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Municipales : radioscopie de ces électeurs qui vont voter tout en se sentant totalement orphelins de partis
©FRED TANNEAU / AFP

Municipales

Alors que se déroule aujourd'hui le second tour des municipales, nombre d'électeurs ont vu la campagne bousculée par de nombreuses alliances inattendues et l'effondrement de nombreux partis de gauche.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico.fr : Quelle sera la part d'électeurs qui votera par défaut à ce second scrutin des élections municipales ?

Christophe Bouillaud : Sans doute, voulez-vous dire que le parti dont la crédibilité auprès des électeurs de gauche s’est sans doute définitivement écroulée lors de ce second tour des municipales n’est autre que LREM (La République en Marche) ? En effet, les candidats investis par ce parti quand ils ont pu être présents au second tour ont choisi très majoritairement des alliances avec les candidats présentés par Les Républicains (LR) ou le centre-droit, y compris par des manœuvres surprise de toute dernière minute à la veille du dépôt des listes du second tour, comme à Strasbourg. A l’échelle nationale,  de fait, LREM n’a pas hésité à bâtir ville par ville un front « anti-écologiste » - puisque c’est EELV qui connait une dynamique électorale à gauche - tout en affirmant faire le contraire par la voix de son Délégué général, Stanilas Guérini, lui-même un ancien socialiste sans aucun doute biographique possible. Le déni public de cette stratégie « anti-écologiste » n’a pas échappé même à un Daniel Cohn-Bendit, pourtant réputé proche du Président de la République. 

Pour ce qui est du reste de la gauche, du PS aux Insoumis, en passant par le PCF et EELV, il n’est pas possible de parler d’effondrement. Loin de là. Nous verrons dimanche soir si les partis de gauche progressent ou pas. Ils partent certes des très mauvais résultats des municipales de 2014, et ils ne bénéficient pas beaucoup de la « prime au sortant », si importante dans ces municipales si particulières, qui, par contre, avantage les gagnants d’alors, soit la droite et le centre-droit. Tous ces partis de gauche pris ensemble peuvent donc connaître plutôt une remontée par rapport à ces très basses eaux de 2014 liées au vote-sanction contre F. Hollande cette année-là. 

Il est de fait difficile de dire avant même que le vote n’ait lieu quelle est la part exacte des électeurs qui votent par défaut. Dans un tel contexte, où c’est bien plutôt l’abstention qui prévaudra selon les sondages disponibles, aller voter sera tout de même un choix fort. 

Pourquoi ces électeurs choisissent-ils le vote par défaut plutôt que l'abstention ?

Première raison, il reste une part non négligeable des électeurs qui votent par « devoir civique ». Ce sont essentiellement les personnes les plus âgées, socialisées à une époque où le vote était présenté comme une obligation civique. Ces votants peuvent ne pas être très convaincus effectivement par tous les candidats présents, mais ils iront voter quand même. Cela ne concerne pas cependant les plus âgés d’entre eux qui, souvent, commencent, à l’orée du « quatrième âge », à ne plus voter, car leurs problèmes de santé prennent le dessus sur cette habitude.  

Deuxième raison, tous les électeurs des candidats éliminés au premier tour et qui veulent tout de même empêcher la victoire d’un des divers camps restés en lice. Ils ne sont convaincus par aucune des options en lice, mais ils veulent empêcher le pire, la victoire du candidat qu’ils considèrent le plus éloigné d’eux, c’est par exemple le cas typique des électeurs de gauche qui auront à choisir dimanche à Perpignan entre Louis Aliot (Rassemblement national) et le maire sortant (les Républicains), ou bien des électeurs proches du Rassemblement national à Paris qui, s’ils vont voter au second tour, iront très probablement voter Rachida Dati dans l’espoir de faire tomber Anne Hidalgo. Entre deux maux, ces électeurs par défaut choisiront le moindre, s’ils considèrent bien sûr qu’il existe une différence significative entre eux. Voter, c’est dire alors qu’il existe une différence entre la peste et le choléra. 

Quels réflexes, quels tempéraments électoraux les animent ? 

En fait, ce vote par défaut – vote pour éliminer la peste en se résignant au choléra, ou inversement  – peut correspondre selon les configurations locales à toutes les orientations idéologiques possibles. 

Cependant, dans cette logique, plus on se situe à l’une des extrêmes du champ des possibles politiques, à droite ou à gauche, plus il est probable qu’on soit obligé, faute d’avoir son propre candidat en lice, d’aller voter pour faire barrage à un candidat ressenti comme le pire possible. Les électeurs d’extrême –droite ou d’extrême-gauche se trouvent donc souvent dans cette situation. 

En tout cas, pour aller voter, il faut déjà percevoir une différence entre la peste et le choléra, ne pas dire « tous pourris » sans exception aucune, sinon on s’abstient tout simplement – ou bien l’on va voter blanc ou nul si l’on croit par ailleurs  au devoir civique de voter. Cela suppose donc un minimum de compréhension des enjeux du champ politique, national ou local, et d’intérêt pour ces enjeux. Ce vote par défaut n’est donc pas un vote de dépolitisation, mais plutôt de politisation frustrée car minoritaire.  

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