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Les difficultés de recrutement plus que jamais principal frein à l'activité selon les dirigeants des  TPE/PME
©LOIC VENANCE / AFP

Pénurie de travailleurs

Selon un sondage mené par BPI France et Rexecode, 55% des patrons des TPE et PME expliquent que la pénurie de recrutement est le plus gros frein à l’activité.

Denis Ferrand

Denis Ferrand

Docteur en économie internationale de l’Université Pierre Mendès France de Grenoble, Denis FERRAND est Directeur Général de Rexecode où il est notamment en charge de l’analyse de la conjoncture de la France et des prévisions macroéconomiques globales. Il est également vice-Président de la Société d’Economie Politique. Il est membre du Conseil National de l’Industrie et du Conseil d’Orientation pour l’Emploi au titre de personnalité qualifiée. Chroniqueur pour Les Echos, il est chargé du cours d’analyse de la conjoncture à l’Institut Gestion de Patrimoine de l’Université Paris-Dauphine et pour le Master APE de l’université Paris-Panthéon Assas.

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Atlantico : Pouvez-vous nous expliquer en quoi le recrutement est un frein à l’activité ? Est-ce un phénomène nouveau ou le voit-on se développer de plus en plus au fil des ans ?

Denis Ferrand : Tout d’abord, ce n'est pas un phénomène nouveau, ni spécifique à la France mais un phénomène que l'on voit un peu partout notamment en Europe, aux Etats-Unis et même dans certains pays d’Asie. Il y a une vraie difficulté généralisée parce qu’un peu partout, le taux de chômage est désormais très bas. Deux pays font exception de ce point de vue, l’un d’eux étant la France. C’est-à-dire que l’on a des difficultés de recrutement qui frappe alors qu’on a des niveaux de chômage pas si faible que ce que l'on imagine. Surtout, ce qui est important sur les difficultés de recrutement, c’est qu'il ne faut pas les voir comme étant des phénomènes liés à une pénurie de qualifications spécifiques. Bien sûr, il y a des pénuries mais ça concerne aussi des métiers pour lesquels il y a des qualifications moins techniques, moins scientifiques. Par exemple quand vous prenez l'enquête sur les besoins de main d’œuvre, enquête qui interroge les chefs d'entreprise qui ont effectué des recrutements, on se rend compte que ce sont pour des métiers de charpentier mais également pour des métiers de service à la personne que la proportion de recrutements qui ont été jugés difficiles par les employeurs sont les plus élevés. Il me semble que nous étions à 77% pour le recrutement de services à la personne par les chefs d’entreprises. On voit bien que cela touche tout le monde. Il y a une universalité à laquelle tous les pays sont confrontés et cela concerne tous les secteurs d'activité, pas seulement le bâtiment.

Est-ce dû aux filières trop généralistes ? À la conjoncture économique qui ne permet pas de recruter ?

Ce qui est assez surprenant, c'est qu’on a à peu près le même niveau, la même prévalence de difficulté de recrutement aujourd'hui que celle qu’on avait en 2017, alors même que le taux de croissance a été divisée par deux entre 2017 et 2019.

Donc on voit bien qu'il y a un problème qui est peut-être lié à la vitesse des recrutements. On a tout de même une forte progression de l'emploi et donc une sollicitation, un besoin d’embauche très élevé donc l’aspect conjoncturel passe au second plan. Si l’on prend la question des salaires, une enquête menée par BPI France montre que les chefs d’entreprises que l’on interroge mettent le salaire seulement comme le cinquième critère explicatif de difficulté de recrutement. Pour eux, les difficultés de recrutement c'est moins un problème d'écart entre le salaire proposé et le salaire attendu que cela n'est véritablement un problème d'existence ou pas de la compétence que l’on recherche. Ce qui ressort, c’est les compétences qui vont refléter les inéquations entre les attentes de l’entreprise et celles des candidats, à savoir qu’il y a un problème de qualifications, un problème d’expérience et un problème de ce qui est perçu comme étant les « soft skills », c’est-à-dire l’adaptabilité du candidat à l'entreprise en termes de culture d'entreprise ou de savoir être. Il faut savoir que le facteur premier est l’absence de candidats ! Ce n’est même pas une question de niveau de qualifications. Cela peut être dû à l'implantation géographique, mais aussi au fait que les entreprises ne savent pas bien ce qu’elles recherchent et qui ne cherchent pas correctement. 

Comment palier cette crise des recrutements ? Est-ce possible ?

Il y a quelque chose de tout à fait remarquable dans le cas français qui est qu’il y a un recul du taux d’emploi des personnes les moins qualifiées. On voit bien qu’actuellement le chômage et le nombre de demandeurs d'emploi diminue pour quasiment toutes les catégories, sauf pour ceux qui sont inscrits au chômage depuis longtemps. S'il y a une catégorie qui ne profite pas du redémarrage de l'emploi ce sont les non formés. Mais en fait ce sont ces personnes-là qui s'éloignent de plus en plus de l'emploi et les plus difficiles à faire revenir dans l’emploi également. Pour donner un ordre de grandeur, si je prends sur les 20-64 ans les personnes qui ont le plus faible niveau d’éducation initiale, on arrive à 6-8 millions de personnes, et c’est en recul par rapport à ce que cela a été il y a 15 ans et où on arrivait à 11 millions de personnes. Ce sont aussi 870 000 personnes de 20 à 29 ans qui ont le plus faible niveau de formation initiale. Et ces personnes-là sont de moins en moins employées. Ce sont ces personnes qu’il faut aller chercher. Il faut mettre en place, clairement, une politique de formation, mais c'est aussi du côté des entreprises qu’il faut aussi s'adapter. Ce que l’on regarde dans l’enquête menée avec BPI France, c’est aussi les solutions que les entreprises ont été amenées à développer. Parmi ces solutions, la première à laquelle elles font allusion c'est la modification de leur mode de recrutement. Qu’elles travaillent auprès des réseaux sociaux, qu’elles aillent draguer chez les concurrents, qu’elles fassent appel à des cabinets etc. Mais c’est aussi - malheureusement et il faut en être conscient - c'est une véritable difficulté d'offres. On s'est rendu compte dans une enquête publiée l’année dernière que 26% des entreprises déclaraient restreindre leurs activités face aux difficultés de recrutement. Il y a un enjeu à la fois économique et social, à savoir de réinsérer dans l'emploi ceux qui en sont les plus éloignés. 

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