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Netflix, moins à l’aise sur le marché français qu’outre-Atlantique
©Reuters

Canard boiteux ?

Annoncé comme la terreur de Canal + ou d'Orange, Netflix peine néanmoins à se faire une place sur le marché français. Le service Canal Play compte près de deux fois plus d'abonnés et jouit d'un catalogue au moins aussi intéressant... Tout en privant Netflix de sa série phare : House of Cards.

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah est écrivain et journaliste, spécialisé dans les jeux vidéo, les nouvelles technologiques, la musique et la production musicale.

Il est l'auteur de nombreux best-sellers tels que La Saga des jeux vidéos, Les 4 vies de Steve Jobs, Rock Vibrations, Le Livre de la Bonne Humeur, Bill Gates et la saga de Microsoft, etc. Daniel Ichbiah a aussi écrit : Qui es-tu ChatGPT ?

Parmi les biographies musicales écrites par l’auteur figurent celles du groupe Téléphone, de Michael Jackson, des Beatles, d’Elvis Presley, de Madonna (il a également publié Les chansons de Madonna), des Rolling Stones, etc. 

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Atlantico : Lancé en France le 15 septembre 2014, Netflix est une filiale américaine de VOD (Vidéo à la demande) qui propose un  catalogue d'environ 2 500 titres. Une dizaine de mois après son installation en France, Netflix a-t-il su convaincre ? Quels sont ses premiers concurrents et comment résistent-ils face au géant américain ?

Daniel Ichbiah : Globalement, Netflix ne s'en sort pas trop mal. C'est loin d'être resplendissant, puisqu'on dénombre entre 200 000 et 250 000 abonnés, mais il est important de se rappeler dans quelles conditions il a intégré le marché français. Ce n'est donc pas resplendissant, mais c'est loin d'être un tableau complètement noir. En 10 mois d'opération, c'est presque honorable. En face, on compte plusieurs offres : celle de Canal +, celle de Numéricable, celle d'Orange... Toutes ces offres n'étaient pas nécessairement les plus intéressantes, au demeurant, mais l'arrivée de Netflix a permis de dynamiser le marché : chaque opérateur a tâché de se démarquer à grand renfort de nouveaux services et de baisse de prix.
Chez Canal Play, le service de VOD de Canal + et le principal concurrent de Netflix, on compte deux fois plus d'abonnés (environ 500 000, donc). Seulement, Canal Play existe depuis 2011 et est représentatif de ce que Netflix devait affronter à son arrivée : un marché déjà établi, déjà installé. Par conséquent, il est logique que celui-ci soit distancé, bien que la situation du géant américain puisse évoquer celle d'Amazon aux débuts du lancement de sa tablette. Dans la mesure ou l'iPad était déjà bien établi, il a été très compliqué de faire comprendre aux gens qu'il existait d'autres types de tablettes (prévues pour d'autres usages, en l'occurence la lecture d'e-book). Cependant, après trois années, Amazon a pris la tête du marché, détrônant Apple. Le parallèle est parlant : il est un peu tôt pour dire si Netflix parviendra (ou ne parviendra pas) à apprivoiser le marché.
En France, Netflix se retrouve face à de gros acteurs, Orange et Canal +, qui n'ont pas le moindre intérêt à vendre le service de Netflix puisqu'ils proposent quelque chose de comparable. Orange dispose d'une offre fournie via OCS tandis que Canal + peut se targuer d'être un producteur de cinéma français. Ces deux concurrents sont des forces avec lesquelles Netflix doit compter et qui rendent son positionnement difficile, mais ça n'est pas nécessairement un mal : comme la fnac le fait avec Amazon, la présence d'Orange et de Canal + sur ce marché empêche un monopole de Netflix comme on peut le constater aux États-Unis. C'est une façon de préserver l'équilibre. 

Netflix peine à s'installer en France, en dépit d'un puissant battage médiatique, de séries exclusives et de son poids dans le monde. Comment expliquer ces difficultés ? S'agit-il d'une espèce de combat façon David et Goliath ?

Netflix ne dispose pas d'un catalogue particulièrement fourni. Des séries comme Games of Thrones ou House of Cards (la série phare produite par Netflix) ne sont pas disponibles, puisqu'elles appartiennent en exclusivité à Canal + et Orange Ciné Séries. Ce ne sont pas les seules, mais elles sont représentatives... Le marché étant déjà établi, une bonne part des distributeurs des séries déjà diffusées en France ont signé des contrats avec les chaînes. C'est là que Netflix pêche le plus : la qualité de son catalogue laisse à désirer et les séries qu'il propose ne séduisent pas nécessairement. 
En outre, Netflix a fait l'erreur de s'installer d'abord au Luxembourg, de façon à pouvoir contourner l'exception culturelle française (qui correspond au financement du cinéma français par les films étrangers). Cette attitude, propre à beaucoup de géants d'outre-atlantique, peut gêner. Arriver à l'américaine, à la manière de Google, Apple ou Amazon, a valu à Netflix une réponse hostile. Pour pouvoir prendre dans un pays, il est important d'adapter son approche et ne pas venir en conquérant : la culture américaine n'est pas une culture mondiale.

Le public de Canal + vieillit de plus en plus : d'après BFM TV, l'âge moyen du téléspectateur de Canal + était de 37 ans en 1994 et de  49 en 2014. Les adolescents et les jeunes adultes ne regardent-ils pas la télévision ? Comment les services de VOD pourraient-ils toucher et fidéliser un tel public ?

D'une façon général, le public du cinéma est relativement âgé. Les jeunes ont davantage tendance à se tourner vers internet, que ce soit pour consulter des sites divers et variés, jouer ou regarder des films et des séries. Là encore, Netflix arrive le dernier, dans un paysage déjà chargé. Loin de ne composer qu'avec les concurrents habituels que sont Orange ou Canal +, il est important de garder à l'esprit toutes les possibilités qui existent pour accéder à un contenu sur internet. Le streaming peut se faire via YouTube, par exemple, ou via un site pirate. Récemment encore, la série Games of Thrones a souffert de ces canaux alternatifs (et pas toujours légaux). Quand les quatre premiers épisodes de sa série ont fuité sur le net, ils ont été téléchargés plus de 100 000 fois en trois heures. Autant dire qu'une fois l'épisode téléchargé, il n'y a pas besoin d'attendre sa diffusion sur Netflix ou sur OCS pour le regarder. 

Face aux difficultés que Netflix rencontre pour percer en France, une question persiste : est-il vraiment différent aux Etats-Unis et dans les autres pays ou il est diffusé ?

Ce qui a permis le développement de Netflix aux Etats-Unis, c'est avant tout un service moins cher que les autres. Quand Reed Hasting fonde la société, il garde en tête la frustration qu'il a pu éprouver après avoir du payer une pénalité en rendant son DVD en retard. Derrière Netflix, d'après la légende, l'idée c'est de permettre une location par abonnement particulièrement économique. Très vite, la société a gagné un capital sympathie auprès du public américain, puis a développé son système en s'appuyant sur internet. En s'inspirant d'Amazon, il a mis au point un modèle de suggestions qui débouche sur des propositions personnalisées en fonction des goûts de tout un chacun qui fait un pan de la force de Netflix aujourd'hui.
En France, l'accès aux films est beaucoup plus simple qu'aux États-Unis. Le pays est beaucoup plus vaste et sans catalogue de film sur internet, il est compliqué de louer des productions sans prendre sa voiture. Le rapport qu'entretiennent les Français et les Américains vis à vis des films est très différent. En outre, le service que propose Netflix aux Etats-Unis est différent : bien plus fourni, nourri y compris par certains films d'auteurs ou à moindre succès en salle. Sans qu'on parvienne à ne l'expliquer, celui-ci rencontre un succès conséquent aux USA. De quoi inspirer le service français ? Peut-être. Il y a potentiellement une carte à jouer.

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