Mais pourquoi multiplier les parcs d’éoliennes en mer alors que leur échec est d’ores et déjà retentissant ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement lancera un énorme appel d'offres en 2025 pour l'installation de parcs éoliens en mer dans le but de produire 10 gigawatts en 2035, a annoncé fin novembre Emmanuel Macron lors des assises de l'économie de la mer à Nantes.
Le gouvernement lancera un énorme appel d'offres en 2025 pour l'installation de parcs éoliens en mer dans le but de produire 10 gigawatts en 2035, a annoncé fin novembre Emmanuel Macron lors des assises de l'économie de la mer à Nantes.
©Scott Eisen / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Des sommes astronomiques dépensées

Malgré des milliards dilapidés en plus de 20 ans, la filière éolienne n’a pas réussi à convaincre de sa pérennité et de sa rentabilité.

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé est un expert sur les questions énergétiques. Il est l'auteur de "Guerre de l’Energie au cœur du nouveau conflit mondial" (2023), "Nucléaire : les vérités cachées" (2021) et "Eoliennes : la face noire de la transition écologique" (2019), publiés aux éditions du Rocher.

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Atlantico : Emmanuel Macron a annoncé il y a quelques jours le lancement d'un énorme appel d'offres en 2025 pour l'installation de parcs éoliens en mer d'ici 2035 pour produire l'équivalent de 10 gigawatts. Vous critiquez sur X cette décision. Vous dîtes notamment que les éoliennes en mer sont un échec retentissant. Pourquoi ?

Fabien Bouglé : Tout d’abord, il est essentiel de rappeler que ce qui justifie l’implantation d’éoliennes est la lutte contre le réchauffement climatique. Et sur ce point leur installation en France en mer comme sur terre n’a absolument aucun intérêt dans la mesure où le mix électrique français est quasiment intégralement décarboné. La France est même un des meilleurs élèves dans le monde sur le sujet grâce à son parc nucléaire et ses barrages. Dernier de la classe en Europe, l’Allemagne, qui a le record d’éoliennes, a émis les 12 derniers mois par son mix éolien/charbon 8 fois plus de gaz à effet de serre que la France. Faut-il comprendre que la France doit installer des éoliennes inutiles pour compenser les fortes émissions des centrales au charbon allemandes ?

Concernant les éoliennes en mer, l’organisation professionnelle Wind Europe nous annoncé que les éoliennes en Europe n’avaient produit que 36% de leur capacité maximale de production et vous avez des représentants de la filière éolienne qui osent encore dire aux français que les éoliennes tournent 90% du temps ! La production des 80 premières éoliennes en mer installées en France au large de la Bauleaura produira en 2023 environ 36% de sa capacité de production et encore de manière intermittente. Les récents épisodes de froids ont été accompagné d’une baisse de production voire d’une absence de production tout court de cette centrale éolienne en mer. 

Selon vous, l'énergie en provenance des éoliennes n'est pas viable économiquement parlant. Ça coûte trop cher ? Ça ne produit pas assez ?

On ne mesure pas suffisamment les ordres d’échelles concernées. Pour compenser la seule production électrique de la centrale nucléaires de Bugey située à côté de Lyon sur 1 km2 il convient d’installer 1.000 éoliennes en mer sur 1000 kilomètres carré d’espace maritime soit 12 fois la centrale éolienne au large de la Baule/St Nazaire. Nous avons donc fermé la centrale nucléaire de Fessenheim pour faire plaisir aux Allemands et maintenant il nous faut installer des éoliennes allemandes au large des côtes touristiques françaises.

En outre, lorsque le Président Emmanuel Macron annonce l’installation de nouvelles éoliennes en mer, on aimerait que dans l’appel d’offre soit prévu une centrale au large du Touquet car là aussi il y a un gros effort en termes de transition énergétique. Il n’est pas possible d’imposer aux autres ce que l’on ne s’impose pas à soit même. Les Français n’apprécient pas de se voir imposer une centrale en mer alors que Thiphaine Lauzière – sa belle-fille - est la seule en France à avoir obtenu l’annulation d’un projet d’éolienne en mer au large de la maison de famille.

En outre nous sommes en train d’accélérer l’installation au large de notre littoral alors que partout dans le monde la filière éolienne en mer est en train de s’effondrer. Dans la presse internationale les observateurs constatent un effondrement de la filière. Le 2 novembre, Reuters titrait : « Le secteur éolien offshore américain est "fondamentalement brisé" » ou The Guardian: « La crise chez Siemens Energy est-elle le symptôme d'un problème plus large de l'énergie éolienne ? » En effet le principal fabricant d’éolienne allemande a annoncé une perte de 4,5 milliards d’euros en 2023 et a demandé le secours de l’Etat allemand qui a apporté 15 milliards d’euros pour éviter sa faillite. Les cours boursiers des principaux acteurs de l’éolien s’effondrent avec des pertes de 50 à 80% depuis les plus haut en janvier 2021.

Il y a une volonté politique alors que la filière s'effondre, pourquoi ce paradoxe ?

La filière éolienne mondiale est proche de la déflagration. En avril 2023 la filière éolienne européenne devait d’ailleurs déclarer lors de la rencontre de Wind Europe « L’industrie éolienne européenne est en bonne voie pour se crasher. » Il y a plusieurs raisons à cela. D’abords le surcout énergétique et l’inflation qui en a suivi ont conduit à une explosion du coût des matières premières et donc du coût de production. Les éoliennes sont donc de plus en plus chères à construire. Les fabricants connaissent aussi des problèmes dans leur chaine d’approvisionnements. Les Chinois qui rêvent de faire aux fabricants éoliens ce qu’ils ont fait avec les panneaux solaires compliquent l’accès aux terres rares et aux aimants permanents essentiellement produits en Chine.

Pour couronner le tout la course au gigantisme a conduit à un affaiblissement de la qualité des éoliennes qui connaissent des défauts structurels. Le fabricants Siemens Energy a relevé que 30% du parc installée était concerné. Les assureurs ont souhaité une réparation des défauts. Dans ce contexte Siemens Energy a même annoncé ne plus prendre de commandes et stopper certaines fabrications.  Les éoliennes en mer soumis ont de nombreuses intempéries ont été particulièrement concernées par cette forte fragilisation. La hausse des taux a fortement compliqué le lancement de projet éolien qui bénéficiait avant crise de taux très avantageux.

De ce fait la rentabilité des projets éolien par les exploitants ne peux plus être atteint c’est pourquoi le Danois Ørsted a annoncé abandonner deux projets au large des Etats-Unis. Après cette annonce le titre a perdu le 1er novembre 25% en bourse en une journée.  Partout la filière essaie de faire bonne figure mais dans les milieux autorisés le pessimisme est de mise car pour la survie de la filière éolienne il faudrait des subventions supplémentaires en très grande quantité.

Pourtant les exploitants d'éoliennes demandent de plus en plus de subventions et la commission européenne a annoncé 500 milliards d'euros d'investissements pour adapter le réseau électrique européen afin d'intégrer ces énergies propres dans le réseau européen. Pour vous, ça ne sert à rien ?

Oui effectivement nous arrivons à un moment de vérité pour la filière éolienne. En Allemagne, l’installation d’éolienne a couté plus de 520 milliards de subventions. Dans tous les pays les exploitants ont bénéficié d’avantages fiscaux, de prix garantis, de législations allégées. Et malgré ces milliards dilapidés en plus de 20 ans, la filière éolienne n’a pas réussi à convaincre de sa pérennité et de sa rentabilité. Par le passé la filière éolienne demandait des subventions pour assurer ses bénéfices. Désormais elle demande encore plus de subventions… pour éponger ses pertes. 

Tout cela était anticipé par les observateurs et nous sommes en train d’assister au choc de la réalité que j’ai pu dénoncer dans mes différents livres depuis des années. Le choc va être terrible. Le pire c’est que malgré cet échec évident et patent, la commission européenne continue inlassablement à vouloir adapter le réseau électrique européen pour l’intégration des éoliennes ou panneaux solaires : coût annoncé 500 milliards d’euros. Une véritable gabegie, un non-sens économique et environnemental. Il s’agit en fait de multiplier les lignes à haute tension que leur déploiement va contraindre. Une véritable folie.

Rappelons enfin que depuis 20 ans la France a dépensé plus de 100 milliards d’euros en installation d’éoliennes intermittentes l’équivalent du coût de nos 58 réacteurs nucléaire et pour autant le Ministère de l’Ecologie nous informe cette année que le nucléaire a représenté 36,6 % de notre énergie primaire consommé en 2022 et les éoliennes seulement 1,5%. Tout cela pour ça.

Source : Ministère de l’Ecologie, SDES, Bilan énergétique de la France 2023

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