Les inégalités sont-elles condamnées à augmenter dans l’économie numérique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L’économiste Erik Brynjolfsson considère que les robots vont remplacer les hommes.
L’économiste Erik Brynjolfsson considère que les robots vont remplacer les hommes.
©Reuters

Le buzz du biz

La révolution numérique conduirait, selon la thèse défendue par l'économiste Erik Brynjolfsson, à une accélération de la productivité, détruisant les postes des salariés les moins qualifiés et récompensant de façon démesurée les génies des nouvelles technologies. Décryptage de cette analyse comme chaque semaine dans votre chronique du "Buzz du biz".

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Les inégalités et leur évolution sont, chacun l’aura noté, l’un des sujets récurrents d’actualité dans la crise économique que nous traversons depuis quelques années. Tout récemment encore, l’INSEE a montré "qu’alors que les inégalités de revenus salariaux baissent globalement entre 2002 et 2007, ce n’est plus le cas entre 2007 et 2012" (pour l’anecdote : les inégalités entre les plus riches se réduisent ; c’est entre la classe moyenne et les moins fortunés qu’elles se creusent). Le sujet pourrait toutefois être bien plus structurel : aux Etats-Unis, une réflexion académique émerge pour se demander si les nouvelles technologies ne seraient pas des facteurs durables d’accroissement des inégalités.

La dernière livraison de la revue MIT Technology Review y consacre ainsi sa une et un long développement. Les explications sont de trois ordres.

D’abord, il y a le contexte macroéconomique : la stagnation des salaires américains, la prime de rémunération accordée aux diplômes (ce que les économistes appelle "education premium"), la mondialisation …

Ensuite, il y a la récompense des salariés les plus qualifiés. C’est (sommairement) la thèse de Thomas Piketty : pour l’économiste français, si la loi de l’offre et de la demande joue en partie dans cette rémunération des talents rares, cela n’explique pas tout.

Enfin, il y a l’automatisation. C’est la thèse défendue par Erik Brynjolfsson. L’économiste considère que les robots vont remplacer les hommes, et l’emploi dépérir. La révolution numérique conduirait ainsi à une accélération de la productivité, détruisant les postes des salariés les moins qualifiés et récompensant de façon démesurée les génies des nouvelles technologies (on parle "d’economics of superstars" : les premiers à réussir raflent tout).

La thèse est forte, parce qu’elle semble indiquer les inégalités ne vont cesser de croître. Elle peut pourtant être contestée. Des économistes comme Daron Acemoglu et David Autour n’y croient pas: selon leurs recherches, le numérique n’accélère pas la croissance de la productivité.

Cette thèse est également à modérer. Bradford Delong, économiste de Berkeley, montre ainsi que le numérique a contribué au contraire à réduire les inégalités, en permettant à chacun d’avoir accès à des prestations qui étaient auparavant réservées aux plus riches. Comme il l’écrit : "au XVIIe siècle, si vous aviez désiré assister à Macbeth bien confortablement installé chez vous, il vous aurait fallu vous appeler James Stuart, disposer de la présence sur place de William Shakespeare et de sa troupe de comédiens, et posséder un théâtre à l’intérieur même de votre palais royal". Aujourd’hui, vous utilisez votre tablette ou votre télévision.

D’autres économistes avaient montré que la diffusion des nouvelles technologies pourrait réduire également les inégalités internationales, en favorisant le développement économique des pays les plus défavorisés.

Si tant est que l’on souhaite réduire les inégalités (ce qui n’est pas nécessairement évident), l’analyse choisie détermine les conséquences politiques à en tirer. Dans la version Piketty, le meilleur instrument est l’impôt. Dans la version Brynjolfsson, c’est l’éducation qui peut contribuer à élever le niveau de formation de chacun.

Il reste également une autre piste : celle de la concurrence, comme le défendait John Cochrane dans le Wall Street Journal la semaine dernière, en dénonçant le "capitalisme de copinage" ("crony capitalism"). En faisant en sorte que toutes les positions soient contestables par le mérite, en agissant pour que l’économie soit plus fluide, la puissance publique ouvrirait la voie à des ascensions économiques pour tous…

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