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Photo des candidats LR devant la tombe de Charles de Gaulle.
Photo des candidats LR devant la tombe de Charles de Gaulle.
©FRANÇOIS NASCIMBENI / AFP

Stratégie de l'échec

Comme d'habitude les médias et les experts sont bardés de certitudes. Sondage après sondage, le petit Jupiter de la rue du Faubourg Saint Honoré semble survoler les débats électoraux.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Ces certitudes définitives qui changent tous les trois mois. 
Comme d'habitude les médias et les experts sont bardés de certitudes. Sondage après sondage, le petit Jupiter de la rue du Faubourg Saint Honoré semble survoler les débats électoraux, avec comme moyenne le score de 24% qu'il avait déjà au premier tour en 2017. Personne ne remarque le lent effritement qui caractérise ces projections (il était deux ou trois points au-dessus dans les sondages au printemps) et que rejoint celle de sa cote de confiance: un peu au-dessus de 30%. En fait, les Américains considèrent qu'un président qui n'est pas à 50% d'opinions favorables a peu de chances d'être réélu. Evidemment, les apparences sont pour le Président: les candidats LR semblent avoir du mal à dépasser 15%. Et l'on a un candidat Zemmour qui a frôlé la barre des 20%, une Marine Le Pen qui n'entend pas se laisser faire. Donc comment imaginer qu'Emmanuel Macron ne soit pas réélu? 
Pourtant, on peut imaginer un tout autre scénario. Premier constat: il y a quelques mois, les mêmes médias et observateurs bardés de certitudes nous expliquaient que Marine Le Pen était peut-être une menace pour Emmanuel Macron. Le deuxième tour était joué. Aujourd'hui, la question posée à propos d'Eric Zemmour, c'est : jusqu'où ne montera-t-il pas? Et puis, deux sondages le montrent en recul de deux points et l'on entend soudain une série de commentaires expliquant qu'il commence à chuter ! On voit bien que personne ne peut imaginer ce qui va réellement se passer. 
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Quel est cet autre scénario?  Une concurrence est engagée entre Marine Le Pen et Eric Zemmour pour arriver en tête du camp nationaliste. Eric Zemmour critique trop les Républicains  - en voulant se démarquer de leurs dirigeants - pour ne pas connaître une limite à son potentiel. Il se retrouve aujourd'hui dans la situation paradoxale de devoir concurrencer frontalement Marine Le Pen. Or, dans ce cas aussi, il fait preuve d'une absence de sens politique. De même qu'il compare LR à une réunion des "Alcooliques anonymes", il se gausse du goût de Marine Le Pen pour les chats, lui l'intellectuel qui aime les livres. On peut penser que cette arrogance passera mal, sur le long terme. Et il n'est pas absurde de situer Eric Zemmour, au final à 10-12%. Lorsque l'on regarde le bloc nationiste, il a un potentiel de 30%, peut-être un peu plus. On peut donc imaginer raisonnablement que Marine Le Pen se stabilise vers 18%. Ce qui devient intéressant, alors, c'est de se demander qui serait l'adversaire de Marine Le Pen, dans ce cas, pour le second tour. Forcément Emmanuel Macron? Il est difficile de penser que le président reste à 24% d'intentions de vote au fur et à mesure qu'on se rapprochera de sa candidature et de l'élection. Peut-on réellement concevoir que le rapport officiel qui vient de paraître et qui dit que les lits d'hospitalisation COVID représentaient moins de 5% des hospitalisations en 2020? Peut-on s'attendre à ce que le Président ne soit pas touché par la question de la baisse du pouvoir d'achat, de la hausse des prix de l'énergie, de l'inflation? Il est donc très probable qu'on le voit baisser dans les sondages et, pourquoi pas, passer en-dessous de la barre de 20%. 

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Mais alors, qui pour occuper le vide laissé? Dans ce cas, évidemment un candidat LR, parlé de la légitimité du Congrès ! La réalité, aujourd'hui, c'est qu'il existe une réelle chance de voir le candidat LR désigné par le Congrès remplacer Emmanuel Macron en avril prochain à l'Elysée. Sans que ce soit son intention, Eric Zemmour candidat aura divisé le camp nationiste. Et un candidat des Républicains capable de s'enraciner à droite et de reprendre des voix à Emmanuel Macron au centre a donc de bonnes chances de finir dans un mouchoir de poche au premier tour avec Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Rien n'est joué mais la situation est beaucoup plus ouverte que ce que l'on pouvait penser il y a six mois. 
L'habituelle tentation à droite de l'auto-sabordage
A vrai dire le candidat LR n'aura que des alliés objectifs hors de son parti: un Emmanuel Macron usé, un Eric Zemmour pas assez rassembleur pour être durablement dangereux.  Une Marine Le Pen elle aussi usée. Une gauche incapable de s'unir. Le danger viendra plutôt de son propre camp. On se rappelle comme Les Républicains ont torpillé le résultat de la primaire de 2017 et ont offert le pouvoir sur un plateau à Emmanuel Macron. Cette fois, la situation est apparemment mieux emmanchée: premièrement, on n'a pas un affrontement entre un président et deux anciens premiers ministres; ensuite, le vote du Congrès objectivera, paradoxalement, mieux les choses, personne ne devrait en contester la légitimité. Cependant, les risques sont réels. J'en donnerai deux exemples; lors du premier débat LR, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand ont été très contre-productifs en jouant sur les mots quant au "moratoire" de Michel Barnier et en laissant croire au public que le candidat qui a le premier, dès le printemps, mis l'immigration au centre du débat LR était en fait "dilatoire". Il y avait un message simple à faire passer au public: nous sommes tous d'accord pour agir en matière d'immigration et il s'agissait d'expliquer pourquoi on pensait être encore plus efficace que le concurrent. On m'objectera que c'est de bonne guerre, c'est la loi d'un débat de ce type. Pourtant, l'argument ne tient pas devant l'urgence de la situation et le danger que représente, pour le pays, la réélection d'Emmanuel Macron, pour un troisième quinquennat "hollandien" marqué par l'incompétence et aggravant les divisions du pays. Il faut rassembler et accepter que l'équipe des cinq candidats à la primaire soit l'amorce du prochain gouvernement, avec l'un des cinq qui se dégage comme le primus inter pares. Toute autre approche ferait, une nouvelle fois, rater la présidence, avec une seule conséquence, le déclin définitif du parti. 
Car ceux qui calculeraient en se disant qu'il sera possible de ramasser la mise après une défaite se trompent lourdement. Les Français ne pardonneront pas ses renoncements successifs à un parti qui: 1. n'a pas tenu, sous Nicolas Sarkozy, les engagements de 2007 sur l'immigration et la sécurité; 2. s'est auto-détruit en 2017; 3. ne saisirait pas les chances qui s'offrent à lui en 2022. 
En fait, LR a son destin en mains. Et celui de la France. On ne peut pas laisser réélire Emmanuel Macron. Encore faut-il prendre les moyens de la victoire.     

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