Olivier Marleix : « Emmanuel Macron est dans la parfaite continuité de la « deuxième gauche » de DSK et de Fabius : toujours plus d’ouverture au grand marché mondial et toujours plus de redistribution pour en réparer les effets »<!-- --> | Atlantico.fr
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Olivier Marleix en 2017.
Olivier Marleix en 2017.
©Thomas Samson / AFP

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A l'occasion de la sortie de son livre "Les Liquidateurs, Ce que le macronisme inflige à la France et comment en sortir", Olivier Marleix dénonce pour Atlantico l'imposture du chef de l'Etat, qui est loin d'être le réformateur qu'il prétendait être.

Olivier Marleix

Olivier Marleix

Olivier Marleix est député (LR) d'Eure-et-Loir. Il a reçu, en 2020, un Prix éthique de l'association Anticor.

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Atlantico : Vous publiez « Les Liquidateurs, Ce que le macronisme inflige à la France et comment en sortir » aux éditions Robert Laffont. Vous revenez dans votre ouvrage sur l’action du chef de l’Etat et sur la politique de La République en marche. Vous évoquez notamment le mirage de la « start-up nation » et dénoncez une forme d’imposture du chef de l’Etat. Quels sont vos principaux griefs sur le plan politique envers Emmanuel Macron ?

Olivier Marleix : Emmanuel Macron s’est ingénié à brouiller les cartes : était-il de droite, était-il de gauche ? Sa politique était-elle libérale ou sociale-démocrate ? Il s’est surtout efforcé de faire oublier que pendant cinq années, il avait été le pilote de la politique économique de François Hollande. A 15 mois du terme de son quinquennat, il apparaît que loin d’être le réformateur, voire le « révolutionnaire » qu’il prétendait être si l’on se souvient du titre de son livre-programme, il n’aura été que le continuateur d’un système. Aucune réforme et toujours plus de dépense publique, avant même la Covid-19. Pour moi, il est dans la parfaite continuité de la « deuxième gauche », celle de Dominique Strauss-Khan et de Laurent Fabius depuis le tournant des années 80 qu’on peut résumer en deux axiomes : toujours plus d’ouverture au grand marché mondial et toujours plus de redistribution pour en réparer les effets. On place notre économie face à un impératif de compétitivité mais on l’étouffe sous le poids des dépenses de solidarité. C’est sur cette politique que se fracasse l’économie française depuis 40 ans. Macron n’en est pas l’inventeur, mais il l’a porté à son paroxysme. Et désormais nous atteignons un point de rupture : faute d’avoir fait des réformes structurelles, faute d’avoir ne serait-ce que cherché à réduire la dépense publique, nous allons aborder l’après crise avec des Français qui demanderont « plus de bien communs » (plus d’hôpital, plus d’école, plus de moyens pour l’accompagnement des seniors…) alors que nous n’aurons, moins que jamais, les moyens d’y répondre avec une dette qui atteint des niveaux dangereux.

Vous dénoncez également le triomphe d’un capitalisme illibéral ? Qu’entendez-vous par là ?

Le capitalisme mondial a muté : là où le libéralisme s’est efforcé dans son histoire de lutter contre les monopoles, le capitalisme mondial est en train de les reconstituer. C’est vrai à l’évidence des GAFAM, mais aussi dans le monde industriel. Il a muté parce qu’il y a désormais des liquidités gigantesques qui ne savent où s’investir, et parce qu’il se joue des imperfections du marché mondial : vous pouvez produire en Chine pour 2€ de l’heure, vendre en Europe et placer vos bénéfices dans un paradis fiscal… Quelle PME Française peut lutter dans une telle compétition ? Il y a 40 ans, capitalisme et libéralisme désignaient le même système économique, ce n’est plus le cas. Il faut en avoir conscience et protéger notre conception de la liberté économique… C’est ce que font depuis toujours les américains par exemple.

Vous évoquez dans votre ouvrage un « capitalisme de connivence ». Quels ont pu être les défauts d’Emmanuel Macron sur le plan économique ?

La France de Macron, c’est l’étatisme en bas et le capitalisme de connivence en haut. En bas, les entreprises connaissent toujours autant de normes, et la « rage du contrôle qui va avec (la loi Darmanin n’y a rien changé), et de fiscalité (il aura fallu attendre l’ouverture du tonneau des danaïdes avec la crise pour que la baisse des impôts de production soit mise à l’ordre du jour). Il n’y a pas eu d’élan libéral pour nos patrons de PME… En haut en revanche, l’Etat a semblé s’effacer derrière les attentes du marché mondial : les méga fusions-acquisitions se sont succédées à un rythme inédit, aux dépens, à chaque fois, de notre appareil productif. Nous sommes toujours les « vendus », très rarement les acheteurs. Jusqu’à il y a quelques mois, le gouvernement n’avait pas d’autre projet. Combien de fois ai-je entendu clamer que « les investisseurs n’ont pas de passeport ». Soudain, on a réalisé que c’était un problème pour un Etat de ne pas être capable de fournir des masques de protection ou des tests pour sa population. Alors on a redécouvert - un peu tard - l’idée d’une souveraineté industrielle. Mais cette idée est tellement peu naturelle dans l’esprit du gouvernement que, dans l’épisode des vaccins, il n’a pas daigné par exemple s’intéresser aux solutions qui existaient sur notre propre territoire - je pense à cette stupéfiante affaire autour du laboratoire Valneva - faisant religieusement confiance à l’Europe, et laissant donc les anglais faire leurs courses chez nous, à notre place. Bien évidemment il fallait jouer européen, mais il ne fallait pas s’interdire d’agir par nous-mêmes comme l’on fait les Allemands !

Vous revenez sur la casse de l’industrie française dans votre livre. Au regard de votre engagement sur le dossier Alstom, quels enseignements tirez-vous de la politique industrielle d’Emmanuel Macron ? Face à l’impact économique de la pandémie de Covid-19, quels seront les leviers pour permettre à la France de rebâtir une économie et une industrie fortes et prospères ?  

D’abord il faut rompre avec cette idée « ricardienne » que l’industrie n’avait plus d’intérêt pour une économie avancée comme la notre. Le résultat c’est qu’en 30 ans la France est passée de 50 000 à 9 000 emplois dans la filière des équipements numériques ! Le 4ème plan social de Nokia depuis son rachat d’Alcatel en 2015 signe ce renoncement. On ne peut plus être naïfs dans la compétition mondiale. Josef Stiglitz, prix Nobel d’économie, dit que « la concentration est le poison du capitalisme » parce qu’elle créée une triple pression sur les salaires, sur les effectifs et sur les sous-traitants. Nous devons donc cesser cette fascination pour tout ce qui nous est étranger et défendre avec plus de vigueur notre appareil productif. Personne ne le fera à notre place ! Même la nouvelle Commission européenne nous y invite désormais, un comble ! Une touche de contrôle des investissements étrangers (à utiliser quand il y a un risque de délocalisation, pas dans le cas de supermarchés non délocalisables !), un fonds souverain mobilisant massivement l’épargne des Français pour soutenir nos entreprises industrielles, un achat public plus patriote, une Union européenne plus vaillante contre les concurrences inéquitables, un effort de compétitivité sur nos charges de production… et on peut imaginer remonter la pente.

Vous évoquez également le rôle de la droite qui pourrait s’avérer protecteur. La droite doit-elle se réinventer face au macronisme ? Au regard des futures échéances électorales, quels sont les principaux défis pour la droite ?  

Plus de liberté en bas et plus d’Etat en haut, ça pourrait être le programme. Une dose de protection pour reconstituer notre appareil productif et éviter la redistribution…

« Les liquidateurs – Ce que le macronisme inflige à la France et comment en sortir », d'Olivier Marleux, est publié aux éditions Robert Laffont.

Deux extraits de l'ouvrage :

Emmanuel Macron, le dernier avatar de l’imposture en politique ?

Les carences d’Emmanuel Macron pour lutter efficacement contre la casse de l’industrie française

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