Musique : pourquoi nous sommes tous plus virtuoses que nous le croyons<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon plusieurs études, nous sommes tous doués de connaissances musicales "implicites".
Selon plusieurs études, nous sommes tous doués de connaissances musicales "implicites".
©REUTERS/ Amir Cohen

Réveillez le Mozart qui est en vous

Si l'homme est prédisposé à apprendre le langage, pourquoi n'en irait-il pas de même pour la musique ? Selon plusieurs études, sans même nous en rendre compte nous sommes tous doués de connaissances musicales "implicites".

Emmanuel Bigand

Emmanuel Bigand

Emmanuel Bigand est professeur de psychologie cognitive, directeur du laboratoire d'étude de l'apprentissage et du développement (LEAD) à l'université de Bourgogne. Il étudie les effets de la musique sur le cerveau et sur la santé.

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Atlantico : Plusieurs études confirment que tous les êtres humains ont des connaissances musicales implicites assez développées, même ceux qui ne jouent pas d'un instrument. Comment est-ce possible ? Est-ce l’inné, ou un apprentissage qui se fait à notre insu ?

Emmanuel Bigand : La majeure partie de nos connaissances musicales sont implicites, effectivement. La musique s’apprend comme le langage, c’est une prédisposition de l’espèce qui se développe au contact des œuvres. Nous pouvons dire qu’il s’agit d’un “apprentissage statistique” : de même que la langue s’apprend selon une probabilité d’enchaînements des sons – des études sur des bébés ont montré que ces derniers apprennent le langage en assimilant passivement le fait que les syllabes s’enchaînent selon un certain nombre de probabilités : lorsque deux sons se suivent et qu’ils n’ont rien à faire ensemble, le bébé s’en rend compte – l’harmonie musicale est une chose qui s’assimile aussi naturellement. Pour s’en convaincre, il suffit de “casser" la suite de notes do ré mi fa sol la si… pour que tout de suite cela provoque un effet de surprise dans le cerveau réceptif. Sans le savoir, nous savons tous comment la musique doit s’ordonner pour être « correcte ». Comme le langage.

Pourquoi, si nous avons quasiment tous de bonnes bases implicites dans la musique, est-il si difficile de traduire ce savoir explicitement, considérant la difficulté d'apprendre à très bien jouer d'un instrument ensuite ?

Il y a un double problème : Il est aussi difficile de décrire explicitement ce que l'on entend dans la musique (pour un néophyte) que pour qu'expliquer à un étranger les règles de sa langue maternelle (à moins qu'on ne soit linguiste ou prof de français). 80% de nos compétences sont implicites, et seule la culture occidentale privilégie l'explicitation.

Le second problème est pédagogique : la pédagogie de la musique en France, est totalement inadaptée pour expliquer simplement la structure de la langue musicale.

Au quotidien, combien de temps une personne lambda sans compétences musicales explicites est-elle exposée à de la musique ? Si nous y étions moins exposés, notre « génie qui s’ignore » serait-il tué dans l’œuf ?

Nous n’avons pas mesuré ce temps d’exposition à la musique, mais il est aisé de se rendre compte que celle-ci est partout autour de nous, et que les berceuses pour enfants constituent déjà les premiers exemples de "b.a.-ba." de la structure de la langue musicale. Donc nous baignons dans la musique tout le temps, et ce depuis le début de notre vie ? Dans ces conditions, il serait stupéfiant que le cerveau n'apprenne pas tout seul !

Y a-t-il malgré tout, à exposition égale, des profils qui sont plus "naturellement" compétents en musique que d’autres, sans en avoir conscience ? Des facteurs comme l'âge, les capacités mémorielles ou la capacité à se synchroniser avec un environnement jouent-ils, ou sommes-nous absolument tous égaux ?

Il existe effectivement des profils naturellement plus compétents ; ce sont ceux que nous qualifions de génies de la musique. Parfois à outrance d’ailleurs. Ces personnes sont plus douées que d’autres pour la musique, de la même manière que certains d’entre nous surclassent les autres dans le domaine de l'expression par la langue maternelle, orale ou écrite : nous partageons tous une prédisposition pour parler, mais certains la développent de façon plus fulgurante. Et pour tout dire, en l’état actuel de nos recherches, les raisons scientifiques sont encore difficiles à cerner. Cela a moins le mérite de préserver une part de mystère qui n’est pas pour déplaire à ceux qui idolâtrent certains artistes.

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