Les Iraniens et les Iraniennes ont-ils gagné une grande bataille en silence contre la République islamique ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Une jeune femme devant le drapeau de l'Iran, photo AFP
Une jeune femme devant le drapeau de l'Iran, photo AFP
©ATTA KENARE / AFP

Ne pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué

Dans les rues de Téhéran et des grandes villes iraniennes, les femmes sont de plus en plus nombreuses à se promener sans voile, malgré la répression violente dont elles sont les premières victimes. Les actes de désobéissance civile à la République islamique sont également récurrents au sein de la population. Est-ce le signe que le régime des Mollahs est définitivement affaibli ? Explications avec Emmanuel Razavi, Grand reporter, qui traverse l'Iran depuis le mois de septembre.

Emmanuel Razavi

Emmanuel Razavi est Grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient. Diplômé de sciences Politiques, il collabore avec les rédactions de Paris Match, Politique Internationale, Le Spectacle du Monde, Franc-Tireur et a réalisé plusieurs Grands reportages et documentaires d’actualités pour Arte, France 3, M6, Planète...  Il a notamment vécu et travaillé en tant que journaliste en Afghanistan, dans le Golfe persique, en Espagne …

Il s’est fait remarquer pour ses grands reportages sur les Talibans (Paris Match), les Jihadistes d’Al Qaida (M6), l’organisation égyptienne des Frères Musulmans (Le Figaro Magazine, Arte).

Depuis le mois de septembre 2022, il a réalisé plusieurs reportages sur la vague de contestation qui traverse l’Iran. Il est notamment l'auteur d'un scoop sur l’or caché des Gardiens de la révolution publié par Paris Match, ainsi que d’un grand reportage sur les Kurdes Iraniennes qui font la guerre aux Mollahs, également publié Paris Match. Auteur de plusieurs documentaires et livres sur le Moyen-Orient, il a publié le 15 juin 2023 un nouveau roman avec Chems Akrouf, « Les coalitions de l’ombre » (éditions Sixièmes), qui traite de la guerre secrète menée par le Corps des Gardiens de la Révolution contre les grandes démocraties. Il aussi publié en 2023 « les guerriers oubliés, histoire des Indiens dans l’armée américaine » (L’Artilleur).

Voir la bio »

Atlantico : Plusieurs vidéos circulent sur les réseaux sociaux de jeunes femmes faisant la fête ou marchant librement sans voile en Iran. Quelle est l’ampleur du phénomène ?

Emmanuel Razavi : C’est un phénomène très important. S’Il est interdit de mener des enquêtes et des sondages en Iran, une récente étude réalisée à distance par l’institut Gamaan, indique que 81% des Iraniens désavouent la République islamique. Évidemment, le régime tient encore par la brutalité. Cependant, le fait de voir ces femmes circuler sans voile, alors qu’elles risquent la prison en agissant ainsi, montre bien que les choses ont changé.

Les Iraniens et les Iraniennes ont-ils gagné une grande bataille en silence contre la République islamique ?

Pour l’heure, comme je le dis, le régime continue de tenir par la force. Il arrête des gens de façon arbitraire, systématise la torture et le viol dans les prisons. Cependant, une bataille générationnelle a été gagnée par la jeunesse qui veut vivre libre, et ne veut plus entendre parler d’islam politique.

Qu’est-ce qui peut expliquer cette « liberté conquise » ?

Je pense que les Iraniens sont encore loin d’avoir acquis une quelconque forme de liberté. Car la contestation a fait des centaines de morts et qu’il y a eu des milliers de gens arrêtés, et cela continue. Pour en revenir à votre question, les années 2000 ont vu l’apparition d’Internet et des chaines satellitaires en Iran. Les gens, notamment les jeunes, ont vu comment était la vie dans les pays démocratiques. Il était évident que cela aurait une influence durable.  Par ailleurs, la génération d’aujourd’hui ne veut pas des religieux, ni de l’islam politique. Pour eux, cela ne représente que violence et atteintes à leurs libertés. Ils reprochent ainsi, souvent, à leur parents ou grands-parents d’avoir amené les mollahs au pouvoir.

Est-ce suffisant pour véritablement ébranler le régime ?

Il y a un ensemble de facteurs qui ébranlent le régime. Il y a bien sûr le fait que la société iranienne a évolué, quand le régime a quant à lui été incapable de la moindre réforme. Mais la dimension économique est aussi très importante à prendre en compte. Près de deux tiers de l’Iran sont en stress hydrique depuis des années. Toute une partie de la population n’a pas accès à l’eau potable, sans parler des problèmes de coupure d’électricité. La moitié des Iraniens peinent à faire deux repas par jour, et le chômage, comme l’inflation qui avoisine les 60% , ne cessent de croître. Le régime, violent et corrompu, est contesté y compris au sein de l’entourage du Guide Ali Khamenei. L’on sait aussi qu’y compris au sein du corps des Gardiens de la Révolution, il y a des dissensions qui sont apparues quant à la stratégie à suivre. Bien sûr la République islamique est loin d’être morte, mais elle est en quelque sorte à bout de souffle. Elle ne tient que par la violence.

>>> Retrouvez la deuxième partie de cet entretien : Iran : et si le facteur qui pourrait emporter le régime des mollahs était déjà sous nos yeux ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !