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Les entreprises auraient intérêt à expliquer pourquoi elles versent autant de dividendes à leurs actionnaires
Les entreprises auraient intérêt à expliquer pourquoi elles versent autant de dividendes à leurs actionnaires
©ERIC PIERMONT / AFP

Atlantico business

Les entreprises auraient intérêt à expliquer pourquoi elles versent autant de dividendes à leurs actionnaires. Sinon, les responsables politiques vont s’en charger, et comme ils n’ont pas bien compris eux-mêmes, il faut craindre le pire.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Il faut craindre le pire en matière de démagogie. Quand les responsables politiques vont découvrir le montant exorbitant des dividendes distribués cette année aux actionnaires, il faut s’attendre, dans ce climat socio-politique dominé par la résignation des uns et la violence des autres, à n’importe quoi, qui passera par une relance du bashing des riches. À l’heure où tout le monde s’interroge sur les conséquences d’une dette publique considérable, à un moment où le ressentiment sur la situation politique est bien plus lourd que la réalité des chiffres en termes d’inflation et de pouvoir d’achat notamment, la valse des dividendes va donner aux extrémistes de quoi alimenter les campagnes politiques contre le gouvernement, le président de la République ou contre  la crème du grand patronat.

Les dividendes générés et donc distribués par les grandes entreprises du CAC 40 l'année dernière représentent plus de 65 milliards. Toutes les entreprises du CAC 40, qui sont d’ailleurs très multinationales, sont très confiantes dans l’avenir. Parce que si la guerre fait rage ou menace dans beaucoup d’endroits, les affaires ont repris. Leurs profits ont dépassé les 150 milliards en 2023. Les entreprises vont en redistribuer environ la moitié. Certaines, comme Axa, ne sont pas loin de redistribuer à leurs actionnaires 75 % de leurs résultats (sous forme de dividendes et de rachats d’actions). Les entreprises qui avaient coupé toute distribution au moment du Covid ont renoué cette année avec cette habitude.

Ce qui fait que le montant des dividendes servis cette année devrait encore augmenter de 15 % en moyenne. Ce qui est vrai pour les très grandes entreprises le sera aussi pour les ETI et les entreprises familiales qui ont su prendre le train de la modernité. Mais comme elles sont plus petites, elles sont aussi plus discrètes, donc on ne le saura pas avec précision.

N’empêche que ces avalanches de très bons chiffres vont donner des idées aux responsables politiques qui cherchent de l’argent pour financer les budgets publics et à l’opposition qui va redoubler d’énergie et d’imagination pour demander des augmentations d’impôts. C’est tellement plus facile de demander une majoration de l’impôt sur les riches ou les hyper riches ( ?°) ,  plutôt que de s’interroger sérieusement sur le montant des dépenses publiques et sociales. Plus facile et plus efficace au niveau électoral. C’est le b.a.-ba du marketing politique pour les nuls.

Les chefs d’entreprise vont avoir intérêt à ne pas se tromper et à expliquer clairement le pourquoi de tels dividendes. Les associations patronales également. Les adhérents de l’AFEP, cette association dont les 110 adhérents vivent comme une secte, vont eux aussi avoir intérêt à faire évoluer leur communication.

L’objectif est quand même d’expliquer à l’opinion d’où viennent ces dividendes, à qui ils sont versés et à quoi ils servent. Et très honnêtement, il n’y a à priori rien de caché, ni de honteux. 

Les dividendes sont la part des bénéfices qui, après impôts payés, sont redistribués aux actionnaires. Les actionnaires étant les propriétaires de l’entreprise (à noter que très souvent dans les grandes boîtes, ce n’est pas le patron). Les actionnaires sont des particuliers individuels ou regroupés dans un fonds qui ont décidé d’acheter des actions parce qu’ils avaient confiance dans l’entreprise. L’entreprise a besoin de ses actionnaires pour financer son développement. Elle a besoin qu’ils soient fidèles, elle doit leur délivrer une promesse de toucher un revenu. Et si les épargnants investissent dans une entreprise, c’est parce qu’ils en attendent un rendement meilleur que sur le livret A de la Caisse d’épargne.

Le montant du dividende s’explique toujours par les performances de l’entreprise et la décision de redistribuer par la stratégie de sa gouvernance annoncée en assemblée générale des actionnaires. Cela fonctionne un peu comme une démocratie politique.

Maintenant, à quoi servent les dividendes ? Ils rémunèrent les actionnaires dont l’immense majorité va réinvestir ces dividendes dans l’économie. Ils peuvent consommer, certes, ils peuvent acheter de l’immobilier, ils peuvent réinvestir. Il y a très peu de gens qui prennent cet argent, le glissent sous leur matelas et s’endorment dessus comme des goinfres. Très peu.

Ce qui est intéressant à savoir, c’est que près de la moitié des dividendes versés par les grandes entreprises françaises sont versés à des actionnaires étrangers, principalement américains, parce que ces entreprises françaises sont détenues à plus de la moitié par des étrangers. Est-ce à dire que les étrangers ont plus confiance dans l’industrie française que les Français eux-mêmes ? C’est probable. Mais les Anglo-Saxons ont une culture différente de la nôtre. Ils prennent des risques alors que nous, nous sommes saturés du « principe de précaution ». Enfin, ajoutons que les systèmes de retraite sont gérés par des fonds de capitalisation, c’est-à-dire des fonds qui investissent l’argent des retraites dans les entreprises. Les Américains et les Japonais en sont champions du monde.

La France, qui s’est accrochée religieusement au système de retraite par répartition, voit les pensions de retraite tomber dans le risque démographique (moins d’actifs) et regarde passer le train des dividendes. Plus énervant, on peut dire que le salarié français qui travaille dans une entreprise française cotise pour sa retraite, qui va être gérée par une usine à gaz parapublique, mais il participe aussi à fabriquer des dividendes qui, eux, vont financer la retraite de ses collègues américains. Tous les syndicalistes un peu chevronnés savent cela, mais ils se garderont bien de l’expliquer. Leur intérêt est ailleurs.

Pour être complet, il faut savoir qu’un petit quart des dividendes versés en France à des actionnaires français sont fléchés sur les salariés dans le cadre des plans de participation et d’intéressement. Une vieille idée mise en place par le général de Gaulle qui rêvait d’un capitalisme populaire. Comme souvent, les syndicats ne se sont pas précipités sur l’idée, parce qu’il n’était pas question de pactiser avec le patron. En fait, l’idée de l’intéressement est très souvent partagée par des cadres dirigeants dont beaucoup ne sont pas nuls et qui apprécient les bonus, les salaires variables et les stock-options.

Nec plus ultra : les rachats d’actions. Là encore, on nous dira que c’est trop difficile à expliquer alors que cela fonctionne exactement comme le dividende. Au lieu de distribuer des dividendes en cash, l’entreprise rachète des parts de son capital et les détruit, mais l’entreprise garde la même valeur. Le nombre d’actions est réduit, donc la valeur détenue par l’actionnaire est augmentée d’autant. L’actionnaire est plus riche et il fait ce qu’il veut. Il vend et récupère du cash. Il garde son risque en espérant faire encore mieux l’année prochaine.

Cette économie n’a rien d’un jeu vidéo comme certains le croient, ni d’un l’Euro millions qui serait réservé aux riches. Cette mécanique, qui fait le lien entre l’actionnaire et l’entreprise, ne fonctionne que parce que l’entreprise crée de la valeur par ses produits, des emplois, bref de la richesse. En toute transparence. Il n’y a rien de honteux, pervers ou toxique dans le fonctionnement d’une entreprise. Au contraire

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