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Les menaces de guerre entre la sécurité sociale et les mutuelles se précisent. Et l’issue du conflit n’est pas écrite
©DENIS CHARLET / AFP

Atlantico Business

La Sécurité sociale va une fois de plus crouler sous les dépenses de santé, et pour financer les déficits, l’idée serait d’aller chercher les mutuelles ou les caisses d’assurance complémentaire et de les avaler. C’est sans doute la plus mauvaise idée de l’année.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La guerre n‘est pas déclarée, mais ça ne va pas tarder, entre la Sécurité sociale qui doit trouver un financement au déficit de l’assurance maladie et les assurances complémentaires santé qui, elles, sont, dans la plupart des cas, beaucoup mieux gérées

L’idée de rapprocher les deux types d’organismes, caisses d’assurance maladie d’un côté, et mutuelles complémentaires de santé de l’autre, est une idée qui est née dans les bureaux du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie, qui étudie toutes les solutions pour ramener la Sécurité sociale à l'équilibre. Et parmi ces solutions, la plus simple serait de combler les déficits de l’assurance maladie par les excédents possibles des mutuelles. Mais bon sang, mais c’est bien sûr ! 

Plutôt que d’étudier avec sérieux les logiques de fonctionnement des uns comme des autres et d’essayer de comprendre pourquoi l’assurance maladie est en déficit structurel alors que les complémentaires d’assurance sont structurellement à l’équilibre, on préfère organiser un système de vases communicants en puisant chez ceux qui sont plutôt bien gérés, pour donner à ceux qui ne parviennent pas à s’équilibrer.

Le problème est pourtant très simple. 

1° L’assurance maladie est une des caisses de la Sécurité sociale chargée d’assurer un financement solidaire des dépenses de santé. D‘un côté, elle draine des cotisations sociales calculées sur les salaires, de l’autre, elle couvre les dépenses de santé à l'hôpital, comme la ville... 

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Les recettes dépendent évidemment du montant de la cotisation fixée théoriquement par les commissions paritaires (patrons et syndicats), mais dont le montant dépend des salaires versés, eux-mêmes liés à l’emploi et à l’activité économique. 

Les dépenses sont allouées aux organismes de soins et aux patients en fonction des besoins, lesquels sont définis conjointement par les consommateurs de soins et par les personnels soignants. Et cela, sans discrimination de revenus ou d’origine. C’est le miracle de la carte vitale, sorte de carte de paiement qui donne l‘illusion de la gratuité des dépenses de santé. Ce qui n’est pas le cas. 

Avec ce système, l’assurance maladie est structurellement en déficit, elle fait appel à la Sécurité sociale qui emprunte aux organismes paritaires et le plus souvent à l’Etat, qui apporte les garanties de fonctionnement
Alors, c’est déjà compliqué en période normale, mais en période exceptionnelle, ça devient ingérable, sauf à nationaliser complètement le système, ce qui s’est passé pendant le Covid avec le « quoi qu’il en coute ». 

2. Les mutuelles et les assurances complémentaires de santé sont entrées dans le jeu il y a quelques années pour compléter l’assurance maladie et financer à sa place les risques santé que la Sécurité sociale ne pouvait plus porter. Techniquement et financièrement. 

Du coup, les complémentaires se sont organisées pour faire le job en appliquant une logique assurancielle. C’est très important, ça veut dire que leur gestion doit garantir en permanence les risques pris.

Cette logique signifie que les complémentaires négocient les primes demandées aux assurés en fonction des risques couverts. Depuis que ces complémentaires sont devenues obligatoires, cette négociation a lieu le plus souvent au sein de l’entreprise, qui décide de ce qu‘elle va payer en cotisations, de qui va payer quoi (la part salariée et la part employeur), mais cette négociation définit aussi le montant, la nature et les modalités des couvertures de risque. Il y a donc une correspondance entre le prix de la couverture santé et la nature des prestations. 

La mutuelle, désormais, va plus loin en se mêlant de la gestion santé, en contrôlant ou en recommandant les praticiens ou les établissements avec lesquels elle a passé des accords. Les mutuelles interviennent donc directement dans les établissements de santé, les opticiens ou les dentistes, pour obtenir les meilleures conditions au meilleur prix.

Le système n’est pas parfait, mais il oblige le patient à prendre ses responsabilités, pas seulement dans le choix des soins, mais aussi en matière de prévention. Par ailleurs et quoi qu’on en pense, le système assuranciel a obligé les praticiens à gérer au plus près leur offre de prix et même à accepter la mise en concurrence. 

Si l’idée du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie est d’avaler les mutuelles et finalement, d’étouffer ce qui fait leur performance, à savoir la logique assurancielle, ça restera comme la plus mauvaise des idées. Pourquoi pas aller jusqu'à nationaliser Doctolib, dont l’originalité et la performance ont quand même sauvé le système français de la santé, en lui évitant de s’étouffer dans le centralisme administratif de l’assurance maladie ?

En revanche, si un rapprochement est possible, il ne pourrait qu’aboutir à utiliser les mutuelles ou les sociétés d’assurances privées complémentaires pour réformer l’assurance maladie de la sécurité sociale. 

En l’état, l’assurance maladie n’est sans doute pas capable de gérer l’ensemble du système de santé sans l’asphyxier. Par contre, le système assuranciel serait, lui, parfaitement en mesure de garantir un fonctionnement correct de l’appareil de santé. 

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