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Les recettes miracles de Mario Draghi, le plus improbable des Premiers ministres italiens
©GUGLIELMO MANGIAPANE / POOL / AFP

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Mario Draghi a constitué le plus hétéroclite des gouvernements, il a rallié l’ensemble de la classe politique et des marchés à sa cause, et se prépare à relever trois défis : la crise sanitaire, la crise économique et la place de l’Italie en Europe.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour les Européens du nord comme pour les élites françaises, la nomination de Mario Draghi comme chef de l’exécutif italien dans les conditions actuelles relève du miracle ou de la provocation. D‘ailleurs, la majorité des chroniqueurs européens et des médias sont d‘une modération et d’une prudence très inhabituelle à l’égard de la situation politique en Italie et de sa probable évolution. 

Pour avoir une idée de ce qui s’est passé en Italie ce week-end, il faudrait imaginer qu’Emmanuel Macron renouvelle son gouvernement en appelant à des postes clefs tous les chefs des partis traditionnels de gauche comme de droite, puis les autres, c’est à dire Marine Le Pen d’un côté et Jean-Luc Mélenchon de l’autre. Quelle cacophonie ce serait. Impossible, inimaginable. Il n’y a que le Général de Gaulle qui, dans l’Histoire de France, avait réussi à freiner à la même table, les Gaullistes, les conservateurs, les libéraux, les socialistes et les communistes. On était en 1945, les circonstances étaient exceptionnellement graves et ce gouvernement n’avait pas duré très longtemps. 

Mario Draghi va piloter l’expérience la plus spectaculaire de sauvetage politique et économique de l’une des plus anciennes démocraties de l’Europe qui a failli faire tout exploser tant de fois.

Mario Draghi n’avait absolument aucune des qualités pour accéder au pouvoir dans une  Italie traversée par des courants extrémistes, parfois violents et dont le seul point commun est qu’ils travaillent depuis des années à la destruction du système sur lesquels s’est construite l’Italie moderne. Ces anti systèmes qui ont toujours cherché à détruire le capitalisme, la démocratie parlementaire et pour couronner le tout, des anti systèmes qui ne pouvaient pas supporter l’Union européenne. Sa culture, son projet et son impact. 

Et Mario Draghi a joué de toutes les composantes de son ADN pour rallier toute la classe politique à son projet. 

Mario Draghi est un pur techno, économiste et financier, fervent admirateur et architecte du capitalisme financier international. Très européen, qui a parfait son éducation mondialiste chez Goldman Sachs dont il a été un des dirigeants les plus emblématiques.  

Mario Draghi n‘avait aucune des qualités qu’il fallait. Il détestait les débats politiques italiens et aux yeux des Italiens, il avait le défaut indélébile d’avoir été le président de la Banque centrale européenne à un moment où la BCE vacillait sous les dettes de la crise financière. Et envers et contre tous, et notamment contre l’avis de ses compatriotes et aussi des Allemands, il passe, à juste titre, pour être l’homme qui, en 2012, a sauvé l’Euro et l’Europe. Pour les uns, il incarnait la pensée unique dans ce qu’elle a de plus arrogant. Pour les autres, il passait pour le « Dracula » de la BCE.

Et bien cet homme, qui, sans doute était critiqué avec le plus de violence par la presse italienne d’extrême droite comme d’extrême gauche, a donc accepté de constituer un gouvernement avec un programme que personne sur l’échiquier politique n’a osé combattre. 

Mario Draghi a donc présenté la liste de son gouvernement avec un nombre très important de ministres et notamment de têtes déjà connues dans le monde politique. Plus de 15 ténors de la vie politique. De la droite à la gauche. 

On attendait un gouvernement de technos, on se retrouve avec un gouvernement de militants agitateurs qui n‘ont pas cessé de s’invectiver au cours des dix dernières années. 

Les deux grands partis seront très largement représentés. Les conservateurs libéraux de Silvio Berlusconi, comme les socio démocrates. La Ligue, qui règne sur l’extrême droite, a promis d’observer dans le calme les premiers pas du gouvernement, mais Matteo Salvini, ancien leader souverainiste, a officiellement apporté son soutien. 

Mais de l’autre côté, la grande surprise est aussi d’avoir vu arriver les proches du mouvement 5 Etoiles de Giuseppe Conte, son prédécesseur. Beppe Grillo a insisté sur l’importance être uni derrière Super Mario. 

Le monde à l’envers. Quand on se souvient des tombereaux de critiques qui ont été déposées devant les portes de chez Mario Draghi, à Milan comme à Francfort ou Bruxelles. Matteo Salvini et Beppe Grillo étaient franchement au-delà de ce qu’on peut imaginer en France contre le système capitaliste et européen. Jean-Luc Mélenchon et ses amis sont des enfants de chœur. Marine Le Pen aussi. 

L’objectif avoué et déclaré haut et fort de Mario Draghi est d’avoir donné des responsabilités aux chefs politiques pour qu’ils ne le gênent pas dans son entreprise de réforme. Et il faut dire qu‘aucune critique, aucune remarque désobligeante n’a fusé dans les médias, ce qui est surprenant, ni sur les réseaux sociaux ce qui relève de l’exploit. 

Pour accompagner ce gouvernement politique, Mario Draghi a quand même embarqué avec lui un des technos les plus experts dans le domaine économique et monétaire en la personne de Daniele Franco, l’ancien directeur de la Banque centrale italienne comme ministre de l’économie, chargé du redressement. 

Le premier résultat de cet attelage gouvernemental n’a pas tardé sur les marchés monétaires et financiers, puisque les taux d’intérêt ont baissé de moitié, preuve s’il en est que pour les marchés, le projet Draghi et les moyens mis en œuvre faisaient tomber les risques. 

Mario Draghi a annoncé la couleur. Il a trois objectifs qui sont des vrais chantiers structurels et vitaux pour l’avenir de l’Italie.

1er chantier : Régler la crise sanitaire et comme il ne pourra pas tuer le virus, il s’est engagé à privilégier une campagne massive de vaccination. En 48 heures, il a finalisé les plans de vaccination pour la totalité des Italiens, les processus logistiques, les moyens et les approvisionnements. Et si l’administration italienne ne parvient pas à s’organiser, consigne a été donnée de trouver les entreprises privées capables de le faire. La course aux vaccins est engagée.  On verra plus tard comment réorganiser le système de santé qui, comme en France, a montré ses défaillances. 

2e chantier : Redresser l’économie, ce qui veut dire qu’il faudra continuer à la soutenir mais lancer le plus tôt possible des plans de relance fondés essentiellement sur l’investissement. L’endettement extérieur ne sera supportable que si et seulement si, la dette est consacrée à l’investissement parce que dans ce cas-là, la dette génère ses moyens propres à la rembourser. Pas question pour Mario Draghi de ne pas rembourser cette dette colossale qui représente 160 % du PIB (rappelons qu’en France, la dette est de 120%). 

Mais pas question pour autant de resserrer le système et d’étouffer les forces vives par l’impôt, les taux d’intérêt zéro doivent permettre d’attendre quelques années que la croissance génère les recettes nécessaires.  

3e chantier : renforcer les liens avec l’Union européenne de façon à mieux profiter encore de la solidarité entre les partenaires et mutualiser les dettes. Mario Draghi sait mieux que quiconque la façon dont l’Europe fonctionne. La majorité des leaders italiens considèrent que l’Italie est aujourd’hui dans un moment historique identique à ce qu’elle était au lendemain de la seconde guerre mondiale. A l’époque, il fallait gouverner avec tout le monde. C’est la force de Mario Draghi d’avoir convaincu que l’urgence était de sauver le système italien. Or pour lui comme pour beaucoup d’autres leaders, le sauvetage ne serait pas possible sans l'Europe ni l'Euro. 

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