« Les Vertueux » de Yasmina Khadra : du bon « Khadra », inspiré et rassemblé<!-- --> | Atlantico.fr
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Le livre « Les Vertueux » est à retrouver aux éditions Mialet-Barrault/Flammarion.
Le livre « Les Vertueux » est à retrouver aux éditions Mialet-Barrault/Flammarion.
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ATLANTI-CULTURE

Le livre « Les Vertueux » est à retrouver aux éditions Mialet-Barrault/Flammarion.

François Duffour pour Culture-Tops

François Duffour pour Culture-Tops

François Duffour est chroniqueur pour Culture-Tops et avocat au Barreau de Paris.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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Thème

Yacine Chéraga a l’âge de la conscription à l’automne 1914 et va prendre sous la contrainte la place d’un autre pour aller combattre sur le sol de France. Étant seul dans son douar perdu d’Algérie à savoir lire et écrire, Gaïd Brahim, le caïd qui asservit et terrifie tout son fief, le désigne pour prendre la place de son fils qu’il veut épargner. En contrepartie de cet engagement et de son silence absolu sur ce marché de dupes, sa famille profitera de la protection du caïd le temps de la guerre et lui, Yacine, à son retour, recevra une maison et des terres épargnant de la misère tous les siens pour toujours.    

Yacine, enrôlé sous un nom d’emprunt, va ainsi s’arracher à leur affection et à sa terre natale sans explication, rejoindre un cantonnement sommaire pour apprendre à la hâte le maniement des armes, découvrir ses compagnons d’infortune, traverser la Méditerranée puis la France et combattre dans la Marne sous l’étendard du 2ème Régiment de Tirailleurs d’Afrique.

S’en suivront quatre années de guerre, de combats héroïques et vains, de tranchées et de typhus, de blessures et de mort rendant Yacine Cheraga alias Brahim à la vie civile fracassé, hanté par la mort de ses frères d’armes, le danger et la peur, fracassé mais libre ; une simple sardine, le galon du caporal, fleurira son épaule en dépit de ses faits d’armes.

Le caïd ne tiendra pas sa promesse, organisera le retour du héros en la personne de son fils et tentera de se débarrasser de Yacine, seul témoin de l’imposture, lui imposant une vie d’errance et de dissimulation qu’il traversera toujours avec sagesse, résignation et confiance. 

Ainsi, et dans la quête insatiable de sa famille disparue qui va suivre, Yacine alias Brahim va-t-il connaitre l’aisance et la misère, l’amour et la haine, la prison et la liberté et vivre ces alternances dans la fidélité à l’enseignement reçu qui veut que l’homme ne décide rien de son sort et le subisse sans faiblir, avec pour seule mission la vertu, condition de son salut.

Points forts

- La description de la guerre de 14, même si elle a déjà nourri abondamment la littérature depuis un siècle, la confrontation et la solidarité des frères d’armes, et l’idée intéressante de les transposer dans le combat suivant, celui naissant de l’indépendance de l’Algérie dans les années 30.

- La richesse de l’étude anthropologique qui associe dans un même roman un père mutilé et courageux, une mère analphabète et poète, un chef tribal vil et brutal, un chef de guerre imprévisible et fier, une femme mure, lucide et sensuelle, une autre ingénue et fidèle, ainsi une cohorte de personnages, avec ou sans statut, avec ou sans vertu, composant une humanité vivante et souffrante.

Points faibles

L’abondance de personnages, si nourrie que la lecture du roman en est rendue un peu difficile, sans néanmoins qu’elle altère la compréhension de l’histoire. Il faut un peu de temps pour reconnaître qui sont Sid Tami, Zorg, Wari, Borsali, Gildas, Lalla, Horr, Karzaz et tant d’autres …

En deux mots...

Yasmina Khadra est depuis longtemps passé maître dans l’analyse généreuse de la nature humaine, la compréhension des comportements induits par la naissance et les circonstances de la vie qui réduisent sans doute le champ du libre-arbitre. Et de défendre toujours et jusque dans l’adversité la plus noire le refuge et le salut qu’offrent ou permettent la vertu et l’amour de l’autre. Dans le même sens, il refuse le jugement manichéen et l’assimilation des hommes vertueux à un seul camp quand ils peuplent tous les pays, toutes les sociétés, toutes les générations et tous les mondes.

Ce roman illustre une fois de plus chez l’auteur un message de réconciliation, d’autant plus remarquable qu’il émane d’un fils de combattant de l’Armée de Libération Nationale ayant lui-même servi vingt-cinq ans dans l’armée algérienne avant de prendre la plume au service d’un combat généreux et humaniste.

Un extrait...

“ Allal était décidé à mettre le destin à genoux. Il disait que les épreuves forgent les convictions et qu’un jour il réaliserait l’ensemble de ses rêves. « La patience est le meilleur compagnon de route de celui qui sait où il va et je sais exactement où je vais. Je serai riche. Ça ne sera pas facile, mais j’y parviendrai », me répétait-il sans cesse.”

L'auteur

Le discours de Khadra est illustré par son parcours. Fils d’un ancien de l’ALN, élève de l’école militaire de Cherchell, officier de carrière au service de l’armée algérienne, il combattra avec constance l’Armée Islamique du Salut et le GIA. Yasmina Khadra est un pseudonyme, indispensable à ses premières publications pour échapper à la censure de l’armée, deux fois trompeur puisqu’il correspond aux deux prénoms de son épouse. Son œuvre est pléthorique et brillante, illustrée notamment par trois romans majeurs édités chez Julliard et présentés comme les composantes d’une trilogie : Les Hirondelles de Kaboul en 2002, L’Attentat en2005et Les Sirènes de Bagdad en 2006. Toujours chez Julliard en 2008, Ce que le jour doit à la nuit qui reste son chef d’œuvre sera maintes fois primé et encore élu comme « Meilleur Livre de l’année 2008 » en France par Lire quand  les Hirondelles de Kaboul le sera aux Etats-Unis en 2005 par le San Francisco Chronicle.

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