Les enjeux de la rencontre historique entre François et Benoît XVI<!-- --> | Atlantico.fr
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Le pape François et Benoît XVI se rencontrent ce samedi.
Le pape François et Benoît XVI se rencontrent ce samedi.
©Reuters

Dans les coulisses du Vatican

Le pape François et Benoît XVI se rencontrent ce samedi. Un moment important alors que le nouveau souverain pontife affirme sa proximité avec son prédécesseur. Vous aviez dit rupture ?

Nicolas Diat

Nicolas Diat

Nicolas Diat est considéré comme un des meilleurs spécialistes du Vatican. 
 
"Un temps pour mourir" de Nicolas Diat
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Atlantico : Hier, le pape François, lors d'un discours devant le corps diplomatique accrédité au Saint-Siège, a appelé à rejeter "la dictature du relativisme", une notion chère à Benoît XVI. Que faut-il penser de cette possible proximité avec son prédécesseur ? La "rupture" qu'est censé incarner François n'a-t-elle pas été surestimée ?

Nicolas Diat : Ce discours est très important car il s'adresse aux représentants des États. Pour la France, notre ambassadeur est Bruno Joubert, ancien ambassadeur au Maroc, brillant diplomate nommé à Rome, auprès du Saint-Siège, au printemps 2012. Le propos du pape a donc une portée politique extrêmement forte. Le pape François a fait une référence très explicite à ce thème de la "dictature du relativisme", thème majeur du pontificat de Benoît XVI. Il faut ainsi se souvenir que le cardinal Ratzinger avait employé pour la première fois cette expression quelques instants avant le conclave de 2005. Ces mots dénoncent le fait que dans les sociétés contemporaines, l'homme crée ses propres droits et ses propres devoirs sans aucune référence objective à une morale commune. Pour l’ancien pape et le nouveau, le relativisme équivaut à une forme de subjectivisme permanent, où tout se vaut, devenant la source d’une confusion des valeurs morales. Ce sont des mots forts et radicaux. Il n’est pas anodin que ce soit sur ce thème précis du relativisme que le pape François se réfère de manière si marquée à son prédécesseur.

Sur la forme, chaque nouveau pape imprime sa propre marque en fonction de sa personnalité, de sa spiritualité, de sa formation et de son parcours. De ce point de vue, les dissemblances entres les deux pontifes sont évidentes. Mais sur le fond, la mention du thème central du relativisme marque une vraie continuité entre les deux hommes. D’autant que le pape François sait fort bien qu’il mentionne ainsi ce thème la veille de sa rencontre avec Benoît XVI.

Le pape François et son prédécesseur Benoît XVI vont donc déjeuner ensemble aujourd'hui. Quels sont les thèmes principaux qui vont ressortir d'un tel entretien ? A quoi s'attendre ?

Tout d’abord, il faut redire à quel point nous sommes dans une situation unique et historique : c'est tout de même la première fois dans l'histoire du christianisme que deux papes vont pouvoir s'entretenir ensemble !

Lors de sa dernière rencontre avec les cardinaux, Benoît XVI avait exprimé son obéissance et son allégeance absolue au prochain pontife. Je pense donc que c'est le pape François qui amènera, lors de l'entretien, les thèmes qu'il souhaite aborder. Benoît XVI, avec sa rigueur morale et son sens du devoir, n'abordera sans doute pas de sujets de lui-même.

Par ailleurs, le nouveau pape a confié à un cardinal dont il est très proche qu’il avait lu le rapport secret sur Vatileaks dès le surlendemain de son élection. Il est donc très probable que ce sujet délicat sera abordé.

Enfin, de façon assez surprenante, l'ancien secrétaire du pape Jean XXIII, Mgr Loris Capovilla, a déclaré dans une interview à un important journal catholique italien, l’Avvenire, que l'ancien pape Benoît XVI  aurait laissé un rapport de 300 pages, préparé personnellement, pour son successeur. L'information n'est pas encore confirmée, ni infirmée, mais il est peu probable que l’ancien secrétaire de Jean XIII se soit laissé aller à exprimer une telle chose sans posséder des sources très sérieuses. Il semble donc plausible que si ce rapport personnel de Benoît XVI existe, il sera abordé dans la discussion.

L'ancien pape Benoît XVI est encore très présent dans les affaires du Vatican, comme le prouve le déjeuner d'aujourd'hui. Quelle est sa position ? Quel rôle joue-t-il ? Quelle est encore son influence ?

A l’évidence, il reste au centre de beaucoup de conversations. Ce règne que des observateurs qualifiaient facilement de pontificat de transition se révèle peu à peu un pontificat capital. Quand les médias se plaisent à parler de la "rupture" du pape François, ils placent encore une fois Benoît XVI au centre de l’attention. Plus profondément, la référence à l’ancien pape est d’autant plus forte qu’il a durablement marqué l’Eglise par la force de sa pensée et la hauteur de vue assez incomparable de sa réflexion théologique. Mais, paradoxalement, Benoît XVI ne souhaite pas cette forme d’omniprésence. Joseph Ratzinger est timide et réservé, ces deux traits de caractère lui ont souvent été reprochés quand il était pape. Avant de quitter sa charge, Benoît XVI a annoncé vouloir se consacrer à une vie de prière, une vie de silence, concrétisant en quelque sorte son vieux rêve de devenir moine. Selon des sources très sérieuses, l’ancien pape rencontre cependant des amis proches. Je peux vous révéler que deux cardinaux qu'il apprécie particulièrement sont venus lui rendre visite après le conclave.

Par ailleurs, le pape François, depuis son élection, a déjà eu deux fois son prédécesseur au téléphone, le jour de son élection, avant même son apparition au balcon, puis le jour de son intronisation, jour de la Saint Joseph. Benoît XVI reste donc vraiment présent, au-delà de ce qu'il souhaite lui-même.

Autre situation inédite : l’archevêque Georg Gänswein qui est le préfet de la Maison pontificale (sorte de chef du cabinet) du pape François, est également toujours le secrétaire particulier de Benoît XVI. Comment interpréter cette "double casquette" ?

Georg Gänswein est un personnage très médiatique, qui a fait l’objet d’une attention permanente de la part de la presse people. Tout récemment encore, il apparaissait en couverture du magazine Vanity Fair. Il occupe une fonction très importante au Vatican. Sa double fonction auprès de l’ancien et du nouveau pape est une grande première. Jamais aucun secrétaire particulier d'un pape n'a joué de rôle dans le pontificat de son successeur. Pour exemple, le secrétaire particulier de Jean-Paul II, aujourd’hui le cardinal Stanislas Dziwisz, s’est retiré en Pologne après la mort de "son" pape.

Mgr Gänswein continue de vivre avec Benoît XVI à Castel Gandolfo, et va tous les jours remplir sa mission auprès de François. La situation n’est pas facile pour lui. Il reste un homme de confiance de Benoît XVI, et il occupe une fonction déterminante dans la vie du pape François. Georg Gänswein est un grand professionnel, précis, très rigoureux, apportant une aide que le pape François apprécie de plus en plus. Il n’en reste pas moins que la situation est complexe, d'autant que Benoît XVI a nommé Mgr Gänswein en novembre 2012, à une date où sa réflexion était déjà très avancé quant à sa possible renonciation.

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