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Les experts ont tranché, les expériences en porno virtuel sont bien une tromperie
©Mashable ; capture d'écran

Porner c'est tromper

Le problème posé par l'utilisation de la VR dans la pornographie dépasse les simples questions d'infidélité classique. On peut désormais tromper sa femme avec l'image virtuelle de sa femme... de quoi soulever beaucoup de questions et d'inquiétudes pour ce qui concerne notre futur équilibre sexuel et émotionnel.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : L’avènement accéléré  de la sexualité « virtuelle » via les nouvelles technologies de réalité virtuelle pose des questions très sérieuses pour l’homme de demain. Avoir un acte sexuel avec un de ces terminaux high tech en regardant dans un casque est-ce tromper ? Ne s’agit il pas d’un danger supplémentaire dans un monde dans lequel le porno est suffisamment critiqué ?

La question de l’appréciation de l’infidélité se pose depuis que la masturbation est admise ! Dans un couple l’appréciation de l’infidélité est souvent différente selon les deux partenaires. Puisque la masturbation est donc admise voire conseillée pour les deux sexes, dans quelle mesure est elle acceptée et sous quelle forme ? Peut-on légiférer sur la fréquence, sur le support utilisé pour arriver à l’orgasme ? Pourquoi se sentir trahi ? Autant de couples autant de points de vue.

Aujourd’hui le consensus semble clair : dans la sexualité c’est l’excès la dérive qui pose problème.  Reste que l’invariant d’une sexualité normale se situe dans la relation à l’autre considéré comme sujet et que la limite de la perversion est franchie lorsqu’il devient pur objet asservi à la jouissance de l’autre. Ceci est une règle dans la vraie vie.  Alors ces règles échapperaient elles au monde virtuel où tout semble possible réalisable ? La question se pose vraiment aujourd’hui avec la cyberpornographie alors que la frontière entre le réel et le virtuel devient floue.  C’est le principal risque de ces nouveaux terminaux high tech. Ces vidéos incarneraient pour certains consommateurs un substitut à de vraies relations sexuelles et surtout une illusion de réel ce qui n’était pas le cas de la pornographie classique.

Faut il craindre comme l’affirme une chercheuse anglaise de l’université de Newcastle que ce genre de technologie encourage une vision dégradée de la femme chez l’homme qui l’emploie ?

Je ne crois pas que le problème se situe en termes de dégradations de l’image de la femme sur les consommateurs d’images pornographiques. Ceux qui, jusque là consommaient du porno classique étaient dans un autre monde, même s’il était hard et violent. Précisément  parce que leur cerveau réclamaient des sensations de plus en plus fortes et violentes. Leur difficulté étant  justement de quitter ce virtuel pour se coltiner avec la vraie vie le vrai corps en chair et en os pour avoir une « relation sexuelle ». Si le contenu des images doit être de plus en plus dégradant et violent c’est à cause du phénomène addictif qui demande toujours plus. Voyez l’effet du premier verre de vin qui se transforme en un litre de whisky pour arriver à un piètre résultat. Pour le porno c’est la même chose le produit ne fait plus d’effet…  Ovidie a réalisé un documentaire sur la violence dont les actrices du pornos étaient victimes il y a eu une réelle escalade. Les réalisateurs en sont bien conscients ils veulent satisfaire leurs consommateurs. Alors trouver un nouveau biais sous la forme de cyberporno  pour retrouver une autre forme d’excitation c’est une invention qui va relancer les circuits d’excitation un peu en berne. Mais c’est un leurre et cela ne va pas durer. Il faudra trouver encore et encore plus excitants… 

L’exemple d’un patient d’une femme qui tolérait que son partenaire regarde du porno est devenue folle quand elle a eu accès à un contenu d’images effractantes pour elle : une scène avec des transsexuels pas complètement opérés. Pour elle c’était sa limite, elle ne pouvait pas l’accepter alors que  pour lui cela a été le début d’une escalade où ces images là allaient céder la place à des images encore plus fortes. « Elles ne me font déjà plus d’effet » dira t’il qu’elle ne s’inquiète pas ! Cette aggravation du contenu peut aller parfois jusqu’à la déviance. Ces vidéos permettent ainsi de tester des scènes impossibles pour eux à obtenir dans la vraie vie et maintenir le leurre du tout permis.  

Si la pornographie est une addiction, la cyberpornographie ne risque t’elle pas d’augmenter très fortement le potentiel d’addiction de sa fréquentation ?

La cyberpornographie n’est que la continuité d’une escalade sans fin à la recherche d’une excitation que le consommateur n’arrive plus à atteindre pour espérer obtenir la jouissance recherchée. On est au bout du système : «  Je zappe pendant 2 heures pour trouver l’image ou la scène qui va finir par me faire de l’effet ». La dose « effet » est passée de quelques minutes de visionnages « soft » à un temps de plus en plus long et où le contenu est de plus en plus sophistiqué. Le visionneur passif « à mater des images » va  par le biais de la cyberpornographie pouvoir relancer le mécanisme des circuits d’excitation. Le réalisme qu’elle propose et la participation qu’elle impose redistribuent en quelque sorte une nouvelle donne.

Indépendamment du risque d’addiction  dans ces pratiques virtuelles  porno classique c’est la passivité qui devient inquiétante. En effet le rituel qui s’installe  est le visionnage d’images sans bouger du canapé avec comme seules actions : la masturbation d’une main et  un zapping effréné de l’autre pour atteindre l’orgasme.   

Ce serait donc peut être un moindre mal que ceux qui consomment du porno redeviennent actifs même si c’est dans le cadre du cyberporno !  

En revanche le risque c’est d’attirer d’une part de nouveaux adeptes qui rechignaient jusqu’alors au porno classique et d’autre part  que ceux qui vont vivre l’expérience cyberporno de se ressentir comme un acteur porno et de singer ces scènes dans la vraie vie.

Il est important de retenir que la passivité entraine des déboires collatéraux à l’usage intensif du porno et isole le consommateur. Il est urgent de tirer la sonnette d’alarme sur le fait que le virtuel a pris le pas sur la relation sexuelle. La performance et l’exigence dans le réel  contribuent à détourner certains de la confrontation avec la réalité de l’autre dans l’acte sexuel. En effet ce qui était censé être étanche dans leur tête et leur corps (une petite masturbation devant un film porno), a ou va déraper et contaminer toute la sphère sexuelle.  Certaines de ces pratiques excessives dépassent nettement la question de savoir si on est trompeur ou trompé. On est parfois dans un excès maladif qui risque de ruiner le couple.

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