Les pirates à l’assaut de l’Asie du Sud-Est <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Toute l'Asie du Sud-Est est envahie par les pirates.
Toute l'Asie du Sud-Est est envahie par les pirates.
©Reuters

Capitaines Crochet

Les attaques se sont multipliées ces dernières années en Asie du Sud-Est, les pirates visant désormais ouvertement les cargaisons de pétrole que contiennent les bateaux.

Sophie Boisseau du Rocher

Sophie Boisseau du Rocher

Sophie Boisseau du Rocher est docteur en sciences politiques, chercheure associée au Centre asie IFRI. Elle travaille sur les questions politiques et géostratégiques en Asie du Sud-Est.

Voir la bio »

Atlantico. La moitié des 54 actes de piraterie recensés entre janvier et avril 2015 ont eu lieu en Asie du Sud-Est. Qu'y cherchent particulièrement les pirates ?

Sophie Bisseau du Rocher : Comme partout ailleurs, à gagner beaucoup, rapidement. Les modes opératoires sont bien rodés, simples mais incisifs. Aujourd'hui les pirates sont excessivement bien équipés, dotés de bateaux petits, ultra-puissants et très maniables, d'armes légères. Ils attaquent en fin de journée, ou de nuit, menacent l'équipage, ramassent tout ce qu'ils peuvent (montres, ordinateurs, portables...) et dégagent. D'autres groupes, plus ambitieux et souvent liés aux mafias ou triades, n'hésitent pas à prendre l'équipage en otage ou à le liquider, à détourner le navire après avoir débranché les équipements de communication et à revendre la cargaison par des réseaux parallèles très organisés. Là, les gains sont potentiellement beaucoup plus importants . Ce  type d'attaque a connu une recrudescence en 2014 dans la région: sur les 21 navires détournés par des pirates cette année-là, 16 l'ont été en Asie du Sud-Est. 

En quoi ces actes se différencient-ils des attaques au large de l'Afrique ? Au contraire, existe-t-il un lien ?

Si l'ambition des pirates a souvent été plus grande et violente en Asie du Sud-Est, les actes ne se différencient pas fondamentalement et les tactiques des pirates sont identiques. Mais aujourd'hui, la coopération anti-piraterie mise en place le long des côtes somaliennes et dans l'océan Indien a fait ses preuves et dissuadé : on observe une chute des attaques. Le fait que le problème se soit déplacé en Asie du Sud-Est montre qu'il y a un lien entre les phénomènes et que la piraterie est organisée au niveau mondial. Si ce ne sont pas les mêmes pirates (le plus souvent des locaux), ce sont souvent les mêmes organisations tentaculaires qui cherchent à tirer avantage de toutes les déficiences juridiques ou organisationnelles. Cela dit, l'Asie du Sud-Est a mis en place des formats de coopération (patrouilles coordonnées, partage d'informations , suivis des bateaux...) qui fonctionnent et, en étant renforcés, devraient permettre de réagir assez rapidement à cette recrudescence.

Ces attaques en Asie du Sud Est ont-elles changé de nature ces derniers temps ? Sous la pression de quels facteurs ?

Comme expliqué plus haut, il y a deux types d'attaques: les "petites" attaques qui sont souvent le fait de bandes organisées. Ces attaques et la contrebande qui en résulte sont très anciennes dans les eaux de la région et il faudra à mon avis, une coopération efficace et des alternatives attractives (pour compenser le manque à gagner) afin d'en venir à bout. Les pirates considèrent que leur activité est un "business" comme les autres. Et puis les grosses attaques perpétrées par des mafias excessivement puissantes, très bien déployées sur l'ensemble de la région et qui brassent des sommes d'argent considérables en bénéficiant d'appuis politiques qu'ils savent rétribuer: pour les contrer, la lutte anti-piraterie ne suffit pas, il faut aussi approfondir aussi un cadre juridique fiable pour punir des pirates qui sont rarement poursuivis et sont donc encouragés à redoubler d'audace et de violence; il faudrait aussi plus de transparence dans les jeux et financements politiques. En Asie du Sud-Est, un renforcement de la prévention mais aussi des sanctions seraient bienvenus avant que des réseaux terroristes considèrent que faire sauter un pétrolier aurait un impact symbolique aussi fort que d'attaquer un bâtiment sur terre.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !