Les tablettes numériques sont-elles l’avenir des manuels scolaires ?<!-- --> | Atlantico.fr
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De nombreux pays ont commencé à équiper leurs écoles d’outils pédagogiques numériques.
De nombreux pays ont commencé à équiper leurs écoles d’outils pédagogiques numériques.
©Reuters

Papier vs écran

La présentation de l’application "Author Books" par Apple mi-janvier a marqué une étape dans le développement d’outils pédagogiques numériques. Mais elle ne résout pas les questions de coût et d’éthique que pose la conversion des manuels scolaires en support digitaux, un chantier qui ne fait que commencer.

Remplacer les livres de classe par des tablettes numériques : depuis l’avènement de l’iPad en 2008, la question agite les milieux éducatifs. La nécessité d’une évolution de l’école vers le numérique semble intériorisée, et nombre de pays ont commencé à équiper leurs écoles d’outils pédagogiques numériques. Mais l’opportunité et la possibilité d’équiper chaque élève d’un iPad font débat. 

Lors de sa conférence "Reinventing Textbooks” mi-janvier, Apple a présenté une nouvelle application, baptisée "Author iBooks", qui permet aux éditeurs de produire des manuels interactifs avec vidéo, audio, voire même des graphismes rotatifs en 3D, qui s’activent au simple toucher d’un doigt. De quoi offrir des explications que les élèves pourraient intérioriser plus facilement, à tout âge. Pour accéder à ces nouveaux supports numériques sur iPad, une application gratuite, iBooks 2, est à télécharger sur l’Apple Store de l’école. Les manuels interactifs peuvent ensuite être achetés sur iTunes ou l’Apple Store en ligne, pour environ 15 dollars chacun ou moins. Soit un septième du prix moyen d’un manuel américain aujourd’hui. 

Les études sur l’efficacité des supports numériques, notamment ceux d’Apple, se multiplient. Des chercheurs viennent de comparer la performance de deux groupes d'enfants au cours d'une année à l'école d'Amelia Earhart Orient à Riverside, en Californie. Deux groupes d’élèves ont été constitués : un premier groupe a utilisé un manuel d’algèbre classique, l’autre un iPad avec une version numérique du même programme de calcul. Le résultat a été net : à la fin de l'année, 78% des élèves utilisant le support interactif ont obtenu une évaluation "expérimenté" ou "avancé", contre seulement 59% des élèves ayant appris le même programme sur un livre scolaire standard.

Concrètement, les manuels interactifs peuvent offrir des didacticiels vidéo, un enseignement plus personnalisé, un accès instantané aux outils d'évaluation et aux ressources pédagogiques, et permettent d’échanger via les réseaux sociaux avec des élèves d’autres établissements du pays. Des recherches dans des bases de données publiques sont également possibles directement depuis le manuel, alors qu’une fois dans la salle de classe, les étudiants peuvent synchroniser leur livre numérique avec les ordinateurs de leurs enseignants.

Pourtant, les manuels numériques ne représentent que 2,8% du marché des manuels scolaires aux États-Unis. En cause, d’abord, des questions logistiques : il faut des équipements informatiques suffisamment puissants pour gérer des classes entières utilisant des manuels numériques, ce dont ne dispose pas la très large majorité des écoles. Mais se pose surtout une question de coût : les prix des tablettes vont peut-être baisser à terme, mais que pour l’instant, l’iPad se vend encore à 500 dollars l’unité outre-Atlantique, contre entre 75 et 100 dollars pour un manuel scolaire américain moyen. Même en donnant une réduction groupée à chaque école, en admettant qu’elle débourse 100 dollars pour un iPad, il faut encore compter sur des questions d’amortissement : un manuel scolaire dure en général cinq ans, et se transmet d’un élève à l’autre. Avec les risques de panne ou de casse, notamment dans les mains des plus jeunes, ou tout simplement d’usure, un iPad a peu de chances de survivre aussi longtemps. Et coûte donc pour l’instant plus cher, quoiqu’il arrive.

Quand bien même le coût serait abaissé, le risque d’une éducation digitale à deux vitesses grandi : les tablettes seront achetées par les écoles les plus riches ou les parents les plus aisés. On imagine mal des classes scindées en deux, entre les élèves qui peuvent se faire payer une tablette, et ceux qui doivent se contenter d’un livre papier, des conséquences à long terme pouvant en découler. Il y a donc de quoi approfondir les inégalités des systèmes scolaires, qui, comme notamment en France ou aux Etats-Unis en comptent déjà beaucoup, tout enjeu numérique mis à part. 

Confort de travail

Par delà la question financière, se pose celle du confort de travail avec une tablette ou un manuel numérique, notamment pendant une session de travail prolongée de plusieurs heures. Les écrans LCD ne sont pas franchement faits pour une lecture approfondie, qui peut comporter des dangers pour la vue des élèves, bien que les avis des ophtalmologistes ne soient pas unanimes sur le sujet. Des questions de régulation se posent également : l’Ipad n’a pas pour fonction première d’être un outil éducatif, mais plutôt de permettre de naviguer sur internet, de faire de jeux, etc. Il s’agirait donc de développer des gardes fous pour obtenir des iPad avec des fonctionnalités limitées aux seuls enjeux éducatifs. Ce qui repose la question du prix, un iPad pouvant difficilement être vendu 500 dollars sans ses fonctions les plus attrayantes. Et cette possibilité existait, rien n’assure qu’Apple ou ses concurrents seraient prêts à développer des iPad limités, puisqu’il leur faudra se retrouver financièrement dans ce pari.

L’avenir de l’école n’en apparaît pas moins intimement lié avec le développement des technologiques numériques. Dans une étude, des chercheurs du Massachussetts Insitute of Technologoy (M.I.T) ont ainsi récemment noté que "presque toutes les institutions - entreprises, industrie, médecine, science et gouvernement - ont exploité les aspects de ces technologies depuis des décennies. Les jeux et les simulations ont été un élément clé de la formation de médecins et de personnel militaire. Le fait est que les grandes entreprises, le ministère de la Défense ou le monde médical n’utiliseraient pas ces outils s’ils s’avéraient inefficaces".

De plus en plus d’école en France s’équipent de tableaux blancs et d’outils numériques pour un usage pédagogique collectif. Mais il semble que deux questions cruciales se posent. En termes financiers et logistiques, il y a celle de l’équipement individuel des écoliers et des étudiants. En termes pédagogiques, il y a celle de la formation des enseignants aux nouvelles technologies dans l’éducation. Car c’est encore l’enseignant qui reste le maître de l’utilisation de la technologie. Celle-ci n’est jamais aussi efficace que quand celui qui l’utilise sait en faire un usage optimal.

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