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LR : les modérés allergiques à Wauquiez auraient-ils un programme concret si différent de celui de l'homme de la Droite qui s'assume ?
©BORIS HORVAT / AFP

Des paroles et des actes

Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a effectué mercredi soir sa rentrée politique à Châteaurenard, lors d'un meeting. Il devrait annoncer sa candidature à la présidence des Républicains cette semaine. Mais cette dernière ne sera pas forcement "rassembleuse"...

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico: Ce mercredi 30 août, Laurent Wauquiez tenait son meeting de rentrée à Châteaurenard, avant de déclarer sa candidature à la présidence des LR, une annonce prévue pour le dimanche 3 septembre au mont Mézenc. Une candidature qui fait grincer des dents parmi les rangs républicains, au motif de "sensibilités" différentes. Ne peut-on pas estimer que ces divergences sont surjouées par les différents courants ? Un projet LR porté par des personnalités telles qu'Alain Juppé, Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand ne serait il pas proche, dans la réalité de son application, d'un projet LR porté par Laurent Wauquiez ?

Edouard Husson : Dans l'histoire de la Vè République, il y a trois présidents "fondateurs": De Gaulle, bien entendu; le gaullisme est mort avec Pompidou, ou plutôt lorsque Jacques Chirac s'est rallié à la candidature de Valéry Giscard d'Estaing, au printemps 1974. Giscard est le deuxième président fondateur: son programme "libéral, centriste et européen" a été, à des nuances près, adopté par ses deux successeurs, François Mitterrand (à partir de 1983) et Jacques Chirac (le président qui met en place l'euro, idée giscardienne par excellence). Le troisième fondateur est Sarkozy, premier président à n'avoir pas eu d'autre choix que de vivre avec l'euro. Nicolas Sarkozy sent instinctivement les contraintes qui pèsent de ce fait sur l'économie française et il tente de compenser par l'exaltation du travail et une promesse de sécurité; le tout est enrobé dans une incantation populiste de l'identité française; pour le reste, Sarkozy est non seulement européiste mais  plus atlantiste qu'aucun de ses prédécesseurs.

François Hollande et Emmanuel Macron ne sortent pas vraiment de l'équation posée par Sarkozy. Hollande, quand il cherche des responsables au malaise français s'en prend plutôt à l'étranger riche ("la finance")qu'à l'étranger pauvre (l'immigré), préférant le populisme de gauche au populisme de droite, mais regardez sa politique étrangère, c'est un clone de celle de Sarkozy et il applique plus strictement même que son prédécesseur la politique budgétaire exigée par l'euro. Macron aussi devient de plus en plus sarkozyste au fur et à mesure que sa base électorale se rétrécit. Ecoutez son discours devant les ambassadeurs, mardi 29 aoûit, il met l'enjeu de la sécurité et la lutte contre le terrorisme au premier plan de ses préoccupations. Il pose un vrai problème aux Républicains. Il commence à s'intéresser en priorité à leur électorat au fur et à mesure que sa base électorale se réduit à gauche. Que faire, dans ces circonstances, quand on veut prendre la présidence de LR, le macronisme ressemblant de plus en plus au juppéisme? Wauquiez pense avoir la solution: il mobilise ce qu'il faut de populisme, y mêle un brin d'euroscepticisme (accent mis sur un protectionnisme européen) et un soutien apparent à "La Manif pour tous"; il espère ainsi s'ancrer bien à droite, en profitant de l'échec électoral (relatif) du Front National.

L'espace est étroit et Wauquiez sait bien qu'il engage une lutte avec Marine Le Pen qui n'est pas gagnée d'avance. Ses potentiels adversaires LR n'ont pas beaucoup plus d'espace que lui: ils sont bloqués par Macron, qui occupe le centre et aura de plus en plus besoin de la droite modérée; ils devraient donc, logiquement, droitiser leur programme et ceci d'autant plus que, la primaire l'a montré, les militants et sympathisants LR sont plus à droite que la direction du parti. 

La critique du "conservatisme" de la part de l'aile centriste n'est elle pas une posture risquée dans une perspective de victoire électorale pour les LR ? 

Quand on parle du "conservatisme", de quoi parle-t-on? Patrick Buisson, qui avait concocté la potion magique de Sarkozy en 2007, à savoir la juxtaposition d'une exaltation de l'identité française à l'européisme, pense qu'il faut désormais compléter le mélange par une bonne dose empruntée à la "Manif pour Tous": c'est ce qu'il appelle la réunion du populisme chrétien au populisme des patriotes. C'est en gros ce que Wauquiez s'apprête à mettre en oeuvre. La différence avec le milieu des années 2000 tient à ce que Macron occupe le centre et il sera difficile de provoquer un rassemblement aussi large que celui de Sarkozy en 2007.  Comme le Front National va rester assez fort, il y a finalement peu d'espace.

Surtout, tant que la droite restera viscéralement attachée à l'euro tel qu'il fonctionne, elle ne pourra pas vraiment mordre sur l'électorat populaire - qui ne se laissera pas attraper par un "Sarko nouveau". Patrick Buisson passe complètement à côté de cette réalité. Il reproche à Marine Le Pen d'avoir fait une campagne sur les thèmes économiques, ce qui ne pouvait, selon lui, qu'ennuyer les Français, que l'on mobilise par les valeurs. Buisson, en disant cela, refuse de voir qu'il est autant responsable que d'autres de l'échec du sarkozysme au pouvoir. Une fois Sarkozy élu, il aurait fallu le pousser à suivre son instinct qui l'éloignait de l'axe franco-allemand: quitte à choisir dans l'euro-atlantisme, il aurait fallu aller au bout d'une logique atlantiste et faire sauter, à la faveur de la crise de 2008, le carcan de la monnaie unique gérée selon des critères allemands. Le conservatisme de Buisson n'ira pas loin. Si l'on tombe d'accord sur le fait qu'il s'agit de reconstruire, à droite, une opposition à Macron, on ne peut pas le faire à partir d'un bastion populiste. Il faut aller combattre Macron sur son terrain: montrer comment la France ne fera rien sans une profonde réforme du système de l'euro (renoncer à l'obsession budgétaire de la grisonnante Allemagne), et ne pas exclure son abandon si aucun compromis n'était possible avec Berlin car la priorité est l'investissement massif dans l'éducation et dans la modernisation des infrastructures du pays, afin de faire entrer la France, définitivement, dans la troisième révolution industrielle. Le conservatisme qu'il faut inventer mettra bien, comme Buisson le pense, la transmission (plutôt que la communication) au coeur de ses préoccupations mais en donnant à ce mot une acception beaucoup plus large et beaucoup plus ouverte.

Préserver le patrimoine culturel et linguistique du pays pour le transmettre aux générations futures et au monde; faire fructifier le capital français, matériel et humain, pour qu'à nouveau nous puissions envisager que les générations futures vivent mieux que notre époque; transmettre au sens de la révolution de l'information, pour faire de la France une grande puissance du nouvel âge industriel et de tous les  Français des entrepreneurs de leur destin. Au coeur de cette perspective, il faut un investissement massif dans la formation - entendue comme formation tout au long de la vie et formation pour tous. Valérie Pécresse pourrait assumer un tel objectif mais elle appartient à une famille politique pour laquelle l'euro dans sa forme actuelle est un dogme. Or si nous restons dans le système malthusien que l'inspection des finances  a concocté avec l'Allemagne, depuis Giscard, nous ne pourrons jamais disposer des capacités d'investissement nécessaires. L'aile plus centriste des Républicains est aussi sensible qu'Emmanuel Macron aux enjeux éducatifs mais elle ne sait pas plus que lui mettre en cause le carcan monétaire qui bloque tout investissement à la hauteur des enjeux. 

Quels sont les thématiques pour lesquelles les divergences de lignes politiques sont faibles voire inexistantes entre les différents courants ? A l'inverse quelles sont les thématiques pour les quelles il peut exister une différence entre ces différentes lignes politique ? 

Sur l'économie ou la monnaie, les différences sont inexistantes, pour autant que l'on puisse voir. Les clivages vont s'affirmer sur l'éducation: Wauquiez ne s'intéresse pas au secteur et quand il était ministre de l'Enseignement supérieur, en 2011-2012, il n'a pas fait grand chose sinon continuer ce qui avait été lancé par Valérie Pécresse. Les oppositions seront les plus fortes sur les valeurs et l'identité: les adversaires de Wauquiez sont beaucoup plus rétifs que lui à se rapprocher de "La Manif pour Tous". Et, très clairement, ils pensent que le rapprochement avec le Front National n'est pas possible alors que Wauquiez va cultiver l'ambiguïté. En fait, aucun des deux camps n'a la solution. Au fond, tous sont incapables de résoudre la difficulté que pose l'attachement à la stabilité monétaire de leur électorat qui, structurellement, les coupe de l'électorat populaire.

La stabilité monétaire pourrait être la meilleure des choses pourvu que la monnaie soit mise au service de la création d'entreprises et de l'investissement massif dans l'éducation.  Mais, faute d'imaginer des transformations du système de l'euro et d'anticiper sur un éventuel éclatement de la zone euro si nos partenaires refusaient l'introduction d'une politique de change active ou de faire appel à une petite partie des 10 000 milliards que la Chine veut investir à la faveur de la "Nouvelle Route de la Soie", l'aile centriste et l'aile droitière de LR se condamnent à tourner en rond. Je me rappelle avoir demandé, en 2014 à Bruno Le Maire, qui à l'époque préparait sa candidature à la présidentielle chez LR, s'il se rendait compte des sommes à investir pour réaliser son objectif de faire de la France une "grande puissance éducative". Et lorsque je lui avait indiqué que, pour être au niveau des meilleurs de l'OCDE, le gouvernement français devrait injecter directement ou attirer par une fiscalité favorable 100 milliards dans la recherche française (le double des montants actuels), il avait jugé cela impossible.

Aujourd'hui Le Maire a rejoint Macron mais ses anciens camarades politiques ne réagiraient pas autrement que lui. Or l'effort éducatif, la formation tout au long de la vie, est la meilleure perspective pour le pays. Voulez-vous que nous continuions pendant des décennies à nous disputer sur le fait de savoir si la France a accueilli trop d'immigrés? Ils sont là et il vaudrait mieux leur donner les moyens d'une vie professionnelle réussie et l'envie de s'intégrer au pays de Saint Jean-Baptiste de La Salle et de Condorcet, de Lavoisier et de Pasteur, de Péguy et de Camus, de Pierre-Gilles de Gennes et de Cédric Villani.  

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