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Mais pourquoi François Hollande veut-il à tout prix des JO pour Paris 2024 alors qu'aucune ville organisatrice n'a réussi à éviter une débâcle financière ?
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Obsession maladive

En déplacement à Rio les 4 et 5 août à l'occasion de l'ouverture des Jeux olympiques, François Hollande a notamment fait acte de présence pour appuyer la candidature de Paris pour 2024.

Julien Gooris

Julien Gooris

Julien Gooris est consultant en économie et data science au cabinet d’expertise économique Microeconomix. Il est spécialisé dans l’analyse statistique des données d’entreprises et poursuit en parallèle des activités de recherche académique sur l’internationalisation des entreprises.

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Le Président de la République s'est fait l'ambassadeur de la candidature de Paris pour l'organisation des Jeux olympiques de 2024, lors de son déplacement à Rio de Janeiro. Au Brésil pour l'ouverture des JO 2016, les 4 et 5 août, François Hollande en a également profité pour encourager les athlètes. Ces derniers représentent un élément important de la stratégie mise en place pour convaincre le CIO, puisqu'après 4 candidatures non fructueuses, Paris a décidé de miser le tout sur un comité des athlètes. Reste que le Président Français devra parvenir à rassurer sur les questions de sécurité et persuader que les récents attentats ne sont pas un motif suffisant pour écarter la candidature la ville-lumière.

Pour autant, les problèmes de l'ouverture des Jeux de olympiques de Rio témoignent de la difficulté d'organiser un pareil événement. Économiquement, les Jeux olympiques de Londres (2012) n'ont toujours pas été rentabilisés. La construction du parc olympique devait permettre - c'est ainsi que cela avait été présenté, du moins - une amélioration réelle des conditions de vie après les Jeux, la mise en place de tout un héritage pour les populations de l'Est de Londres... Selon Lord Sebastian Coe, ancien athlète britannique et homme politique, le parc olympique de Londres devait devenir le pivot de l'est de la ville "réunissant les communautés, agissant comme un catalyseur de changement professionnel, social et économique, pour devenir un modèle d'inclusion sociale". 4 ans après les jeux, les projets n'avancent pas, ou peu et Sir Simon Jenkins (journaliste pour le Guardian et la BBC, ancien président de la National Trust, en plus d'être une autorité reconnue en matière d'urbanisme et d'architecture), le parc olympique est devenu le "mausolée de 9£ milliards d'argent public". Le site, qui devait devenir le renouveau de l'emploi de Londres, a perdu 300 entreprises 14.000 emplois.

Atlantico : L'ouverture des JO de Rio, les 4 et 5 août, et les problème qu'elle a occasionné relancent débat sur l'opportunité économique de leur organisation. En analysant les expériences précédentes (Londres, Pékin, Atlanta, Barcelone…), il semblerait qu'organiser les JO ne soit pas rentable économiquement. A partir de ce constat, quelles sont les raisons qui poussent encore les villes à présenter leur candidature ? 

Julien Gooris : Après le retrait de la candidature de Boston, la liste des villes candidates se réduit à Budapest, Hambourg, Paris et Rome. Par ailleurs, la candidature allemande pourrait être fragilisée par la pression de l’opinion publique sur les dépenses liées à l’organisation d’une candidature nationale. Les citoyens allemands semblent particulièrement sensibles aux coûts liés à celle-ci et l’opinion publique en Allemagne est vraisemblablement plus entendue par les décideurs politiques que dans d’autres villes candidates.

Bien que le comité olympique des États-Unis puisse encore désigner une autre ville américaine, le renoncement de Boston tend à réduire la concurrence entre les villes candidates, ce qui pourrait limiter la surenchère entre elles pour espérer remporter l’organisation des JO de 2024. Le retrait de Boston pourrait donc favoriser la candidature française tout en limitant les promesses, et donc le budget, nécessaires pour être élue ville organisatrice par le comité international olympique (CIO).

La surenchère en matière d’infrastructures sportives et d’accueil est une des raisons principales conduisant aux budgets mirobolants des JO observés dans le passé, avec à la clé des dépassements quasi-systématiques des dépenses anticipées. Ces dépassements s’élèvent en moyenne à +179% pour les jeux organisés depuis 1960. Par exemple, lors de la dernière édition des JO d’été à Londres, les coûts anticipés de 7,4 milliards de dollars ont été in fine de 14,8 milliards, soit le double de l’estimation initiale.

Les analyses des JO passés permettent de tirer des enseignements sur les retombées économiques liées à leur organisation. Sur la base des analyses universitaires existantes (moins enclines à surestimer les bénéfices que les études réalisées par les villes organisatrices elles-mêmes), il apparaît que le bilan économique est généralement négatif. Les impacts en termes d’emplois, de tourisme et d’attractivité internationale sont incertains, voir défavorables, tandis que les coûts sont élevés, et dépassent de loin les estimations initiales présentées lors des candidatures.

Le secteur du tourisme parisien ne devrait pas particulièrement bénéficier des JO, surtout pour une ville comme Paris, se situant déjà dans les trois villes les plus visitées au monde avec Londres et Bangkok, tandis que la France reste le pays accueillant le plus de touristes. Le tourisme lié aux JO se fait au détriment du tourisme traditionnel, qui est découragé par la tenue de JO.

Sur base de ce bilan économique négatif, les motivations qui poussent les candidats ne sont pas d’ordre économique. Elles relèvent, d’une part, de bénéfices sociaux (dont ceux d’une cohésion nationale potentiellement renforcée par l’organisation de JO et de l’amélioration de l’image du pays) et d’autre part, des intérêts personnels comme les retombées d’image positives pour des personnages politiques ou encore la signature d’importants contrats privés d’infrastructure avec des industriels nationaux. Les intérêts privés n’étant pas légitimes pour justifier les budgets astronomiques des JO, une question clé se pose donc à nos décideurs politiques : est-ce que les bénéfices sociaux envisagés sont suffisants pour justifier le coût économique net de cet événement ?

Il est régulièrement avancé que l'organisation des JO consiste à investir de l'argent public permettant de soutenir des bénéfices privés. Qui sont les premiers bénéficiaires des Jeux ?

Les bénéficiaires sont multiples et dépendent de la nature du bénéfice. Outre les bénéfices sociaux évoqués précédemment, il y a des bénéfices économiques pour les entreprises mandatées pour la réalisation des infrastructures et des emplois temporairement créés pour ces projets. Toutefois, la dépense publique liée à ces contrats est conséquente tout en ne concernant qu’un nombre limité de personnes. Cette dépense n’est donc pas économiquement efficace.

D'autres usages de l’argent public, comme des politiques nationales de réduction du chômage ou encore une réduction de la dette publique, seraient certainement plus judicieux qu’investir dans des infrastructures sportives pour un événement durant deux semaines (quand bien même une partie des équipements sera utilisée après l'événement). Par ailleurs, ces dépenses et investissements pour accueillir les JO s’inscriraient en France dans un contexte économique défavorable marqué par de fortes contraintes budgétaires avec un endettement national et des collectivités locales déjà important.

Pour quelles raisons la ville de Paris s'obstine-t-elle à présenter sa candidature? Quel rapport coûts-bénéfices attendre d'un tel événement ? 

Le rapport coûts-bénéfices économiques est au mieux faible et vraisemblablement défavorable aux villes organisatrices.

À n’en pas douter, les intérêts des politiques en termes d’image - et donc électorat -, comptent pour beaucoup dans la décision de faire candidater Paris. Il est frappant de voir comme la maire de Paris s’opposait à la candidature de Paris avant le début 2015, date à laquelle le président et le gouvernement français se sont clairement positionnés en faveur de la candidature de Paris. La maire de Paris s’est alors alignée sur la position du sommet de l’État. S’opposer à sa majorité sur le projet des JO aurait pu la fragiliser politiquement.

Même si la concurrence entre les villes candidates venait à être réduite par l’abandon de Boston, le processus de sélection pour les JO de 2024 ne devrait pas faire exception aux précédents JO. Les risques de surenchère des projets d’organisation semblent réels. Les évaluations de coûts pour Paris 2024 chiffrent à 3,6 milliards d’euros le budget d’organisation de la quinzaine sportive, qui devrait être financée par le CIO et des fonds privés, et à 3 milliards les investissements en infrastructures d’accueil. Ce dernier montant est certainement très sous-évalué quand on sait qu’en 2012, les JO de Londres ont coûté près de 14,8 milliards de dollars (soit environ 13,4 millions d’euros, hors dépenses indirectes comme les infrastructures de transport) et que les budgets observés lors des précédentes olympiades étaient très supérieurs à ceux promis par les organisateurs espérant avoir le soutien de la population.

Le coût réel observé des JO d’été de 2012 semble donc être une prévision plus crédible des dépenses nécessaires à la tenue de JO à Paris, que ceux avancés par l'"étude d’opportunité" française, soit environ 13 milliards d’euros.

En dehors des coûts d'organisation, peut-on chiffrer le coût de la simple candidature ? Qu'est-ce qu'implique une candidature en termes de coût, d'investissement en temps et en hommes? 

Le coût de la simple candidature est estimé dans son ensemble à 60 millions d‘euros par le comité olympique français. Les investissements en termes monétaire et humain de la candidature seule sont très limités comparé à l’organisation de l’événement, si Paris venait à être choisie par le CIO. 

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