Macron : la magie des mots, la légèreté du renouveau<!-- --> | Atlantico.fr
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Edouard Philippe, Richard Ferrand, François Bayrou et Stanislas Guerini lors d'une conférence de presse après la réunion du bureau exécutif de LREM, à Paris, le 5 mai 2022.
Edouard Philippe, Richard Ferrand, François Bayrou et Stanislas Guerini lors d'une conférence de presse après la réunion du bureau exécutif de LREM, à Paris, le 5 mai 2022.
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Illusions

Il y a presque quarante ans, alors que je m’apprêtais à convoler avec mon cher et tendre, ma belle-mère a tenu à me révéler le secret d’un mariage réussi : si vous n’avez pas grand-chose à servir pour le dîner, compensez toujours par une belle table bien décorée. La boîte de sardines la plus sinistre aura soudain un charme fou à la lueur merveilleusement transformante des chandeliers

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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L’anecdote est certes un peu désuète et elle ne manquera pas de faire sourire dans les cercles féministes qui rêvent d’instaurer un délit de non-partage des tâches ménagères. Mais elle n’en comporte pas moins des éléments très éclairants sur le rôle prépondérant de l’illusion, de préférence lyrique, dans le marketing politique à l’œuvre en macronie à l’approche des élections législatives.

Les partis qui composent la majorité présidentielle – le Modem de François Bayrou, le tout nouveau parti Horizons de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe et bien sûr, au centre du jeu, La République En Marche d’Emmanuel Macron – viennent justement de faire savoir qu’ils se regroupent officiellement dans une sorte de confédération baptisée « Ensemble ! » Quant au parti du Président, il abandonne son sigle fondateur pour devenir « Renaissance » à l’orée du second mandat d’Emmanuel Macron.

Beaucoup de motivations politiques de court terme dans ces annonces :

· D’abord reprendre la main dans une campagne des législatives monopolisée par le feuilleton des accords de la France insoumise avec le PCF, le PS et les écologistes dans le but de forcer une cohabitation qui verrait Jean-Luc Mélenchon devenir Premier ministre.

· Montrer ensuite que les investitures législatives de la majorité, loin des tractations houleuses qui continuent à agiter la gauche, répondent à une vraie cohérence politique unifiée et pacifiée.

· Couvrir enfin le curieux silence d’Emmanuel Macron depuis sa réélection alors que tout le monde attend depuis quinze jours qu’il nomme un nouveau Premier ministre. Et commence à tirer de ce délai inhabituel la conclusion ravageuse pour l’image du Président que les candidats ne se précipitent pas aux portes de Matignon.

Mais on y décrypte aussi la volonté manifeste de retrouver l’élan printanier de 2017.

Emmanuel Macron a toujours su placer ses apparitions de candidat ou de Président dans un décor soigneusement calculé pour auréoler sa personne de modernité et de dynamisme, et il excelle à envelopper le tout dans un discours étudié pour déchaîner l’enthousiasme des foules plus que pour communiquer sur un projet précis.

La période de l’entre-deux tours de la présidentielle où le vote des électeurs de Mélenchon était perçu comme crucial pour remporter l’élection a confirmé son aptitude remarquable à se saisir de l’air du temps à pleins poumons et à reprendre à son compte les propositions de ses concurrents, quitte à oublier ce qu’il avait dit peu de temps auparavant sur les mêmes sujets. Et c’était parti pour la planification écologique, l’intensification des énergies renouvelables, l’économie circulaire, le flou sur l’âge légal de départ en retraite, le flou sur le voile islamique dans l’espace public, le flou sur tout.

Sans que tous ces revirements-tortillements, effectués bien évidemment au nom de la prise en compte démocratique des aspirations des Français, ne l’engagent à quoi que ce soit. Bien malin celui qui pourrait dire de quoi le nouveau quinquennat sera fait.

Instruits par le précédent et par la tribune « Rejoignez-nous » adressée par trois ministres issues de la gauche aux socialistes hostiles au rapprochement avec la France insoumise, on pressent qu’on ne pourra échapper au constructivisme écologique et sociétal(*) qui est devenu la caractéristique inébranlable de toute social-démocratie qui se respecte, ni aux stratégies pour l’emploi, la souveraineté industrielle, l’hôpital ou l’éducation, le tout noyé dans des budgets abondés et revalorisés, mais certainement pas analysés pour voir où se situe l’efficacité et où commence le gaspillage pur et simple.

Mais dans l’immédiat, il importe de présenter un front politique uni et profondément teinté de renouveau.

Le résultat et l’abstention de l’élection présidentielle le démontrent, il est impératif de faire oublier que La République En Marche porte les stigmates d’une République qui se voulait irréprochable, qui a même lancé une loi de moralisation de la vie politique à grand renfort de flonflons télévisés, mais qui a accouché d’une série « d’affaires » – Ferrand, Bayrou, Rugy, Benalla, Delevoye, Griveaux, sans oublier la député Coralie Dubost tout récemment – à un rythme tout aussi frénétique qu’à l’époque de l’ancien monde.

Impératif, également, de faire oublier le divorce accompli depuis cinq ans entre les technocrates du gouvernement, trop certains d’avoir raison sur tout, et la pression fiscale unique au monde qui pèse sur les entreprises et les ménages, sur fond de ruine incompréhensible de l’hôpital et de l’école.

Il convient en outre d’enterrer définitivement les multiples épisodes où l’on a entendu le Président ou ses militants les plus acharnés (donc peu susceptibles de la moindre prise de recul sur les événements) dégouliner de mépris pour qui refusait de prendre les bonnes raisons macroniennes, peu importe le sujet, pour argent comptant.

Bref, il faut continuer à éluder le bilan du quinquennat écoulé, glisser les libertés individuelles écornées sous le tapis, oublier les 600 milliards de dette en plus, faire comme si la majorité présidentielle n’était pas éclatée en de multiples courants et repartir à zéro pour cinq ans de plus de lendemains enchantés.

Quoi de mieux pour cela qu’une « Renaissance » ? Pas de passé, comme si rien n’avait existé auparavant, ni le Macron du premier mandat, ni les Français qui l’ont vécu. Depuis ce renouveau fantasmé, il est d’autant plus facile à Emmanuel Macron de faire miroiter un avenir évidemment radieux :

« Le peuple français n’a pas prolongé le mandat qui s’achève. (…) Ce peuple nouveau, différent d’il y a cinq ans, a confié à un président nouveau un mandat nouveau. »

« Je fais le serment, à nos enfants et à notre jeunesse, de léguer une planète plus vivable, et une France plus forte et plus juste. »


Le comble de l’illusion. Surtout lorsque l’on voit que le renouveau dont le Président prétend être porteur au nom des Français passe par le recyclage de tant d’anciens politiciens déchus, à l’image d’un Manuel Valls, ex-Premier ministre de François Hollande, grand perdant de la primaire socialiste de 2017, en recherche désespérée d’un point de chute politique un peu sexy et soudain érigé en fringant candidat de la renaissance macroniste.

Ce sera donc « Ensemble ! » que lui et les tous les autres se présenteront. Une illusion de plus puisque l’on sait que le souhait d’Emmanuel Macron de former autour de lui un parti centriste unique n’a pas fait que des heureux chez ses alliés, inquiets de sa voracité politique, et qu’il a dû se contenter des apparences d’une confédération au sein de laquelle les différentes composantes gardent leur identité, leur champion et leurs structure politique propre.

Une chose est certaine, cependant : Emmanuel Macron fait tout ce qui est en son pouvoir pour bien manifester à quel point il n’a aucune affinité avec le libéralisme que ses opposants les plus farouches lui collent systématiquement à la peau. La preuve par le nom « Renaissance » – Renew Europe, en langage bruxellois – qu’il a imposé après les élections européennes de 2019 pour rebaptiser le groupe parlementaire européen « Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe » (ADLE) afin de gommer toute référence au libéralisme.

Bref, derrière la magie des mots et le vide du renouveau, l’aventure continue. L’aventure au sens danger et pilotage à vue. Ce n’est pas réjouissant.

(*) Je préfère préciser une fois de plus qu’il ne s’agit pas ici de rejeter l’écologie ou le féminisme, mais de mettre en garde contre leur application sociale à marche forcée.

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