Malgré les sanctions occidentales, l’économie russe en meilleure forme que prévu (… ou pas) ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine préside une réunion sur les questions économiques via une liaison vidéo à la résidence d'État de Novo-Ogaryovo, le 11 avril 2023.
Vladimir Poutine préside une réunion sur les questions économiques via une liaison vidéo à la résidence d'État de Novo-Ogaryovo, le 11 avril 2023.
©Gavriil Grigorov / SPUTNIK / AFP

Frein à l'effort de guerre ?

Comment réagit l’économie russe face aux sanctions déployées depuis le début de la guerre en Ukraine ?

Eric Chaney

Eric Chaney

Eric Chaney est conseiller économique de l'Institut Montaigne depuis janvier 2017.

De 2008 à 2016, il est le chef économiste d’AXA pour ses activités mondiales. Il conseille également diverses entreprises, financières et non-financières, sur les questions économiques et géopolitiques, par l’intermédiaire de sa société, EChO. De 2000 à 2008, Eric Chaney était le chef économiste Europe de Morgan Stanley, qu’il avait rejoint en 1995, après avoir dirigé la Division Synthèse Conjoncturelle de l’INSEE, où il animait en particulier la publication trimestrielle ‘Note de Conjoncture’. Il a été Maitre de Conférences à l’ENA (1993-1996), a siégé au Conseil des Prélèvements Obligatoires auprès de la Cour des Comptes (2010-2014), au Conseil Economique de la Nation (1997-2014) et au Conseil scientifique du Fonds AXA pour la Recherche. Il est membre du Conseil scientifique de l’Autorité des Marchés Financiers et, depuis 2014, est vice-Président du Conseil d’administration de l’Institut des hautes Etudes Scientifiques de Bures-sur-Yvette.

Ancien professeur de mathématiques et éditeur d’une publication mathématique de l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, Eric Chaney est aussi ancien élève de l’ENSAE-Paris-Tech.

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Atlantico : Malgré les sanctions occidentales, de nombreux observateurs pensent que l’économie russe est en meilleure forme que prévu. Qu’en est-il vraiment ? Comment réagit l’économie russe aux sanctions ? 

Eric Chaney : Il est vrai que l’économie russe ne s’est pas effondrée. Les sanctions financières et commerciales l’ont durement touchée -on estime la perte cumulée de PIB par rapport à ce qu’il aurait été sans l’agression contre l’Ukraine entre 5% et 10%, ce qui est considérable mais supportable pour une population qui en a vu d’autres, et n’a guère le moyen d’exprimer son mécontentement. La Russie a pu continuer à exporter des hydrocarbures, pétrole et GNL, à prix cassés certes, mais cela a assuré des rentrées d’argent frais au régime. Par ailleurs l’embargo sur les exportations européennes a été en partie contourné par le transit dans des pays tiers. Il reste que le pouvoir d’achat des Russes a fortement chuté, entrainant une baisse de la consommation, et que l’inflation reste un problème sérieux, comme le montre la décision de la banque centrale de remonter son taux directeur de 100 points de base, à 8,5% le 21 juillet. Enfin, le budget est en lourd déficit depuis décembre 2022, du fait de l’augmentation des dépenses militaires d’un coté, mais aussi d’une forte chute des recettes de ventes d’hydrocarbures, résultat des sanctions occidentales. Le régime dispose de réserves et s’apprête à couper dans les dépenses non militaires -l’adaptation par l’austérité pourrait-on dire. 

Selon l’indice PMI (Purchasing Managers Index) publié ce lundi par S&P Global, l'activité du secteur privé russe aurait fortement augmenté, alors que celui de la zone euro s'est nettement replié en juillet (notamment la France et l’Allemagne). Faut-il s’en inquiéter ? 

L’indice PMI russe et les indicateurs économiques de court terme, dont certains ne sont d’ailleurs plus disponibles, ne sont guère fiables. La production industrielle ayant beaucoup baissé -le taux d’utilisation des capacités de production est tombé à 60%, un rebond peut envoyer un signal positif. En revanche, la baisse de l’indice Ifo , l’indicateur le plus pertinent pour juger de la conjoncture allemande, montre que l’affaiblissement de la principale économie de l’UE se poursuit, en raison de la contraction du commerce mondial, principalement. A noter que les indicateurs conjoncturels de juillet synthétisés par l’Insee sont stables, ce qui montre une plus grande résilience de l’économie française au refroidissement de l’économie mondiale. A condition que le ralentissement ne tourne pas à la récession un scenario possible mais peu probable-- c’est plutôt une bonne nouvelle pour la lutte contre l’inflation.

L’efficacité des sanctions va-t-elle en grandissant, au regard de la situation internationale ?

C’est le plus probable, car les sanctions privent la Russie de l’accès aux technologies les plus avancées, même si bien des contournements sont possibles. Le plus grave pour l’économie russe est bien la dégradation de ses perspectives à long terme. L’embargo sur les produits technologiques, le choix de l’exil par des dizaines de milliers de talents technologiques et scientifiques, ramènent en arrière l’économie russe, qui va se trouver progressivement vassalisée par la Chine. Principal acheteur potentiel du gaz russe, la Chine posera ses conditions, car ses propres sources d’énergie sont diversifiées. Principal exportateur de technologie et de biens de consommation vers la Russie, la Chine bénéficiera d’une position de monopole vis-à-vis de son voisin. Une telle asymétrie des échanges ne parait guère compatible avec la stabilité à long terme des relations politiques entre les deux pays, d’ailleurs.

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