Mais que se passera-t-il quand viendra la récession américaine ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Mais que se passera-t-il quand viendra la récession américaine ?
©JACK GUEZ / AFP

Krachs américains

Quand les États-Unis entreront en récession, le monde suivra, en pire

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

Voir la bio »

Une réplique de la « grande crise de 2008 » ! Les États-Unis s’y préparent, eux. Ils viennent en effet, sous les auspices de leur Banque Centrale, de lancer officiellement un test auprès de leurs banques pour savoir comment elles résisteraient, soit à une « récession sévère », soit à une autre, « très sévère », un peu plus dure même que celle de 2008 ! Elles doivent sans doute commencer, dès maintenant, l’exercice de calcul, avec une récession qui commencerait, elle aussi, maintenant. Ce choix du moment est évidemment fait pour éviter que, s’il était annoncé dans un ou deux ans par exemple, les marchés (et les commentateurs) ne se mettent à penser que « la récession est pour dans deux ans ». C’est donc tout de suite. Mais l’exercice est important dans ce qu’il annonce, avant même d’en connaître les résultats. Il s’agit de savoir en effet si l’économie américaine est assez « solide », pour reprendre le qualificatif de Donald Trump, et même plus solide que les autres ! Et les données de l’exercice officiel nous répondent : les États-Unis seront plus grands encore !

Ainsi, une « récession sévère » de l’économie américaine débuterait en ce début d’année et durerait cinq trimestres. A son plus bas, ce serait une baisse du PIB de 1% sur un trimestre (soit -4% en termes annualisés), le taux de chômageatteignant 7% un an après. Dans le cas « très adverse », la récession serait de 2,3% du PIB (-9,4 en rythme annualisé), avec un taux de chômage qui irait à 10%. D’ores et déjà, les États-Unis se demandentdonc comment ils réagiraient à un choc qui ferait passer le Dow Jones de 25725 à 20045 et le prix les maisons de207, en indice, à 176dans le cas « sévère ». Face à un choc très sévère, le Dow tomberait même à 12763 et le prix des maisons passerait, en indice, de 207 à 151. Dit autrement, les autorités demandent aux banques de réfléchir à une baisse boursière d’un quart ou de moitié par rapport à Noël 2018, et à une baisse du prix des maisons de 15 ou de 25%, pour compléter la fête !

Cet exercice est d’abord « une purge des angoisses américaines ». Le spectre du séisme agite en effet les esprits financiers (et politiques), qui ne comprennent pas bien l’étrange reprise américaine en cours. Certes il y a croissance et plein emploi aux États-Unis, mais sans augmentation des salaires – ce qui inquiète sur les qualifications des nouveaux emplois. Certes il y a reprise, mais sans réduction du déficit budgétaire, bien au contraire – ce qui montre à quel point tout ceci dépend du bon vouloir des investisseurs domestiques et étrangers, pour leurs achats de bons du trésor.

En fait, personne ne sait trop où va l’économie américaine. La Fed, la Banque centrale américaine, avoue avancer dans le noir, dans une pièce emplie de meubles et d’objets, pour reprendre les mots de son « patron », Jerome Powell. La perspective économique américaine n’a jamais été aussi confuse, du fait de la mondialisation et de la révolution technologique en cours, plus des foucades de Donald Trump avec la Chine, la Russie, l’Europe et le Brexit, l’Iran, le Moyen-Orient… pour citer l’essentiel !

C’est bien pourquoi les marchés financiers, qui guident Donald Trump et désormais la Fed (en bonne part, par Trump interposé) ne veulent plus que la Fed monte ses taux. Ils ne croient pas vraiment au scénario d’atterrissage en douceur de la Fed (ce serait une première, d’ailleurs, aux États-Unis). Ils s’inquiètent de ce ralentissement à 1,9% de croissance promis à long terme, avec un déficit budgétaire croissant. Qui va acheter tous ses bons du trésor? La Russie a tout vendu, la Chine a cessé ses emplettes, ce sont les pays émergents qui achètent, et, surtout maintenant, les fonds de pensions américains, inquiets de la volatilité boursière. Jusqu’où, jusqu’à quand ?

En fait, rien de mieux, pour « purger les angoisses américaines », que de montrer que ce sera pire ailleurs ! Quand viendra la « nouvelle crise de 2008 », c’est ce que disent les hypothèses du Trésor américain ! Une crise mondiale avec, après, un mieux relatif aux USA ! Pendant ce terrible trimestre où l’économie américaine plonge de 2,5%, la zone euro le Japon et le Royaume-Uni plongent ensemble et d’autant : - 1,5%. Et  même les pays émergents d’Asie, nom poli pour parler de la Chine, seront à -0,1%.

Mais le pire est ailleurs : dans la capacité de rebond. Quatre ans après cette nouvelle « grande récession », les Etats-Unis auraient en effet une croissance presque double de celle du trimestre qui la précédait, contre 1,8 fois pour le Royaume-Uni, 1,2 fois pour le Japon, la zone euro et 5% de plus à peine pour l’Asie émergente, qui se remettrait mal. Les États-Unis auront donc plongé plus, entraînant tous les autres, mais remonteront plus et plus vite qu’eux (comme toujours….)

On retrouve ici la fameuse « flexibilité » américaine, avec son avantage de politique monétaire. D’ores et déjà, pour organiser son « soft landing », la Fed ne vend plus de bons du trésor et dira bientôt qu’elle va garder longtemps son pactole. D’ores et déjà, les marchés se disent qu’au maximum elle montera ses taux une fois, et plus encore donnera le signal de la baisse, à la moindre inquiétude. Donc elle aura plus de capacité de baisse des taux que le Royaume-Uni (en plein Brexit), le Japon et la zone euro (avec des taux à 0%) ! La zone euro buttera sur les taux négatifs, avec un système bancaire fragile ! Pire, avec la récession, les taux longs risqués monteront aux États-Unis, fragilisant surtout les entreprises et les états-surendettés, d’autant que le dollar en sortira plus fort, les États-Unis s’étant remis plus tôt !

Moralité : les États-Unis se préparent à une nouvelle grande crise qui commencera chez eux, se propagera partout et dont ils sortiront plus forts que les autres. Trop américain pour être vrai ? Pas sûr, si on oublie qu’ils sont la puissance militaire, économique, technologique, monétaire et dorénavant pétrolière (Venezuela aidant) dominante. Et ceci d’autant plus qu’ici, non seulement on ne se prépare pas, mais en plus on s’entre-déchire !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !