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Mariée dix ans avec un pervers narcissique : "la torture psychologique a commencé dès mon voyage de noces au ski"
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Bonnes feuilles

Mariée depuis quelques mois, Marianne découvre peu à peu que son mari est égocentrique et dominateur. Avenant et charmant en public, il la rabaisse en privé, impose ses habitudes, favorise sa carrière au détriment de celle de sa femme. À la violence psychologique s’ajoute la violence physique. Marianne apprend à déchiffrer les humeurs de cet homme pervers, met en place des stratégies pour éviter le conflit, protéger ses trois enfants. N’osant en parler et parce qu’elle pense que ses enfants ont besoin de leur père, elle vivra dix ans dans la gueule du loup. Extrait de "Dans la gueule du loup", de Marianne Guillemin, éditions Max Milo (1/2).

Marianne Guillemin

Marianne Guillemin

Journaliste, chargée de communication au ministère de la Défense durant trente ans, Marianne Guillemin collabore à La Tribune/Le progrès. Elle est l'auteur d'Officiers de communication : le parcours des combattantes (l'Harmattant, 2013).

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Pour notre voyage de noces, il voulait faire du ski. Il adorait la montagne, moi je préférais la mer. Je lui avais dit que je skiais très mal, il n’avait pas semblé s’en émouvoir. J’avais suggéré un petit voyage à l’étranger mais il avait répondu : « Écoute, dépenser tant d’argent pour aller au bout du monde, je ne vois pas l’intérêt… »

Je m’étais sentie ridicule, avec des désirs ringards, j’avais donc vite acquiescé quand il avait parlé des Alpes.

Ses désirs, ses opinions, ses goûts, me paraissaient toujours plus légitimes que les miens. Il réduisait mes arguments d’un revers de phrase, arguant de ma jeunesse comme d’une inexpérience qui ne me donnait pas voix au chapitre. Et il était si sûr de lui, et soudain parfois si agressif que son avis s’imposait comme un orage grondant dans le lointain du quotidien. Et vite, la tension nerveuse qui emplissait la pièce en cas de désaccord entre nous me coupait la respiration. Je finissais par avoir un seul but : retrouver la paix, éloigner l’orage, tout faire pour apaiser cette tension. Quand j’avais osé évoquer l’idée d’un voyage au soleil, j’avais senti tout de suite que le conflit sourdait, enflait comme une vague. J’avais vite ajouté que je serais très heureuse de découvrir la montagne avec lui et la vague s’était effondrée sur le sable de notre discussion. Il avait retrouvé le sourire et moi la tranquillité.

Nous sommes arrivés aux Arcs, le studio était sympa et, dès le lendemain, mon mari tout neuf m’entraînait sur une piste noire. Pas rassurée, sur le télésiège, je lui rappelai que je n’étais qu’une débutante… Il rit et, une fois au sommet, empoigna ses bâtons et disparut.

J’étais paniquée.

Finalement, j’ai pris mon courage et mes bâtons à deux mains, et de slalom en chasse-neige, je parvins à glisser tant bien que mal sur cette maudite piste.

Je mis une heure et demie à redescendre. Lui, je le retrouvai en fin de matinée, ravi. Quand il me vit arriver, en chasse-neige, au bord de la piste bleue, il éclata de rire : « Mais c’est vrai que tu ne sais pas skier ! Comment est-ce possible ? »

Rapidement, il me laissa seule et, à vrai dire, j’étais plutôt soulagée. Je commençais à le connaître et je craignais qu’il ne réitère l’épisode de la piste noire…

Il ne s’aperçut même pas qu’au bout du deuxième jour, je n’achetais plus mon forfait. À la place, je fis de belles balades à pied. Nous étions hors saison, il n’y avait donc pas trop de monde et j’appris vraiment à apprécier la nature sauvage, les marches dans la neige vierge de tout pas. Au fond, je préférais déjà être seule, et lui s’amusait vraiment sur ses skis, il n’avait pas besoin de moi et me laissait en paix. Nous ne nous voyions qu’aux dîners, lesquels étaient ponctués de la narration de ses prouesses. Il nettoyait son matériel, scrutait la météo. Je le trouvais en forme, détendu et j’avais déjà appris à calquer mon humeur sur la sienne et donc à profiter au maximum de ces moments de détente. Huit jours après notre mariage, j’étais déjà habituée à être mieux sans lui…

« Alors le ski ? » me demanda mon beau-père, à qui j’avais confié mes craintes, lorsque nous fûmes de retour à Paris.

Mon mari me coupa la parole : « Oh ! Elle s’y est mise, on s’est bien amusés, n’est-ce pas ? »

Je me disais toujours, pourquoi le contrarier ? Et cet axiome de base me servait de prétexte à ne rien dire. Si j’avais résisté tout de suite, est-ce que les choses auraient pu évoluer ? Ce qui lui plaisait ne pouvait pas me déplaire et j’avais vite compris que toute discussion serait au mieux stérile, au pire, source de conflits.

Verbalement, il était déjà souvent agressif. J’avais remarqué la façon dont il s’adressait à ses parents, pourtant très gentils, et cela me choquait.

Ma belle-mère soupirait parfois en disant : « Ah, il a toujours eu du caractère !… » Je crois qu’elle confondait la personnalité et le mauvais caractère.

Il n’avait pratiquement pas d’amis, hormis un certain Gérard, un confrère qui était son souffre-douleur attitré et consenti. Combien de fois l’ai-je vu jeter Gérard à la porte et le rappeler deux jours après comme si de rien n’était ?

C’était une de ses caractéristiques, l’effacement de la bande.

Il pouvait me réveiller le matin en m’insultant parce que j’avais oublié d’acheter du sucre, hurler, casser le sucrier et m’obliger à nettoyer. Ensuite, il allait prendre sa douche et il revenait, souriant, détendu, aimable. Si j’avais le mauvais goût de faire référence à son accès de colère il criait de plus belle : « Mais qu’est-ce que tu as à faire la gueule tout le temps ? C’est insupportable ! »

Le maître mot avec lui était : « Chut, il va s’énerver ! »

Je vois encore ma belle-mère poser un doigt sur ses lèvres pour m’intimer le silence, car elle sentait la tension nerveuse de son fi ls emplir la pièce.

La tension nerveuse : ce sentiment d’angoisse qui m’a étreint durant plus de dix ans, qui accompagnait chacun de mes gestes, chacune de mes paroles, avec la peur folle de voir soudain son expression se transformer en rictus de colère, ses gestes devenir saccadés.

Je ne savais jamais, jamais ce qui allait déclencher sa rage… Et après coup, je me sentais coupable, me répétant : « Tu n’aurais pas dû dire ou faire ceci… »

Ma voisine était une dame âgée qui avait connu mon mari enfant. Elle avait parfois des absences et oubliait ses clés à l’extérieur. Un jour, elle m’arrêta dans l’escalier : « Il est gentil avec vous ? Il ne fait plus de colères ? Parce que moi, j’en ai entendu des cris, et j’en ai vu de la vaisselle cassée tomber par la fenêtre… Vous avez l’air si douce, si gentille… Ne vous laissez pas faire », me chuchota-t-elle.

Ces paroles me mirent mal à l’aise. J’en parlai à ma belle-mère qui s’exclama : « Oh ! Mais elle est un peu gâteuse ! Bien sûr, mon fi ls était difficile petit, mais c’est fi ni tout ça, il est gentil comme tout… »

Pourtant elle aussi surprit des disputes entre nous. Tant que j’étais mariée, elle se rangeait de mon côté et tentait tant bien que mal de calmer son fils. Quand il me parlait sèchement, elle lui disait : « Voyons ! » d’un air choqué, mais je crois qu’elle avait surtout peur que je ne supporte plus son fils. Il finissait par partir en claquant la porte, puis revenait quelques heures plus tard, tout souriant, avec des fleurs, une invitation au restaurant, un baiser. Et elle me jetait un regard complice, du genre : « Voyez, il faut juste attendre que ça passe… »

C’était bien là toute la difficulté. Cette alternance de moments agréables et de violence inouïe.

Extrait de "Dans la gueule du loup", de Marianne Guillemin, éditions Max Milo, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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