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Maintien des taux de la BCE : 
Draghi met les chefs d’Etat 
devant leurs responsabilités
©

Décision attendue

Pour son président, la BCE n'a pas à se substituer aux gouvernements en termes de consolidation budgétaire et d’assainissement des bilans des banques.

Cédric Thellier

Cédric Thellier

Cédric Thellier est économiste spécialisé sur la zone euro chez Natixis depuis 2007.

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Atlantico : Mario Draghi a annoncé qu’il maintenait le principal taux directeur à un niveau inchangé de 1%. Alors que la situation s’envenime en Grèce et surtout dans le secteur bancaire espagnol, comment expliquer cette décision ?

Cédric Thellier :Le message est clair : ce n’est pas une baisse des taux de la BCE qui règlera l’ensemble des problèmes auxquels est confrontée l’Europe. L’efficacité d’une telle mesure aurait été de toute façon limitée. Cependant, certains membres du conseil étaient favorables à une telle baisse, ce qui signifie que les portes restent donc ouvertes pour les prochains mois. Cette décision dépendra alors fortement de élections en Grèce, du prochain sommet européen mais aussi des autres indicateurs macro-économiques qui sont attendus ce mois-ci.

D’ailleurs, Draghi a tenu un discours assez mitigé sur l’activité en soulignant que les risques sur la croissance européenne se sont effectivement intensifiés sans annoncer une révision des projections de croissance pour autant. L’institution de Francfort prévoit donc un scénario macro-économique plus optimiste que le consensus qui semble se dégager chez de nombreux acteurs. Mais si ses prévisions se révèlent fausses, la BCE sera contrainte de changer de position et, pourquoi pas, d’abaisser les taux.

Le MES et FESF ne pouvant pas recapitaliser directement les banques, peut-on s’attendre à ce que Draghi relance le programme SMP (Securities Market Program) afin d'aider l’Etat espagnol à recapitaliser ses banques ?

Effectivement, il y a un débat autour des statuts du MES - le Mécanisme européen de stabilité – pour recapitaliser, ou non, directement les banques. Mais Mario Draghi n’a pas souhaité répondre à cette question même s’il est probable qu’il n’y soit pas favorable. Pour lui, la question se pose autrement : ce n’est pas en relançant les programmes de rachat de dettes publiques via la BCE (le programme SMP, ndlr) que la situation des banques s’améliorera. Ainsi, lors de son discours devant le Parlement la semaine dernière, il s’est clairement positionné en faveur d’une « union bancaire » et d’une autorité européenne de supervision bancaire assortie d’un mécanisme d’aide et de recapitalisation des banques en cas de besoin, ces instances devant être indépendantes des gouvernements nationaux afin de couper le lien entre les crises bancaires et les crises de dettes souveraines.

Mario Draghi ne veut pas rentrer dans un bras de fer de communication avec les chefs de gouvernement. Il souhaite cependant envoyer un message clair à destination de l’Espagne sans pour autant la citer directement : la BCE ne peut pas se substituer aux gouvernements en termes de consolidation budgétaire et d’assainissement des bilans des banques. D’où sa volonté d’amorcer une réflexion sur une union bancaire. La relance du programme SMP afin d’aider l’Etat espagnol à recapitaliser ses banques n’est donc pas une solution en soi.

Pour ce faire, il faudra plutôt regarder du côté du MES et du FESF où il reste encore des marges de manœuvre, ce qui est d’ailleurs au menu du prochain sommet européen qui se tiendra à la fin du mois de juin. Draghi a probablement voulu gagner du temps en conditionnant les nouvelles décisions - qu'elles portent sur le taux directeur ou les programmes non conventionnels - aux issues des élections grecques et du sommet. De toutes façons, il ne se prononce jamais sur les rachats effectués dans le programme SMP.

En tenant une telle position, Mario Draghi ne prend t-il pas un risque ?

Fondamentalement, les marchés attendent de voir les résultats des élections en Grèce et les mesures structurelles qui seront adoptées lors du sommet européen. La BCE ne peut apporter de solutions définitives en soi.

En maintenant son taux directeur à un niveau inchangé, la BCE a peut être aussi voulu garder une marge de manœuvre au cas où la situation tournerait mal dans les prochains mois. En effet, une baisse des taux et une relance du programme SMP seraient beaucoup plus efficaces dans quelques semaines, ou mois, dans le cas d’une potentielle aggravation de la situation qu’aujourd’hui.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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