Les enfants sont de plus en plus nombreux à être anxieux, mais le nombre de ceux qui bénéficient d’une aide appropriée diminue<!-- --> | Atlantico.fr
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Une jeune femme dénonce les conditions de vie des étudiants durant la pandémie de Covid-19, le 20 janvier 2021, à Paris.
Une jeune femme dénonce les conditions de vie des étudiants durant la pandémie de Covid-19, le 20 janvier 2021, à Paris.
©VINCENT GERBET / HANS LUCAS / AFP

Surmédication

Selon une étude publiée dans la revue Pediatrics de l'American Academy of Pediatrics, plus d'enfants, d'adolescents et de jeunes adultes souffrent d'anxiété, mais moins reçoivent le traitement approprié.

Jean Doridot

Jean Doridot

Le Dr Jean Doridot  est psychologue, spécialiste des addictions.

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Atlantico : Comment peut-on évaluer la tendance actuelle en France concernant les problèmes de santé mentale chez les jeunes, tels que l'anxiété, étant donné qu'une étude américaine a révélé une augmentation de ces problèmes et une diminution de l'accès à une aide adéquate ?

Jean Doridot : Un rapport du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge soulève des inquiétudes quant au mal-être des jeunes âgés de 7 à 17 ans. Le rapport explique qu'il y a une sur-prescription de psychotropes, basé sur les données cumulées de la caisse sociale de l'assurance maladie entre 2014 et 2021, ainsi que les informations les plus récentes de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Pour les moins de 20 ans, le taux de consommation a augmenté de 48,54 % pour les antipsychotiques, 62,58 % pour les antidépresseurs et 78,07 % pour les psychostimulants. Quant aux somnifères, leur utilisation a connu une hausse effrayante de plus de 155 %.

Est-ce que ces prescriptions sont excessives et allons-nous trop vite dans cette direction ?

Il ne convient pas de rejeter la responsabilité uniquement sur les prescripteurs. Cependant, il est indéniable que nos voisins ont réussi à mieux gérer cette situation. Chez eux, les jeunes sont confrontés à beaucoup moins de désagréments. En France, en revanche, il existe des délais d'attente considérables, parfois jusqu'à six mois, voire davantage, pour accéder à un centre de psychopédagogique. Cela conduit inévitablement à une approche médicamenteuse par défaut, même si l'idéal serait, comme le souligne le rapport, de combiner les traitements médicamenteux, lorsque nécessaire, avec un suivi psychologique systématique. Malheureusement, faute de ressources suffisantes, cette approche idéale reste difficilement réalisable. Il n'y avait pas suffisamment de centres médico-psychologiques (CMP) ouverts, ni assez de places disponibles. Ainsi, l'absence d'une réponse satisfaisante, qui ne repose pas uniquement sur les médicaments, et les prescriptions excessives sont des problèmes réels. En effet, environ 40% des prescriptions émises par les médecins généralistes ne sont pas conformes aux autorisations de mise sur le marché. Les psychotropes destinés aux adultes sont souvent utilisés chez les enfants, et si l'on examine les prescriptions hospitalières, on constate que jusqu'à 97% d'entre elles sont hors-indication, c'est-à-dire qu'elles sont destinées aux adultes mais sont également utilisées chez les jeunes.

Dans quelle mesure ce problème s'est-il aggravé à mesure que les problèmes de santé mentale chez les jeunes sont devenus de plus en plus prévalents ?

Vous avez raison de souligner que la demande de professionnels de la santé mentale est clairement en hausse, et cela se reflète également dans les chiffres. Les cas de dépression ont considérablement augmenté au cours des dix dernières années, en particulier chez les jeunes. Il est indéniable que le confinement a également eu un impact négatif sur la santé mentale, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes âgés de 15 à 24 ans. Cette période a été extrêmement difficile pour eux. Par conséquent, leur santé mentale s'est fragilisée, en raison de la privation de contacts sociaux, entre autres facteurs liés à la pandémie. Aujourd'hui, il existe donc une demande accrue de soins, ce qui entraîne mécaniquement une augmentation des prescriptions médicamenteuses. De plus, il est difficile d'accéder aux centres médico-psychologiques (CMP) et les psychologues privés ne sont pas pris en charge par l'assurance maladie. Par conséquent, de nombreuses familles sont confrontées à une contrainte financière qui les empêche de consulter un psychologue. Les médecins généralistes sont souvent la première option, car ils sont les seuls remboursés par l'assurance maladie. Cependant, il y a aussi un problème de formation des médecins en matière de prise en charge de la santé mentale. Pour l'instant, les médicaments prescrits sont une solution temporaire, une bouée de sauvetage, mais ils ne guérissent pas la situation. C’est comme si on apprenait à une personne en train de se noyer à flotter sans lui apprendre à nager. Ces médicaments sont une béquille qui ne peut être utilisée toute la vie et cela entraîne un problème de dépendance aux psychotropes.

Comment pouvons-nous garantir que les personnes ayant besoin d'une aide appropriée bénéficient d'une assistance ciblée plutôt que d'une approche générique ?

La mise en place du plan gouvernemental était un bon début, mais il est clair que cela reste très imparfait, car une prise en charge de 30 euros n'est pas sérieuse. Si nous voulons réellement effectuer un travail de qualité, il est essentiel de rémunérer correctement les professionnels. Cependant, il est encourageant de constater que l'assurance maladie commence à prendre en charge certaines séances chez les psychologues, même si cela peut parfois être limité. Nous devons donc aller davantage dans cette direction. De plus, il est important d'envisager, tôt ou tard, l'autorisation pour les psychologues de prescrire des médicaments. Paradoxalement, cela pourrait réduire le nombre de prescriptions, car si les psychologues sont bien pris en charge et autorisés à prescrire, ils pourront jouer un rôle essentiel dans le traitement, en utilisant des approches telles que la psychothérapie comportementale et cognitive pour aider les personnes à traverser leurs angoisses de manière satisfaisante. De plus, lorsque cela sera nécessaire, une réunion multidisciplinaire avec d'autres professionnels pourra être mise en place, ce qui sera plus pertinent et bénéfique.

Dans quelle mesure le problème ne réside-t-il pas dans un mauvais traitement, mais plutôt dans l'absence de traitement en raison de contraintes financières et d'autres facteurs ?

C'est tout à fait cela, il n'y a pas de traitement complet. Toutes les cliniques constatent qu'il est nécessaire d'associer systématiquement une prescription médicamenteuse à une psychothérapie. Cependant, dans la réalité, cela ne se produit pas souvent. C'est là que réside le problème.

Comment déterminer quel type de professionnel de la santé mentale consulter en fonction de nos besoins spécifiques ?

Uniquement les psychologues. Cela signifie que ce sont des professionnels qui ont suivi un cursus universitaire en psychologie d'une durée minimale de 5 ans. Pour les médecins comme moi, il faut compter 8 ans de thèse. Mais pour être psychologue, il est indispensable d'avoir suivi au moins 5 ans d'études universitaires en psychologie. C'est la condition sine qua non pour obtenir le titre de psychologue et être enregistré à l'Agence Régionale de Santé (ARS) avec un numéro anonyme. Ainsi, il ne s'agit pas d'un psychothérapeute, d'un psychopraticien ou d'un psychanalyste. En réalité, le psychologue est un spécialiste en psychologie. Quant au psychothérapeute, il s'agit d'un médecin spécialisé en psychiatrie, qui intervient auprès des personnes atteintes de troubles mentaux. Il est important de souligner que lorsqu'un enfant présente des crises d'angoisse, il n'est pas considéré comme étant malade, mais plutôt comme ayant besoin d'un accompagnement psychologique.

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