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Monsieur le Président, pourquoi il est urgent de combiner rigueur et relance par le pouvoir d'achat et l'investissement
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Lettre ouverte

Pour endiguer la baisse du pouvoir d'achat et promouvoir la relance par l'investissement, quatre mesures sont à prendre immédiatement par le gouvernement.

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser est ancien député européen apparenté RN.

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Monsieur le Président, l’observation des pays qui ont décidé rapidement de diminuer leur déficit budgétaire nous montre une considérable baisse de leur croissance. La moyenne du multiplicateur budgétaire (effet de la politique budgétaire sur l’activité réelle) dans la zone euro est de 1.8 point. Pour un point de PIB d’économie budgétaire réalisée dans la zone euro, la perte de croissance est donc de 1.8 point de PIB. La France est en-dessous de cette moyenne en raison de ses amortisseurs sociaux mais aussi au prix du plus grand déficit commercial et budgétaire, en montant, de la zone euro (1).

La France doit éviter cette spirale récessive constatée dans d’autres pays du Sud. La croissance baisse par la rigueur budgétaire. Sans dévaluation possible, sans fédéralisme budgétaire ou sans transferts financiers coopératifs (dans des investissements rentables par exemple), la baisse des salaires devient la seule variable d’ajustement pour diminuer le besoin de financement extérieur du pays. La baisse des salaires accentue alors la perte de croissance due à la baisse budgétaire. Elle fait également baisser les investissements productifs car pourquoi investir si la demande intérieure baisse ou stagne alors qu’elle représente 70% de la demande. Les politiques combinées de rigueur accentuent, alors, ce constat par leurs cumuls ; l’export intra-européen diminue. La recherche de la croissance chez les émergents est un miroir aux alouettes : tous les pays européens, Allemagne comprise, sont déficitaires dans leurs échanges avec ces pays, plus particulièrement avec la Chine.

Les baisses de la demande et de l’investissement font alors baisser les recettes budgétaires par la récession dans des proportions qui peuvent être supérieures aux économies budgétaires réalisées. C’est la politique ubuesque que nous connaissons désormais, imposée d’abord par Madame Merkel, suivie par les autres Etats européens, sans projet alternatif de la France, orchestrée par la Commission européennes dans sa version de l’Europe du marché avec l’abandon progressif de l’économie sociale de marché. Dans ce contexte, les profits des sociétés augmentent en raison de la rigidité de prix mais l’offre ne devient pas plus compétitive. Les nouveaux profits ne sont pas réinvestis dans l’appareil productif en raison justement de la baisse de la demande… ; ces profits servent la spéculation ou les délocalisations.

Tous les pays européens s’appauvrissent par cette rigueur irréfléchie sauf quelques multinationales et le système financier qui tirent toujours leur épingle du jeu. Les responsables de la crise financière s’enrichissent par la crise qu’ils ont suscitée en raison de leurs pratiques systématiques de délocalisation et d’optimisation fiscale. Cette recherche maximum de profit, à court terme, a fait rentrer l’Occident dans l’économie de l’endettement et de crise financière.

Quatre mesures immédiates doivent être prises par votre gouvernement : deux pour endiguer la baisse du pouvoir d’achat, deux pour promouvoir la relance par l’investissement.

1. Rendre obligatoire, par la loi, la participation aux bénéfices. Il s’agit de distribuer 1/3 des bénéficies aux salariés pour toute société ayant son siège en France. C’est une proposition faite par un capitalisme dévoué à son entreprise, appliquée par Serge Dassault : 1/3 pour les salariés, 1/3 pour la rémunération du capital et 1/3 pour l’investissement dans l’entreprise dont l’innovation et la recherche. La fiscalité privilégiée et le forfait social minimum de ces rémunérations seront maintenus mais seulement pour les rémunérations n’excédant pas 3-5 smic afin d’éviter stocks options et hautes rémunérations qui contournent ainsi l’impôt.

2. La TVA à 25%. La TVA sociale ne casse pas la demande, bien au contraire, si l’impôt supplémentaire sur la consommation sert à augmenter les salaires nets par la diminution des cotisations sociales salariales pour 70% des nouvelles recettes et par la diminution des cotisations patronales pour le reste. Cette TVA permet d’augmenter de 7% tous les salaires inférieurs au salaire médian tout en diminuant le coût du travail de 8 milliards. Elle équivaudrait en outre à une dévaluation en faisant payer aux importations la solidarité sociale pour des exportations qui restent hors TVA.

3. Une fiscalité forfaitaire à 15%, comme en Allemagne, au niveau du bénéfice réinvesti mais aussi du dividende réinvesti. Cette fiscalité doit être nettement inférieure à celle du bénéfice distribué ou du dividende servant le train de vie des bénéficiaires… L’intégration dans le revenu des bénéfices non distribués, selon la loi de finance pour 2013, a, à juste titre, été rejetée par le Conseil constitutionnel. Contrairement au mécanisme de 75% d’imposition sur la tranche des très hauts revenus supérieurs au million d’euros - tranche qui mériterait sans doute d’avoir des seuils intermédiaires et l’intégration de la notion de ménage - l’argent des bénéfices non distribués reste dans la société et n’est donc pas un revenu. Si on peut admettre que cette non-intégration a pu servir à contourner le mécanisme de plafonnement de l’ISF "par des stratégies d’optimisation fiscale consistant à minorer artificiellement son revenu imposable pour maximiser le plafonnement (actuellement à 75%) et réduire ainsi l’ISF à payer", s’il sert à l’investissement présent ou futur et non à la constitution d’une cagnotte personnelle, il est un bien social. Tout au plus devrait-t-on le fiscaliser, à 75%, par exemple, à la sortie, s’il n’est pas réinvesti, au moment où on casse la cagnotte. L’enrichissement qui sert un bien social doit au contraire être encouragé fiscalement par un gouvernement socialiste.

4. Un programme européen de relance par l’investissement rentable. L’attaque systématique de la finance, faite par tous les responsables politiques européens, se solde par un cadeau fait à la finance, par création monétaire de la BCE, de 1 200 milliards d’euros et de 1 000 milliards d’euros en facilités de paiement. La création monétaire de la BCE a servi à la dilution de la dette des banques, non à la création de nouvelles richesses. On a ainsi créé de la fausse monnaie pour sauver le système financier. Nous proposons, au contraire, une création monétaire pour créer de nouvelles richesses. L’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce soutiendront une initiative de la France demandant à la BCE une création monétaire de 500 milliards, avec une extinction de cette création monétaire sur 10 ans, par remboursement grâce à des projets rentables dans le cadre d’un plan européen de relance suscité par les grandes banques publiques. Les secteurs d’interventions seront  les économies d’énergie, les infrastructures rentables de transport dont le ferroutage, les secteurs d’avenir comme la voiture électrique, l’agriculture bio, la maison écologique en combinant soutien de l’offre et de la demande par des prêts à taux zéro.

Monsieur le Président, la France doit surmonter, dans les années à venir, bien des obstacles. Elle aura besoin de toutes ses forces et de l’engagement de ses élites - remises sur le droit chemin de la responsabilité sociale par la participation des salariés et par l’investissement - pour soutenir une offre plus compétitive tout en ne cassant pas une demande orientée vers les productions qu’on entend préserver ainsi que vers celles d’avenir. Des politiques industrielles devront se mettre en place au niveau européen. Il revient à la France de les préparer. Si cela s’avérait impossible, au niveau européen, des mesures nationales, dans le cadre de coopérations renforcées, s’imposeront et la France doit également les susciter. Nous serons du côté de la France et donc de votre côté si vous engagez ces réformes nécessaires à la survie de notre industrie et donc de notre économie mais aussi à la survie de l’Europe.

Flash économie787 16 novembre 2012 : pourquoi le multiplicateur budgétaire est-il apparemment très élevé dans la zone euro ?

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