle risque d’être extrêmement fort. Financièrement, il y a peu d’intérêt à développer des IA spécifiques pour aller remplacer un livreur de chez Deliveroo. Par contre, financièrement, il y a tout intérêt à remplacer un radiologue ou un médecin généraliste ou un architecte. 

Il y a quand même un danger qui est lié notamment au modèle social. L’impact de ce remplacement de métier va générer une perte de ressources très importantes en matière de charges… ces charges qui permettent de financer notre modèle social. Ce qui va être un peu un casse-tête dans un pays comme la France où on est champion du monde de l’imposition.  

Xavier Niel, propriétaire du groupe Iliad, a annoncé des investissements stratégiques dans l'intelligence artificielle à hauteur de 200 millions d'euros… Financements qui ont pour ambition de faire émerger "un champion européen de l'IA". Il a raison ? 

La France n’a plus de stratégie dans le domaine numérique depuis la fin des années 70. Elle est dans un carcan particulier puisque sa politique est fortement impactée par l’Union européenne. La France est dans une position de suiveur et non pas d’acteur en terme d’IA. Il faut des capitaux avec des investissements colossaux. Il faut aussi une certaine souveraineté, c’est-à-dire avoir des data center qui vous permettent de maîtriser les données et ne pas utiliser ceux des GAFAM. Enfin, il faut beaucoup d’électricité or nous sommes sur une stratégie de l’Union Européenne de transition énergétique, de réduction des consommations et de réduction de la production. Google estime que l’IA ça va représenter (pour le groupe google) 15% de consommation électrique en plus. Ce sont des quantités monstrueuses. 

En ce qui concerne les investissements, regardons les chiffres à travers le monde. 200 millions d’euros c’est beaucoup d’argent et peu à la fois. Le premier investisseur en matière d’IA est les Etats-Unis avec 248 milliards de dollars d’investissements privés sur 10 ans. En France, cela correspond à 6 milliards de dollars. On est sur un ratio de 1 à 60. Le pays suivant, c’est la Chine avec 95 milliards de dollars. Là, on a un rapport de 1 à 15. Le troisième pays c’est le Royaume-Uni avec 18 milliards. cette fois, on est sur un rapport de 1 à 3.

Donc, on voit bien qu’il faut faire des investissements pour créer un champion européen de l’intelligence artificielle. 

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