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Les milliardaires de la Silicon Valley veulent éradiquer les maladies. La nature, elle, a une autre idée en tête
©Reuters

Docteur Zuckerberg

Que ce soit Facebook ou Microsoft, les géants de l'industrie technologique promettent de très importants investissements pour vaincre le cancer et les maladies. Des promesses souvent éloignées de la réalité de la recherche médicale.

Roland Moreau

Roland Moreau

Roland Moreau est biophysicien et inspecteur général des Affaires sociales.

Il a notamment écrit L'immortalité est pour demain (Bourin Editeur, 2010). 

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Atlantico : Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, a annoncé investir trois milliards de dollars pour soigner, traiter et faire de la prévention contre toutes les maladies. Microsoft a développé, dans le même temps, un plan pour vaincre le cancer à l'horizon 2026. Ainsi, différents philanthropes issus de l'univers des technologies, veulent apporter des financements pour éradiquer les maladies. Comment sont perçues ces annonces dans les milieux de la recherche ? Ces projets ne sont-ils pas déconnectés de la réalité ? 

Roland MoreauLes annonces des philanthropes issus de l’univers des technologies sont diversement perçues par la communauté scientifique en fonction des objectifs des généreux donateurs . Lorsque Bill Gates décide de tout mettre en œuvre pour éradiquer le paludisme dans le monde, son projet recueille une opinion très favorable de l’ensemble des chercheurs . Dans le cadre de sa fondation, il a décidé de consacrer cinq milliards de dollars pour financer la recherche fondamentale et les actions sur le terrain pour lutter contre cette redoutable pandémie. Qui pourrait critiquer une telle initiative quand on sait que ce fléau mondial entraîne la mort de 500 000 personnes , dont plus de 350 000 enfants chaque année dans le monde ?

Le projet de Mark Zuckerberg est beaucoup plus controversé en raison de l’ambition et de l’étendue des objectifs affichés. La recherche financée par la Chan Zuckerberg Initiative a pour objet d’aborder les fondements scientifiques des quatre grands types de pathologies qui sévissent dans le monde : le cancer , les maladies cardio-vasculaires, neurologiques et infectieuses. "Vaste programme" aurait dit le général De Gaulle ! Grace à ce projet, Mark Zuckerberg promet que d’ici à 2100, l’espérance de vie moyenne sera supérieure à 100 ans.

Cet objectif est évidemment totalement déconnecté de la réalité puisque l’on observe actuellement un tassement, voire une légère diminution de l’espérance de vie dans la plupart des pays industrialisés, après une progression spectaculaire au cours des trente dernières années. Ce phénomène est lié, paradoxalement, à l’augmentation du niveau de vie qui entraîne une augmentation de la consommation de graisses et de sucres qui conduit, selon les termes de l’OMS, à une "épidémie mondiale de diabète et d’obésité" .                                                                             

La première phase du projet de Zuckerberg, le programme "Bio hub", devrait regrouper les chercheurs et ingénieurs de toutes disciplines en vue de construire un atlas des cellules humaines qui recensera  le fonctionnement de chaque type de cellules présentes dans l’organisme en utilisant, entre autres, les techniques de séquençage génétique. Effet d’annonce publicitaire ou mégalomanie ? Sans doute un peu des deux, en ajoutant aussi une certaine méconnaissance de la complexité des disciplines qui relèvent de la biologie.

Quelles sont les contraintes qui bloquent la recherche contre le cancer et les diverses maladies ? Ces financements ne pourraient-ils pas permettre d’accélérer la recherche et impulser une nouvelle dynamique ? 

Les progrès de la recherche biomédicale ont été considérables au cours des cinquante dernières années  et ils ont été en grande partie responsables de l’augmentation de l’espérance de vie moyenne mondiale, qui est passée, en 60 ans, de 46 à 70 ans. Pour autant, il est vrai que les progrès de la recherche contre le cancer n’ont pas été aussi rapides que dans le domaine des maladies cardio-vasculaires. C’est la raison pour laquelle la première cause de mortalité dans le monde est désormais le cancer et non pas, comme l’affirment certains auteurs catastrophistes, à cause "d’une épidémie de cancer".

La recherche contre le cancer s’effectue par étapes successives. Après les résultats un peu décevants de l’immunothérapie développée pendant les années 1970, les thérapies ciblées ont constitué un progrès incontestable, mais non décisif. A nouveau, depuis quelques années, l’immunothérapie semble porteuse d’espoir. L’un des problèmes de fond auquel les chercheurs sont confrontés réside dans leur méconnaissance des mécanismes moléculaires qui interviennent dans le processus de cancérisation de la cellule. A cet égard , les objectifs de Mark Zuckerberg  pourraient s'avérer pertinents, à condition d’éviter une dispersion des moyens et des protocoles. A condition aussi de rechercher des pistes nouvelles et de nouveaux paradigmes. Bref , de faire preuve d’imagination .

Une voie nouvelle semble se profiler avec les développements actuels de l’immunothérapie, qui permet d’aborder le cancer comme un processus dynamique qui lui permet , dans les cas défavorables, d’échapper au traitement indépendamment des modifications du code génétique. Le cancer évolue et il faut aider le système immunitaire à riposter en temps réel. Loin des conceptions "mécanistes" des mécènes de la Silicon Valley, c’est vers une conception plus globale de l’organisme, qui s’inspire des modèles écologiques, qu’il convient désormais de s’orienter dans la recherche en cancérologie.

Qu'est-ce que cette philanthropie révèle de ces milliardaires et de leur manière dont ils s'intègrent au monde ? 

A l’exception de Bill Gates, dont les objectifs sont précis et les motivations parfaitement claires, il est évident que la plupart des milliardaires qui veulent éradiquer les maladies s’inscrivent dans le cadre général du transhumanisme. Ce courant de pensée, né aux Etats-Unis à la fin du XXème siècle, qui regroupe de nombreux industriels et chercheurs, dont plusieurs titulaires du prix Nobel, a pour objet d’augmenter l’ensemble des capacités humaines physiques et intellectuelles, et de reculer les limites de la mort. Google et Facebook, entre autres, investissent des sommes considérables sous couvert de "programmes de santé" pour mener à bien leur projet qui vise à changer radicalement la nature de l’espèce humaine .

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