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Ménopause : l’étude qui montre que les effets peuvent durer jusqu’à 20 ans
©Pixabay

Transition... qui dure !

Dans certains cas, les symptômes de la ménopause peuvent durer près d'une vingtaine d'années. Des facteurs comme le tabac, le surpoids et le stress tendent à aggraver les bouffées de chaleur qui constituent les principales manifestations de la ménopause. Des traitements existent pour limiter les effets, mais ils ont subi un coup d'arrêt en France suite aux publications américaines sur le sujet.

Christian Jamin

Christian Jamin

Christian Jamin est gynécologue et endocrinologue. Il exerce actuellement à Paris. Spécialiste de la régulation du traitement hormonal chez la femme, il participe activement aux recherches de nouvelles méthodes de contraception. Il s'implique également dans la prévention de l'IVG.

Il a co-écrit Une nouvelle vie pour la femme, aux éditions Jacob-Duvernet, 2006.

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Atlantico : Des scientifiques américains ont mis en exergue que les symptômes liés à la ménopause, comme les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes, durent en moyenne 7,4 ans, et jusqu'à 14 ans dans certains cas. Dans quelle mesure cette situation est-t-elle vérifiée?

Christian Jamin : Dans l'esprit du public, le premier signe de la ménopause, ce sont les bouffées de chaleur. La ménopause correspond à l'arrêt des règles. Mais les dérèglements hormonaux commencent en réalité une dizaine d'années avant la ménopause en tant que telle. Les premières bouffées de chaleur apparaissent en moyenne à cette époque-là, c'est-à-dire à 40 ans. Les femmes n'en sont en général pas conscientes parce que c'est en général la nuit. Elles pensent avoir simplement un peu chaud à cause de l'édredon. En réalité les bouffées de chaleur ne sont réellement reconnue que trois ou quatre ans avant la ménopause. Elles ont un maximum dans les cinq ans après la ménopause, puis décroissent. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que 20% des femmes n'ont pas de bouffées de chaleur ou n'en sont pas conscientes parce qu'elles ne sont pas gênées. 20% pour qui c'est un enfer dans la mesure où cela les réveille toutes les nuits. Cela leur rend la vie professionnelle impossible. Pour les 60% restant, la situation est très variable en intensité et en vécu. Parmi les femmes qui ont des bouffées de chaleur, et pas forcément celles qui ont les pires, certains en ont encore à 70 ans, soit 20 ans après la ménopause, ce qui correspond tout à fait à ce que souligne cette nouvelle étude puisqu'elle montre que cela peut aller jusqu'à 14 / 15 ans. Mais ce qui est un peu nouveau dans cette étude, c'est que l'on reconnait que la moyenne dure un peu plus de 7 ans, ce qui est beaucoup plus long que ce que tout le monde croit.

Après il existe d'autres symptômes de la ménopause, ce sont les douleurs diffuses que ressentent les femmes partout, souvent après la cinquantaine. On met cela souvent sur le dos de l'arthrose mais c'est souvent lié au fait que la perte des hormones modifie le seuil de sensibilité à la douleur. En d'autres termes, ce n'est pas qu'elles ont plus de douleurs mais qu'elles les ressentent plus.

L'étude note que les médecins américains devraient en informer leurs patientes : les Françaises sont-elles mieux informées de la persistance des symptômes relatifs à la ménopause?

La chose sur laquelle il faut insister, c'est que l'on parle de symptômes de la ménopause, ce qui signifie donc que ce sont des choses ressenties. Ce n'est pas organique. Donc le ressenti dépend beaucoup de la psychologie. Or, pendant des années, au moins jusqu'en 2002 / 2005, tout le monde traitait la ménopause. Par conséquent les femmes ressentaient beaucoup les effets de la ménopause parce que l'on en parlait beaucoup et qu'il y avait un traitement. Depuis quelques années, les problèmes des traitements américains ont jeté le discrédit sur les traitements de la ménopause, j'y reviendrai plus tard. Comme par hasard, les femmes s'en plaignent moins. C'est que peut-être elles sont moins demandeuses en traitement. Le ressenti dépend de l'image et des possibilités thérapeutiques.

L'enquête note que les femmes étant plus stressées, plus susceptibles d'être touchées par la dépression et ayant un niveau d'éducation bas se trouvent plus longtemps concernées par ces symptômes. Aucun lien entre ces différents éléments n'est fait par les chercheurs américains: une corrélation entre le stress, la dépression, le niveau d'études et la persistance de bouffées de chaleur peut-elle toutefois exister?

Oui, sans aucun doute. Ce qui caractérise les bouffées de chaleur, c'est d'être principalement nocturnes. Les bouffées de chaleur diurnes sont très fortement augmentées par l'émotion. Il est donc clair que les femmes anxieuses, émotives ou stressées ont plus de bouffées de chaleur que les autres. Il y a donc une composante sociétale dans les bouffées de chaleur. Il semble que les femmes "zen" en aient un peu moins que les autres: en ont-elles moins, les déclenchent-elles moins? C'est compliqué.

En ce qui concerne les autres facteurs aggravants des bouffées de chaleur, il existe le tabac. Et le poids. Donc il est toujours compliqué de faire la différence parce que l'on sait que le poids est corrélé au milieu socio-économique, que le tabagisme l'est aussi. Donc il est très compliqué de faire la différence entre ce qui appartient à un niveau d'études élevé ou pas, ce qui appartient à un niveau financier ou non, dans la mesure où il y a des interférences entre les niveaux de revenus, d'études, le poids et le tabac. Dans ce groupe de femmes avec des niveaux socio-économiques bas, elles gagnent moins d'argent, sont souvent plus fortes et fument plus que les autres. Donc là on a un groupe de femmes susceptibles d'avoir des bouffées de chaleur sans qu'il soit possible de dire quel type de parties de ce groupement de caractéristiques est impliqué.

La ménopause, ce sont les bouffées de chaleur, les douleurs et la sécheresse vaginale. Et puis il y a les complications comme l'ostéoporose et les maladies cardio-vasculaires. Pour ce qui est des symptômes de la ménopause, les douleurs ne sont pas à mon avis liées au stress alors que les bouffées de chaleur le sont. Quant à la sécheresse vaginale elle dépend aussi du poids mais de manière inverse, c'est-à-dire que les femmes minces ont plus de sécheresse que les femmes un peu rondes. Et puis cela dépend de la vie sexuelle: moins on a de rapports sexuels, plus l'on a de sécheresse.

L'étude relève que les femmes ayant des bouffées de chaleur avant même la fin de leurs règles, souffrent plus longtemps des problèmes liés à la ménopause: existe-t-il des moyens – et pas nécessairement sous forme de traitements – de prévenir l'apparition précoce des bouffées de chaleur?

Ce qu'il faut savoir, c'est que les bouffées de chaleur restent encore quelque chose de mystérieux. C'est lié à la baisse des hormones féminines, les œstrogènes. Mais à chute d'œstrogènes égale les femmes n'ont pas les mêmes symptômes parce qu'il y a d'autres choses qui interviennent et en particulier des hormones de stress.

Pour diminuer les bouffées de chaleur il y a évidemment des éléments diététiques: il faudrait être mince, ne pas fumer, ne pas être stressé. Mais tout cela est facile à dire, plus difficile à faire. Mais il n'existe aucune preuve aujourd'hui que l'exercice physique diminue les bouffées de chaleur. Donc en matière d'hygiène de vie il faut faire attention à son poids, ne pas fumer. Ce sont des petites mesures mais le vrai traitement est hormonal.

Dans cette période qui précède la ménopause, les traitements utilisés doivent freiner l'ovaire pour éviter qu'il ne fasse n'importe quoi et pouvoir le remplacer. C'est un traitement qui s'appelle le freinage-substitution, dont je suis l'instigateur.

A l'heure actuelle, les traitements sont-ils efficaces pour traiter les symptômes relatifs à la ménopause sur le long terme?

Il y a eu un coup d'arrêt en matière de traitement suite à la publication d'une étude WIH en 2002. Bien que les traitements français n'aient rien à voir avec les traitements américains impliqués, on peut considérer en quelque sorte que le bébé est parti avec l'eau du bain et que beaucoup de médecins, d'autorités de santé, ont pris peur à la suite de ces résultats. C'est la raison pour laquelle les hormones sont de moins en moins utilisées. Le taux d'utilisation d'hormones pour traiter la ménopause a baissé de 70% ces dix dernières années. Evidemment dans certains cas cela n'est pas possible, en particulier lorsque la patiente a eu un cancer du sein. De manière générale on les utilise beaucoup moins qu'avant.

D'après moi, le problème des traitements américains c'est qu'ils étaient mauvais et dangereux: c'est la raison pour laquelle l'utilisation de traitements américains a dû être limitée dans le temps. Les traitements français sont en revanche faits à base d'hormones naturelles. Les traitements ne sont plus avalés mais on les fait passer à travers la peau. Ces traitements-là n'ont montré aucune augmentation des risques, à la différence des traitements américains. Dans l'état actuel de nos connaissances, il n'a pas lieu de les interrompre précocement et on peut les utiliser tant que l'on en a besoin. 

Les traitements américains étaient dangereux pour deux raisons: ils utilisaient des œstrogènes avalés. Or quand on avale les hormones, cela se déplace vers le foie et augmente les phlébites. Et par ailleurs ils utilisaient un progestatif artificiel dont il est archi-prouvé aujourd'hui qu'il augmente les cancers du sein et les maladies coronariennes. Alors qu'en France on utilise la voie cutanée pour ne pas avoir d'impact hépatique, avec de l'estradiol naturel et on utilise la progestérone naturelle qui n'a pas, dans l'état actuel de nos connaissances, d'effet sur le risque de cancer du sein et le risque cardio-vasculaire. Donc l'hypothèse pour expliquer les différences entre ces deux types de molécules progestatives, c'est que c'est probablement parce les traitements américains augmentaient le taux d'insuline. 

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