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Médecine : 2019, l’année où l’intelligence artificielle aura vraiment pénétré le système de soins
©Getty Images/iStockphoto/BlackJack3D

Bilan 2019

A l'occasion de la fin d'année, Atlantico a demandé à ses contributeurs les plus fidèles de dresser un bilan de l'année. Aujourd'hui le docteur Guy-André Pelouze évoque le sujet de l'intelligence artificielle en médecine.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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En 2019 l'intelligence artificielle (IA) et l'apprentissage automatique (Machine learning, ML) ont commencé à pénétrer dans le système de soins. L’IA et le ML des ordinateurs sont particulièrement adaptés à la résolution de problèmes en biologie. Tout particulièrement en médecine où le nombre de données pour faire un diagnostic est croissant et dépasse les capacités du cerveau humain plus la médecine est personnalisée. Prenons un exemple. Le patient n'imagine pas les capacités de calcul nécessaire pour un simple scanner ou une simple IRM. Pour le scanner, avec une épaisseur de coupe d'un millimètre, il faut à la fois des capacités de calcul et de graphisme très grandes pour reconstituer en 3D un thorax avec ses organes en définition élevée. 

L’IA et le ML c’est tout autre chose à la fois dans le but poursuivi mais aussi dans les capacités machine. Il s’agit de faire le diagnostic des anomalies en étudiant toutes les coupes et en identifiant les anomalies sur la base, en scanner, des densités. Pour cela il faut comparer les images des coupes natives à celles d’une gigantesque base de données. Cela n’est possible qu’avec une puissance de calcul considérable et des algorithmes évolués qui fonctionnent dans la phase de développement avec des processus multiples d’essai/erreur. Sur un plan économique il semble que la valeur ajoutée se déplace vers l’IA et le ML car plus la technologie d’imagerie se banalise plus le diagnostic assisté par ordinateur fait la différence.

Les difficultés et les obstacles au développement de l’AI et du ML sont nombreux

La question de la sécurité est centrale. 

La FDA a initié un programme pilote appelé Logiciel Comme un Dispositif Médical. Ainsi, pour les entreprises sélectionnées, les procédures d’agrément de l’AI/ML sont devenues celles des dispositifs médicaux. Cette expérience a permis l’établissement d’une politique de régulation. L’UE a deux textes de référence, le premier concerne la liste des programmes informatiques qui sont assimilés à des dispositifs médicaux et le second au sujet des cas limites. Par exemple les types de logiciels suivants ne devraient généralement pas être classés comme des dispositifs médicaux:
-applications mobiles pour la communication entre la patiente et les soignants pendant l'accouchement;
-applications mobiles pour visualiser l'anatomie du corps humain;
-un logiciel qui permet une interprétation plus rapide de lignes directrices particulières (par exemple, une consultation / lecture plus rapide d'une ligne directrice concernant la classification des tumeurs malignes émise par l'Union Internationale Contre le Cancer);
-applications mobiles pour gérer les images des tumeurs (par exemple, enregistrer les changements au fil du temps). 

Comment certifier un dispositif mutant ?

Quand un nouveau dispositif médical est approuvé il est très difficile sans nouvelle demande de certification longue et coûteuse, d’en modifier quoi que ce soit. À la différence d'un dispositif technique, figé par son design et ses détails parfaitement identifiables et mesurables, l'intelligence artificielle et en permanente mutation. Des modifications substantielles peuvent être effectuées par le concepteur mais d'autres peuvent-être complètement automatisées jusqu'à modifier profondément les algorithmes du dispositif. Ceci n'est pas du goût des régulateurs qui ont l'impression de certifier un dispositif en permanente évolution. L'approbation du régulateur pour toute nouvelle version est au centre des garanties des clients mais aussi des investisseurs. Or c’est une tâche complexe demandant du temps. 

Le test de la confiance

L’IA est un fantastique outil pour la médecine de précision. Inévitablement sa puissance peut exposer à des erreurs. Seuls les outils dont on ne sert pas ne produisent pas d’erreurs. Pour autant, il est très difficile pour le patient d'admettre une erreur de la machine alors qu'il sait et accepte que l'humain peut en commettre. Cette question de la confiance se pose pour toutes les activités automatiques, la conduite d’un véhicule, d’un avion, un robot chirurgical etc. Ce sera assez long à faire accepter car d’autres facteurs interviennent par exemple la concurrence que l’IA fait aux activités traditionnelles en médecine. Dans ce domaine les radiologues sont en avance et ont déjà publiés des cas types d’utilisation de l’IA. Plus de 100 experts cliniques ont contribué au répertoire en ligne, y compris des radiologues, des physiciens, des cliniciens, des techniciens, des chefs d'entreprise, des patients et des défenseurs des patients. Toutes les activités de soin sont concernées. La biologie médicale, la médecine ambulatoire, les hôpitaux, les grandes maladies. En particulie l’IA est un puissant accélérateur du mouvement HaH, l’hôpital à la maison ou HAD l’hospitalisation à domicile qui transforme la médecine hospitalière.

Démystifier l’IA

L’IA ressentie comme une boîte de Pandore ?

En réalité la compréhension de la nature de l’IA est essentielle pour éviter d’en faire une boite mystérieuse et donc potentiellement risquée. La plupart des médecins ne font pas confiance à cette boîte, mais ils l'utiliseront comme système de soutien s'ils demeurent l'arbitre final. C’est aussi le sentiment dominant des patients. Un plus grand défi posé par la nature des systèmes d'IA est le risque de responsabilité pour faute professionnelle. Par exemple, il existe un certain nombre de start-up dans le domaine du diagnostic qui commencent à être certifiées. De ce fait elle peuvent être utilisées par un professionnel. Les domaines sont variés: les accidents vasculaires cérébraux, la rétinopathie diabétique, l'hémorragie intracrânienne ou le cancer.

L’incontournable efficience

Pour gagner la confiance des médecins, les développeurs de logiciels d’IA devront démontrer clairement que lorsque les solutions sont intégrées dans le processus décisionnel clinique, elles aident l’équipe clinique à faire un travail de meilleure qualité, plus vite et à un moindre coût. Les outils doivent également être simples et faciles à utiliser, c’est un immense défi qui rappelle combien l’interface a fait le succès du smartphone d’Apple et les difficultés du dossier médical électronique. L'application initiale de l'IA dans des tâches à moindre enjeu, telles que la facturation et le codage (par exemple, les diagnostics, les traitements assistés par l'IA), devrait également contribuer à accroître la confiance au fil du temps. L’enjeu économique est énorme car les systèmes de facturation sont entachés de nombreuses erreurs et d’oublis.

L’IA et le ML vont transformer nos habitudes médicales car le bénéfice est très supérieur aux risques

Il ne faut jamais sous estimer l’extraordinaire accélération des innovations disruptives et leur capacité à entraîner une opposition irrationnelle. L’agitation des peurs est devenu un outil politique qui malheureusement se retourne contre les citoyens et en l’occurrence les patients. L’accès à des soins de qualité est d’ores et déjà dépendant de l’IA. C’est pourquoi les difficultés actuelles du système de soins ne trouveront des solutions que dans l’adoption massive des nouvelles technologies. L’ancien système médical ne reviendra pas. La concurrence de l’offre permet de faire émerger les solutions et il convient de tout faire pour la faciliter.

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