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Même mystère, même stratégie, même transgression : Vincent Bolloré est-il le petit frère français de Warren Buffet ?
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Atlantico Business

Warren Buffett ne passe jamais inaperçu de l’autre côté de l’Atlantique. Le milliardaire l'a encore démontré cette semaine en décidant de partir à l'assaut de Apple. Vincent Bolloré non plus ne passe jamais inaperçu de ce côté-ci de l’océan. Pour les Américains, le second aurait pu être le petit frère du premier.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Il y a des coïncidences curieuses. La semaine dernière à l'université de Columbia à New York, les étudiants en master communication questionnent leurs interlocuteurs français sur la personnalité de Vincent Bolloré.

- « Mais pourquoi Vincent Bolloré, vous intéresse-t-il ?

- « Parce ce que c’est une star ici. On ne le connaît pas bien et pourtant il est partout ... il nous rappelle Warren Buffett, vous connaissez ? »

Qui, dans le monde des affaires, ne connaît pas Warren Buffett, la deuxième fortune mondiale ? Qui ne connaît pas les prophéties de celui qu’on a appelé le vieil « oracle de Omaha, » la petite ville américaine où il habite depuis 86 ans. Il ne s’est jamais trompé.

Dernier coup en date, un coup de gueule contre ses amis qui commencent à faire les yeux doux à Donald Trump et un achat boursier spectaculaire pour 1 milliard de dollars d’actions Apple, ce qui a fait repartir le titre à la hausse. Parce que, ce qui a surpris tout le monde, c’est qu’il acheté de l’Apple alors que toute la Silicon Valley racontait que la marque à la pomme avait perdu la baraka, ce qui a surpris tout le monde c’est qu’il est l’ami de Bill Gates, le rival depuis toujours du fondateur d‘Apple, Steve Jobs, aujourd’hui disparu.

Ce qui surprend tout le monde, c’est qu'il s’intéresse aussi à Yahoo. Autre firme de technologie dont il disait pis que pendre, il y a dix ans.

« Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis » a-t-il lâché la semaine dernière quand un de ses actionnaires lui a fait remarquer que ses choix ne correspondaient pas à sa stratégie.

Et c’est vrai que Warren Buffett est loin d’être un imbécile. Il a bâti une des deux ou trois plus grandes fortunes mondiales. Il a séduit les plus grands fonds d’investissement américains avec trois principes qui appartiennent plus à la sphère du bon sens plutôt qu’à la science financière. Ce qui ne l’empêche pas d'avoir des centaines d’analystes pour vérifier ses intuitions.

1e principe : N’investir que dans des entreprises dont on connaît très bien les fondateurs et les dirigeants. "Il n’y a de richesses que d’hommes".

2e principe : N’investir que dans des entreprises qui produisent des biens ou des services qu’on connaît et qu’on utilise presque tous les jours.

3e principe : Investir à long terme, par conséquent, l’important c’est l’achat. On fait fortune à l’achat et on stocke. Donc acheter avant que les cours n’aient monté et revendre (si nécessaire) avant qu'ils ne commencent à baisser.

C’est par application de ces principes qu’il se régale à répéter chaque année aux étudiants qu’il reçoit (et il en reçoit beaucoup) qu’il a construit son groupe gigantesque grâce au pétrole, à l’agroalimentaire, grâce à Coca Cola, à Disney (par amitié et admiration pour Walt Disney qu’il a connu enfant), grâce à Kraft... c’est aussi pour les mêmes principes qu’il a refusé de croire pendant très longtemps aux nouvelles technologies.

« Je ne savais pas comment ça fonctionnait et à quoi ça pouvait servir. »

Il a rencontré Bill Gates il y a une vingtaine d’années, « il n'avait pas besoin d’argent, ça m’a étonné ! ».

Et il a compris les nouvelles technologies et leur impact sur les modèles économiques, leurs capacités à générer de la productivité.

Il a mis 20 ans à comprendre et à se décider à investir. D’où le coup de tonnerre de son arrivée chez Apple à un moment où l’entreprise a du mal à retrouver son souffle et où le titre a perdu 35 % de sa valeur depuis un an soit plus de 100 milliards de dollars.

C’est ce moment que Warren Buffett choisi pour arriver. Il croise ceux qui quittent le bateau et rachète leurs titres. Pour lui, c’est le bingo assuré sur le long terme. Parce qu’il n’est pas là pour spéculer, il est là pour investir.

Le problème avec Warren Buffett, c’est qu’on sait qu’il est riche, qu’il a des enfants "qui hériteront de quoi survivre dit-il, mais pas assez pour en faire des oisifs, ils seront obligés de travailler", répète-t-il à l’envi... le problème c’est qu’on sait que tout cela est sérieux, mais on a du mal à définir le périmètre exact de ses affaires et le contenu de ses holding... c’est lui qui détient le secret de la cohérence de tout cela en dehors de la performance financière alors qu’il a horreur des logiques financières.

Les étudiants américains ont raison. Il existe un petit frère français de Warren Buffett. Vincent Bolloré, ce Breton d’origine catholique et croyant était surnommé le petit prince du cash flow autrefois, (une forme française d’oracle) parce qu’il fabriquait du volume de la marge avec des principes de base en théorie très simples. Et qu’il ne se trompait guère. Pas plus aujourd’hui.

D'abord acheter des entreprises en mauvais état, donc avec des actifs dévalués (foncier, immobilier) à un prix déprécié.

Ensuite acheter des entreprises sur des secteurs ou des marchés à forte croissance potentielle.

Enfin, acheter quand ce n’est pas cher et revaloriser, restructurer pour créer de la valeur.

Comme Warren Buffett aux Etats-Unis, Vincent Bolloré a bâti une fortune colossale à l'échelle européenne en acquérant des vieilles holdings dont il a exploité les pépites cachées dans les anciennes colonies pour certaines.

Il a d’abord sauvé l’entreprise familiale en Bretagne qui fabriquait du papier filtre puis des sachets de thé, après il a joué au Monopoly pour les grands. Au point de devenir un acteur majeur dans le transport maritime et donc dans la gestion de ports, puis dans le transport et les équipements en Afrique, puis le caoutchouc et l’immobilier en Asie. Ça n’a pas toujours été facile. Mais ça a marché.

Plus tard, il s’est rapproché de métiers plus branchés, plus modernes comme la publicité (avec Havas) puis les nouvelles technologies de la communication avec Vivendi, Canal plus et Universal, les jeux électroniques. Pour relever aujourd’hui le formidable défi de la voiture électrique. Comme le fondateur de Tesla, son obsession, découvrir le moyen de stocker de l’électricité.

Alors ce qui est intéressant, c’est que, comme Warren Buffett, Vincent Bolloré ne s'intéresse d’abord qu’aux activités tangibles, qui répondent à des besoins presque primaires (le pétrole, le transport de marchandises, les plantations, les mines...), mais comme Warren Buffett il a découvert le potentiel de la technologie, (la voiture électrique) et des multimedias. Il peut faire de Vivendi l’un des groupes multimédias les plus puissants du monde.

Quelle est la cohérence de tout cela ? Lui seul, qui incarne le groupe, le sait sans doute en dehors de la performance financière globale qu’il surveille, alors qu’il ne se déclare pas passionné par l’industrie financière, comme Buffett.

Difficile de l'expliquer à des étudiants américains. Mais peu importe, seul le résultat compte.

Alors comme pour Warren Buffett, on sait que ça pèse très lourd, que les investisseurs ont confiance, ils le suivent. Comme Warren Buffett, il a des enfants à qui il laissera les moyens de vivre confortablement mais surtout à qui il veut confier des instruments de travail pour rebondir. Pas question d’en faire des rentiers.

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