Les couples tragiques de l’histoire : Louis XVI et Marie-Antoinette, seul le malheur les réunira<!-- --> | Atlantico.fr
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Marie-Antoinette Louis XVI
Marie-Antoinette Louis XVI
©BEHROUZ MEHRI / AFP

Bonnes feuilles

Jean des Cars a publié "Des couples tragiques de l’histoire" aux éditions Perrin. Jean des Cars présente la vie des couples tragiques les plus célèbres de l'histoire. Qu'ils soient mariés ou clandestins, ces couples ont connu l'amour, la gloire, le divorce, l'exil, la prison ou encore la mort. Extrait 1/2.

Jean des Cars

Jean des Cars

Jean des Cars est l’historien des grandes dynasties européennes et de leurs plus illustres représentants. Parmi ses grands succès : Louis II de Bavière ou le Roi foudroyé, Sissi ou la Fatalité, La Saga des Romanov, La Saga des Habsbourg, La Saga des Windsor, La Saga des reines et La Saga des favorites. En 2014, il a publiéLe Sceptre et le sang : rois et reines dans la tourmente des deux guerres mondiales. Ses ouvrages font l'objet de traductions, notamment en Europe centrale.

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Au début de l’année 1785, alors que la reine attend son troisième enfant, le roi prend une décision sage mais qui va provoquer une polémique dont elle sera la victime. Depuis plusieurs mois, Louis  XVI, avec l’architecte Richard Mique, envisage d’importants travaux dont le château de Versailles a besoin. Ils sont prévus pour 1790. Interrogé sur la durée de ces travaux, Mique avait répondu :

— Trois ans, Sire, si nous en avons les moyens…

— Et si nous ne les avons pas ?

— Alors, Sire, cela prendra dix ans…

Pendant la période des travaux, il faut trouver un autre château de grande dimension, près de Paris. On choisit Saint-Cloud. Il appartient à la famille d’Orléans. C’est donc à son cousin Philippe d’Orléans (le futur Philippe Égalité) que Louis  XVI rachète ce château, au début février  1785, pour 6  millions de livres. Le roi, toujours aussi amoureux de Marie-Antoinette, l’offre à son épouse le 20 février. Encore une entorse aux usages : la reine se trouve à la tête d’un patrimoine considérable, ce qui ne va pas améliorer sa réputation. Pourtant, l’idée de son mari est généreuse. Il souhaite que la reine puisse disposer d’un lieu pour élever au mieux leurs enfants. L’air pur de Saint-Cloud conviendrait sûrement au jeune dauphin dont la santé fragile commence à inquiéter sérieusement le couple royal. Le mois suivant, la reine met au monde le petit duc de Normandie. Pour ses relevailles, traditionnellement célébrées à Paris, elle peut mesurer son impopularité lorsqu’elle apparaît à l’Opéra : c’est un silence lourd qui l’accueille. De retour à Versailles, la reine, bouleversée, se précipite dans les bras de son mari et pleure abondamment, tout en répétant : « Que leur ai-je fait ? ».

Et cependant, le pire est encore à venir… Pour résumer ce qu’on appelle « l’affaire du collier », les joailliers Boehmer et Bassange avaient confectionné un extraordinaire collier comportant 540  diamants d’une valeur de 1,6  million de livres. En difficulté financière, ils l’avaient fait dans l’espoir que Louis  XV l’offrirait à Mme  du Barry. Le roi avait refusé. Ils font une nouvelle tentative auprès de Louis XVI, lors de la naissance de Madame Royale. Cette fois, c’est Marie-Antoinette qui refuse, disant avec sagesse : « Nous avons plus besoin de vaisseaux que d’un collier. »

Aux abois, les joailliers tentent un autre stratagème. Ils offrent 1 000  louis à celle ou à celui qui les aidera à vendre ce collier. Une aventurière, la comtesse de La Motte, descendante d’un bâtard d’Henri II et soucieuse de revanche sociale, sait que le cardinal de Rohan, archevêque de Strasbourg et grand aumônier de France, est mal vu à Versailles. La reine ne l’aime pas et refuse même de le voir car lorsqu’il était ambassadeur de France à Vienne, il avait indigné l’impératrice Marie-Thérèse par sa vie scandaleuse et elle avait demandé son rappel en France. Aidée du sulfureux comte de Cagliostro, affairiste versé dans les sciences occultes, Mme  de La Motte fait croire au cardinal que la reine rêve d’acquérir ce joyau et lui propose de l’acheter pour cette dernière. On lui présente des lettres de Marie-Antoinette (qui sont évidemment fausses) prouvant son intérêt pour la parure. On organise, une nuit, dans un bosquet du parc de Versailles, une entrevue secrète avec la reine. Le cardinal croit avoir rendez-vous avec Marie-Antoinette. Il s’agit en fait d’une « barboteuse de rue », nommée Nicole Legay, qui a accentué sa ressemblance avec la souveraine. Elle tend au cardinal une rose en lui murmurant : « Vous pouvez espérer que le passé sera oublié… »

Convaincu que l’achat du collier lui rendra la faveur de la reine, le cardinal l’acquiert à crédit et le remet à un prétendu officier de Marie-Antoinette qui est… un amant de la comtesse de La Motte ! Celle-ci récupère le collier, le dessertit et fait vendre les diamants à Londres par… son mari ! Une nouvelle fausse lettre de la reine remercie le cardinal de Rohan de son geste…

Le temps passant, le cardinal s’étonne de la froideur de la reine qui n’a pas changé d’attitude à son égard. Il refuse de verser la suite de ses paiements aux joailliers. Ceux-ci, persuadés que la reine a le collier en sa possession, lui demandent une audience. Elle la refuse. Ils font alors parvenir à Mme Campan, première femme de chambre de la reine, une lettre explicite révélant la supercherie dont la souveraine a été la victime. Mme  Campan remet cette lettre à Marie-Antoinette alors qu’elle est en pleine répétition du Barbier de Séville au petit théâtre de Trianon. La reine est atterrée ! Elle exige des joailliers qu’ils rédigent d’urgence un mémoire. Elle est persuadée que le cardinal de Rohan a essayé de la compromettre et elle prévient immédiatement le roi de cette invraisemblable histoire.

C’est le couple royal qui va gérer ce qui devient très vite une affaire d’État. Et malheureusement, ils vont très mal la gérer… Plutôt que de régler ce scandale discrètement en réunissant et en confondant tous les protagonistes de l’escroquerie – l’un et l’autre étant convaincus que c’est un montage contre la reine et que le cardinal en est le grand responsable (ce qui est faux) –, Louis XVI convoque le prélat, le 15 août suivant, dans le cabinet du roi où se traitent les affaires les plus secrètes. Sont présents le souverain, le baron de Breteuil, ministre de la Maison du roi, et le garde des Sceaux, M. de Miromesnil. Le cardinal de Rohan sort de son vêtement les supposées lettres de la reine, remises par Mme  de La Motte. On lui démontre, facilement, que ce sont des faux grossiers. Il réalise qu’il a été dupé. Le naïf cardinal quitte, effondré, le cabinet du roi. Là, il va subir une humiliation complète : Louis  XVI, exaspéré, le fait arrêter en pleine galerie des Glaces, devant tous les courtisans.

Naïvement, Marie-Antoinette pense que l’affaire est réglée et que le cardinal sera condamné par le Parlement. Elle écrit à son frère Joseph II : « En ce qui me concerne, je suis ravie de ne plus entendre parler de cette vilaine affaire. » Hélas, moins d’un an plus tard, le 31 mai 1786, le Parlement acquitte le cardinal par vingt-six voix contre vingt-deux. Cagliostro est banni du royaume, la comtesse de La Motte est marquée au fer rouge et enfermée à vie à la prison de la Salpêtrière… dont elle s’évadera rapidement. Pour la plus grande humiliation de la reine, le cardinal de Rohan est fêté dans Paris. Des milliers de personnes l’acclament et manifestent leur joie de voir l’« Autrichienne humiliée ».

Louis XVI et Marie-Antoinette, furieux, exilent le cardinal à l’abbaye de La Chaise-Dieu, en Auvergne. Le couple commet une très grave faute  : le roi et la reine, unis dans leur colère, font de l’acquitté un martyr. Stefan Zweig résumera magistralement l’in‑ croyable et dévastateur mécanisme de cette affaire : « La reine était innocente et, pour rendre publique son innocence, elle en appela au Parlement ; le résultat fut qu’on la crut coupable. »

En 1788, le contrôleur général des Finances, Calonne, tente de résorber le déficit en proposant une véritable révolution fiscale. Il s’agit de taxer les ordres privilégiés. Louis  XVI approuve son ministre, mais la reine, qui déteste Calonne parce qu’il ne l’avait pas soutenue pendant l’affaire du collier, prend fait et cause pour l’assemblée des notables, laquelle refuse d’approuver la réforme. Calonne s’en va. Il est remplacé par Loménie de Brienne qui part lui aussi. Il va falloir rappeler Necker que Louis  XVI déteste. C’est Marie-Antoinette et Mercy-Argenteau qui vont négocier avec le banquier genevois pour le faire revenir à Versailles. Encore une humiliation pour le roi. Mais même Necker ne peut juguler la crise financière et les états généraux sont convoqués pour le 5  mai  1789. Une telle réunion ne s’était pas tenue depuis… 1614.

Moins d’un mois après, Louis  XVI et Marie-Antoinette ont la douleur de perdre le dauphin, qui s’éteint à l’âge de huit ans, le 3 juin 1789, à Meudon. Atteint d’une tuberculose osseuse, ses derniers mois ont été un véritable martyre. Le 11 juillet, le roi renvoie Necker pour le remplacer par Breteuil. Ce  durcisse‑ ment du pouvoir provoque une insurrection à Paris, des pillages et, le 14 juillet, la Bastille est prise d’assaut. La Révolution est en marche. Le 16 juillet, le frère du roi, le comte d’Artois, et les Polignac émigrent. Les 5 et 6  octobre, la marche des femmes sur Versailles entraîne le retour forcé du roi et de sa famille à Paris. Ils sont sous surveillance aux Tuileries. Paradoxalement, cette succession de journées pénibles, d’humiliations, puis le changement complet de vie qu’impose leur installation aux Tuileries avec une Cour extrêmement réduite favorisent l’intimité du couple. Plus de chasse pour le roi, plus d’escapades à Trianon pour la reine ; ils mènent pour la première fois une véritable vie de famille. Curieusement, dans le malheur, le couple va se ressouder. Le mari et sa femme deviennent solidaires et ils vont se soutenir face à l’épreuve. Marie-Antoinette écrira à son frère Léopold, qui a succédé à Joseph II le 1er mai 1790 : « Je dis nous parce que je ne sépare pas le roi de moi. Si jamais nous redevenons non pas ce que nous avons été mais au moins ce que nous devons être, vous devez et pouvez compter sur toute la fidélité et les sentiments d’un bon allié. » En effet, depuis le début de cette année  1790, alors que le roi est abattu par toutes les humiliations qui lui sont imposées, tourmenté par la Constitution civile du clergé et par la limitation progressive de ses pouvoirs, Marie-Antoinette développe une intense activité politique. Elle se rapproche de Mirabeau, pensant qu’il peut être un atout pour le couple royal. Parallèlement, elle pratique une diplomatie secrète pour obtenir des souverains européens, et particulièrement de l’Autriche, des manœuvres d’intimidation afin de contrer la volonté de la Convention de rogner davantage les pouvoirs du roi.

Le 14 juillet 1790, la fête de la Fédération réunit sur le Champ-de-Mars les fédérés venus de tous les départements –  ils illustrent la nouvelle organisation administrative de la France. Louis XVI doit y prêter serment à une Constitution… qui n’est pas encore écrite. Un an après la prise de la Bastille, c’est la dernière occasion, pour le roi et la reine, d’être ovationnés. C’est la dernière fois que le couple entendra : « Vive le roi ! Vive la reine ! Vive le dauphin ! »

Mais la situation politique devenant de plus en plus intenable pour la famille royale, Louis  XVI se laisse convaincre par Marie-Antoinette de fuir Paris. C’est Axel de Fersen qui organise ce voyage vers le nord-est, à Montmédy, pour rejoindre des troupes fidèles commandées par Bouillé.

Comme on le sait, pour avoir perdu trop de temps, cette fuite se termine piteusement à Varennes-en-Argonne. Reconnus à Sainte-Menehould par le fils du maître de poste Drouet, le roi et sa famille sont ramenés à Paris le 25  juin. Ils sont prisonniers. Le roi est suspendu de ses pouvoirs. Marie-Antoinette continue d’appeler l’étranger au secours. Elle entame même des pourparlers avec le député Barnave, lui demandant son aide. Il défend l’irresponsabilité royale dans la fuite à Varennes et entre‑ tient une correspondance régulière avec la reine.

C’est la déclaration de guerre de l’Assemblée à l’empereur d’Autriche, le 20 avril 1792, qui accélère le processus fatal pour le couple royal. Le général en chef des armées autrichiennes et prussiennes, le duc de Brunswick, rédige un manifeste menaçant pour le peuple de Paris « s’il est fait le moindre outrage à Leurs Majestés le roi et la reine ». Cet avertissement est dû à l’intervention de la reine, alors que le roi est désespéré. Le résultat est l’inverse de celui escompté, le couple royal est accusé de collaborer avec l’ennemi.

Le 10  août les Tuileries sont attaquées et envahies. Parmi les défenseurs du palais, les gardes suisses sont massacrés. On dénombre neuf cents victimes. Le roi et sa famille se sont réfugiés à l’Assemblée. Ils sont ensuite transférés au Temple, non pas dans le palais où le comte d’Artois recevait somptueusement, mais dans la sinistre tour qui devient leur prison. Louis  XVI, Marie-Antoinette, leurs deux enfants et Madame Royale vont vivre reclus. À ce moment-là, les rapports du couple royal vont complètement s’in‑ verser. Aux Tuileries, c’était le roi qui était effondré et la reine qui s’activait beaucoup pour tenter d’inverser le cours des événements. Le Temple, c’est la fin de leur parcours. Maintenant, c’est Marie-Antoinette qui s’effondre et Louis XVI qui accepte la situation avec calme et sérénité. Il sait comment ce drame va finir. Il l’accepte. En attendant, il organise leur vie, réconforte la reine, sa sœur Élisabeth et les enfants. Il est responsable de sa famille, il en est le pilier. C’est peut-être la première fois que Marie-Antoinette va admirer son mari. Il va lui servir d’exemple. En janvier, le roi fait des adieux déchirants à sa famille. Il est jugé puis exécuté le 21  janvier  1793. Marie-Antoinette reste seule au Temple avec ses enfants et sa belle-sœur Élisabeth. Le 3 juillet, on lui enlève son fils pour le confier au ménage du cordonnier Simon. Le 5 août, elle est conduite à la Conciergerie. Elle prépare sa défense. On sait quelles abominations elle devra subir pendant son procès. Mais la force et la dignité qu’elle manifeste dans ces circonstances pathétiques, c’est son mari le roi qui les lui a inspirées. Leur comportement, admirable, dans une tragédie qui les dépasse, les a unis pour toujours.

Extrait du livre de Jean des Cars, "Des couples tragiques de l’histoire", publié aux éditions Perrin

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