Nouveau risque : avec les antibiotiques, les allergies ce n’est pas automatique mais ça risque de le devenir un peu plus…<!-- --> | Atlantico.fr
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Consommer trop d'antibiotiques provoquerait des allergies.
Consommer trop d'antibiotiques provoquerait des allergies.
©Flickr

Santé en danger

Trop d’antibiotiques ne provoqueraient pas seulement une résistance accrue des bactéries mais aussi une recrudescence des allergies. Les jeunes enfants sont particulièrement concernés.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : De récentes études (évoquées ici), établissent un lien de cause à effet entre la prise d'antibiotiques et une recrudescence des allergies depuis une vingtaine d'années. On connaissait déjà le lien entre antibiotiques et résistance des bactéries, le lien établi avec les allergies vous surprend-t-il ? Des études allaient-elles déjà dans ce sens ? Comment expliquer ce lien d'un point de vue scientifique ?

Stéphane Gayet : Effectivement, on assiste à une importante recrudescence de maladies allergiques – ainsi que de maladies dites inflammatoires - depuis une vingtaine d'années, à tel point que certains parlent d'une véritable épidémie d'allergies. Parallèlement, toutefois depuis plus longtemps – environ une cinquantaine d'années -, la fréquence des maladies infectieuses diminue progressivement. Ces deux tendances inverses ont été bien montrées par plusieurs études. Plus récemment, des travaux ont établi qu'il y avait un lien entre la consommation d'antibiotiques et l'augmentation du nombre d'allergies. C'est surtout vrai chez les jeunes enfants. En réalité, la corrélation entre la prise d'antibiotiques chez le jeune enfant et les allergies avait déjà été avancée par d'autres travaux. Par ailleurs, des études ont montré que les enfants ayant grandi dans une ferme développaient moins d'allergies. Ces différents résultats tendent à suggérer l'existence d'une relation entre les bactéries de notre corps et les allergies. Cette découverte aurait été surprenante il y a 10 ou 15 ans, mais ne l'est pas aujourd'hui depuis tous les travaux portant sur le microbiote intestinal. Il est ce que l'on a longtemps appelé la flore intestinale : les études concernant ce "nouvel organe" sont à présent nombreuses. Au moins aussi pesante que notre cerveau, cette énorme quantité de bactéries intestinales s'avère fort importante pour notre état de santé. En particulier, ce microbiote se révèle être un acteur tout à fait déterminant dans la maturation de notre système immunitaire, parmi bien d'autres rôles essentiels. Or, l'allergie est liée à un dysfonctionnement du système immunitaire, qui nous agresse au lieu de nous protéger. Sachant que les antibiotiques altèrent notre microbiote, cela devient clair.

Certains antibiotiques sont-ils particulièrement montrés du doigt? Si oui, lesquels et dans quels cas sont-ils considérés comme allergènes ?

Les traitements antibiotiques en cause sont avant tout ceux qui s'adressent aux jeunes enfants. Ces derniers reçoivent un antibiotique le plus souvent pour une infection des voies respiratoires hautes (sphère ORL) ou basses (trachéites, bronchites, bronchiolites, pneumonies). Les études ne précisent pas en général le type d'antibiotique administré, mais l'on sait que dans ces situations ce sont surtout des macrolides (famille d'antibiotiques bien tolérés, que l'on donne par voie orale et qui ciblent préférentiellement les infections des voies aériennes) et des bêta-lactamines orales (amoxicilline, autres pénicillines orales et céphalosporines orales, données pour des infections semblables), ainsi que plus rarement de la vancomycine (antibiotique performant contre les staphylocoques, streptocoques et bactéries anaérobies). Pour qu'un antibiotique puisse altérer le microbiote intestinal, il faut qu'il soit présent à forte concentration dans la lumière de l'intestin et qu'il soit de plus efficace sur ces bactéries intestinales : ce sont essentiellement des bactéries anaérobies ; or, ces trois groupes d'antibiotiques agissent précisément sur les anaérobies. Ainsi, ce n'est pas en se comportant en allergènes, mais en perturbateurs immunitaires indirects, que les antibiotiques favorisent les allergies. Par le biais d'une altération du microbiote intestinal, alors que celui-ci est essentiel à la maturation du système immunitaire, les antibiotiques génèrent une perturbation de ce dernier qui est ensuite sujet aux dysfonctionnements, tels que les allergies. De plus, le microbiote intestinal intervient dans la régulation du système immunitaire mature : une régulation inefficace est un autre facteur favorisant les allergies.

Ces effets pervers obligent à reconsidérer la prescription des antibiotiques. À quels point ou prix pouvons-nous en passer ?

Les antibiotiques sont des médicaments qui ont énormément apporté à la médecine. Ils ont transformé radicalement l'évolution de maladies infectieuses meurtrières telles que la tuberculose, la fièvre typhoïde, la peste, le typhus, la diphtérie, la scarlatine, les méningites et les pneumonies bactériennes, la gangrène ou encore les septicémies. Il n'est pas question de les remettre en cause, ce sont des substances d'une immense utilité quand elles sont bien utilisées. Mais il est vrai que leur prescription est devenue trop facile, voire systématique, dans les infections des voies aériennes du jeune enfant. Ce qui importe - c'est cependant difficile - est de les prescrire avec discernement, en s'appuyant sur son expérience, des examens complémentaires et des recommandations d'experts. S'il existe indéniablement des prescriptions inutiles - et donc délétères en fonction de ce que nous avons vu -, il n'en reste pas moins vrai qu'ils sont irremplaçables pour permettre la guérison souvent sans séquelle d'un jeune enfant atteint d'infection bactérienne grave.

Propos recueillis par Adeline Raynal

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