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Non, la vieillesse n'est pas un fardeau, mais une véritable opportunité économique
©Reuters

Bonnes feuilles

Loin des recettes miracles pour bien vieillir, Ezzedine El Mestiri propose de prendre les chemins de traverse, ceux qui mènent à l'épanouissement personnel à cette étape charnière de votre vie. Comment faire de votre retraite une période riche et pleine de projets ? Quel sens donner à ce temps disponible ? Vieillir est avant tout une affaire intime : c'est à chacun de cultiver son jardin intérieur pour redessiner peu à peu les contours de sa maison du bonheur. Extrait de "L'art de vieillir dans la joie", de Ezzedine El Mestiri, aux éditions Eyrolles (1/2)

Ezzedine El Mestiri

Ezzedine El Mestiri

Ezzedine El Mestiri est journaliste, auteur et ancien rédacteur en chef pour diverses publications.

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Un vieillissement mal vu ! 

Il est dommageable que notre société continue à considérer le vieillissement sous l’angle de la dépendance et souvent de l’impotence. Or, dans la réalité, la vieillesse est un très bel âge de la vie. Comment éviter une stigmatisation du vieillissement qui considère que le nombre croissant de personnes âgées est un fardeau pour les générations futures ? Tous les chiffres prouvent le contraire. 

Il est peut-être temps de développer une culture de la vieillesse et de nous atteler à changer le regard qui accompagne si mal aujourd’hui le vieillissement. 

Bon à savoir

Contrairement à certaines idées reçues, la grande majorité des plus de 60 ans est en bonne santé. En France, seulement 8 % sont en grande perte d’autonomie ; 70 % des plus de 85 ans vivent à domicile et de manière relativement autonome. En France, sur les 17 millions de vieux, 15 millions sont en bonne santé.

Le sociologue Serge Guérin s’interroge sur la signification du secrétariat d’État chargé des Personnes âgées, toujours placé sous la coupe du ministère de la Santé : « Comme si la longévité ne relevait que du médico-social ! Au nom de quoi n’y aurait-il pas un ministère de l’Allongement de la vie et de l’Intergénération ? Un ministère de la Transition démographique ? »

Nos attitudes par rapport aux personnes âgées sont souvent marquées par l’incompréhension. Les personnes âgées seraient pauvres et auraient besoin d’aide : fausse idée quand on sait que la plupart de nos aînés sont en bonne santé et apportent une contribution valable à la société. À l’inverse, nos aînés sont parfois décrits comme jouissant d’une confortable sécurité financière, disposant d’un certain pouvoir et imposant un fardeau financier aux générations futures. Ces idées fausses ne peuvent qu’exacerber le conflit entre les générations.

Il est important de repenser la vieillesse, de lui redonner sa place en tant qu’étape de mûrissement, une étape pendant laquelle l’être humain, après avoir remonté le cours de sa vie, en retient l’essentiel et devient un phare pour les générations qui viennent. 

Cela passe peut-être par l’acceptation par chacun d’entre nous de sa vieillesse. Être vieux ne signifie-t-il pas que nous avons réussi à survivre à des épreuves et avons fait appel à des forces remarquables qui méritent le respect ? 

Les citoyens vieillissants, loin d’être un fardeau, sont surtout des éclaireurs actifs. Nous avons besoin de nos anciens et de leur sagesse pour garder le sens de la juste mesure dans notre vie. 

Bon à savoir

Le vieillissement dans une société n’est pas vu par certains économistes comme une catastrophe économique mais plutôt un enrichissement. La longévité est un facteur de prospérité et fait augmenter le PIB. En Norvège où l’espérance de vie atteint plus de 80 ans, le PIB par habitant est de 55 600 dollars. Au Zimbabwe, le PIB par habitant est de 500 dollars avec une espérance de vie de 37 ans !

Irène, 89 ans, ancienne professeure de français 

« Vieillir, c’est aussi apprendre à être plus bienveillant à l’égard de l’autre. »

« Je n’ai pas vraiment préparé ma retraite ; je savais que j’aurais plus de temps pour voyager, visiter les expositions et fréquenter les spectacles ; de plus, investie dans des associations, je savais que je ne cesserais pas d’être active. À la retraite, on peut découvrir, ou plutôt développer des passions existantes et des activités d’émerveillement. Exemple, renouer avec des amitiés laissées en sommeil à cause des exigences de la vie, mais surtout, il y a eu, pour moi, la découverte de la grand-maternité qui fut une source de joies qui nourrissent encore mon grand âge. Nous devons changer notre regard parfois dévalorisant sur la vieillesse à qui l’on doit, comme à tout être, reconnaissance et respect (ni moins, ni plus, car il ne faut pas tomber dans une espèce de discrimination infantilisante). En conséquence, il faut que la participation des vieux (ce mot n’est pas une injure) dans toutes les structures d’une société soit considérée comme normale. Ils apportent leur histoire et leur expérience, différentes des autres générations qui leur apprennent aussi à renouveler leur regard. Sans échange, chacun vit dans une forteresse qui épuise ses ressources. Vieillir, c’est continuer à s’enrichir, affectivement, intellectuellement, moralement, parfois manuellement quand on en a le goût, rester ouvert à la vie, ce bien si précieux. C’est aussi apprendre à être plus indulgent, plus bienveillant à l’égard de l’autre. Garder le souvenir de ceux qui vous ont aimés pour continuer avec eux. Être autant que possible au milieu des autres, tous les autres, regarder, écouter, sentir, aider comme on peut, ne pas trop regarder en arrière. »

Vivre un siècle ! 

Dans Le meilleur des mondes dépeint par Aldous Huxley, il n’y a pas de vieux, chaque humain garde une apparence parfaite jusqu’à la mort. Le mythe ancestral de la jeunesse éternelle projeté dans la science-fiction nous revient aujourd’hui en force. Les gains de longévité se veulent des gains de jeunesse prolongée tandis que la vieillesse est repoussée aux confins de la marginalité. 

Les cultures sont pleines de figures de grands vieillards. Le plus emblématique est Mathusalem : une figure biblique censée avoir atteint l’âge de 969 ans ! Ces patriarches bibliques sont souvent proposés comme modèles d’identification religieuse pour glorifier l’âge, gage de longévité, de fécondité et de richesse. 

« Une mystique nouvelle semble venir soutenir la résurrection du vieux Mathusalem : la religion de la santé et le culte du corps, nouvelles valeurs de la société occidentale, renvoient les maladies, le vieillissement et la vieillesse au rang des injustices que la science et les technologies permettent désormais de combattre4», constate Jean-Pierre Bois.

Cette quête mystique se traduit aujourd’hui par une idéologie qui lutte contre l’âge et qui voudrait en gommer les signes et les effets. Elle s’exprime à travers des ouvrages, des recettes, des modes de vie, des exercices pour se maintenir jeune et lutter contre le vieillissement. Elle est devenue omniprésente dans une société marchande où tout se vend. La longévité est désormais pensée comme un mythe pour fuir la vieillesse. Des scientifiques mènent actuellement des recherches expérimentales sur l’animal pour comprendre les processus de dégradation et tenter de retarder l’heure de la mort, et – pourquoi pas – atteindre, dans un futur « biotechnologique », l’immortalité. Le mythe de Faust et la légende de la fontaine de jouvence sont plus que jamais à l’ordre du jour dans une société individualiste qui, bien que vieillissante (ou à cause de cela), idéalise le corps jeune et sain.

Aujourd’hui, les géants de la technologie financent à coups de millions de dollars les recherches les plus pointues sur la longévité dans l’espoir d’inventer des outils qui augmenteraient les ressources du corps humain. Objectif : repousser la mort le plus longtemps possible. Ces initiatives (greffes de neurones, tissus imprimés en 3D, cellules régénérées…) menées particulièrement aux États-Unis manquent cruellement de procédures de contrôle et ces nouveaux traitements sont destinés aux riches. Désirer rester jeune, freiner au maximum le vieillissement sont aujourd’hui les objectifs affichés d’une société marchande. Et surtout, cette course scientifique nous fait croire que nous pourrions repousser toujours plus loin l’âge de la vieillesse. Certains généticiens estiment que nous serions programmés pour atteindre un âge maximum autour de 120 ans… Pour peu, il est vrai, que les conditions de vie soient favorables. Aujourd’hui déjà, les centenaires ne sont plus une rareté ; leur nombre a été multiplié par cinq au cours des vingt dernières années. Il est temps de réhabiliter la vieillesse et de se défier de la longévité. Vieillir n’est pas que durer, c’est faire l’expérience de la durée ; vieillir, c’est transformer son rapport au monde, aux autres et à soi-même.

Extrait de L'art de vieillir dans la joie, de Ezzedine El Mestiri, publié aux éditions Eyrolles, juin 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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