Les chefs d’entreprise gardent le moral mais craignent d’avoir à payer le coût de la sortie de crise <!-- --> | Atlantico.fr
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Manifestation contre la réforme des retraites.
Manifestation contre la réforme des retraites.
©LOIC VENANCE / AFP

Crise sociale

Jusqu’alors, les chefs d’entreprises n’ont pas dit un mot sur la crise sociale ou le projet de réforme des retraites mais maintenant que l’exécutif et les syndicats cherchent une sortie, ils craignent fortement de devoir payer la facture.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les chefs d’entreprises ont beau vouloir rester neutres et discrets dans la crise sociale qui traverse le pays, ils savent qu’il faudra en sortir et que ce jour-là, ils seront convoqués par le gouvernement et les syndicats pour payer une partie de la facture. 

L’INSEE vient de nous indiquer que les chefs d’entreprise ont gardé le moral. Ils ont certes perdu un petit point au thermomètre de mars mais par rapport à un mois de février qui lui avait été relevé à la hausse.  

Globalement, les entreprises résistent bien aux bourrasques intérieures et extérieures. D'un côté, la majorité d’entre elles assument la guerre en Ukraine et ses conséquences. Toutes celles qui travaillaient en Russie ont fait une croix sur leurs actifs qu’elles essaient de vendre et toutes se sont faites à l’idée qu’il leur serait très difficile de travailler dans un pays autoritaire, en Iran, comme en Russie et même en Chine où il va falloir renforcer l’accompagnement juridique des négociations parce que ça va devenir compliqué. 

D’un autre côté, les chefs d’entreprises gardent le moral en dépit d’une situation intérieure très nerveuse alimentée par le débat sur les retraites et sur l’inflation. Alors tous les secteurs sont en stand-by avec un niveau d’activité très relevé dans le commerce de gros avec l’étranger.  L’industrie, les services, le bâtiment ont connu en mars quelques trous d’air, mais pas de quoi remettre en cause les projets d’investissements et d’embauche. La situation de l’emploi est toujours très tendue. 

Les chefs d’entreprises et notamment leurs représentants sont restés à l’écart du débat sur les retraites. Il faut dire que le projet présenté par le gouvernement ne les mettait pas à contribution dans la recherche des moyens d’équilibrer financièrement le régime par répartition, sauf que les aménagements consentis sur les seniors, les carrières longues et les femmes vont évidemment les concerner. Mais ce qui les inquiète davantage, ce sont les conditions de sortie de crise qu’il faudra bien trouver.

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On ne touchera sans doute pas à la mesure de l’âge, mais ce qui se prépare du côté de Laurent Berger et de Matignon ressemble fort à une retraite par points, assez individualisée et surtout une grande conférence sur le travail.

Les chefs d’entreprises sont parfaitement conscients que la violence du débat depuis 3 semaines ne s’explique pas seulement par un projet de retraite assez mal ficelé et encore plus mal expliqué. Il s’explique par un malaise socio-économique des classes moyennes qui se sentent appauvries par l’inflation, dévalorisées par les délocalisations et assez stressées par les projets liés à la digitalisation (l’intelligence artificielle est venue d’ailleurs ajouté du stress au stress),  mais aussi par la lutte contre le réchauffement climatique qui annonce des changements profonds dans la chaine de valeur. Il y aura d’augmentation de prix qu’il faudra bien amortir parce que le consommateur qui est très bio en général, l’est beaucoup moins quand il s ’agit de passer à la caisse de l’hypermarché. 

En bref, les chefs d’entreprise risquent d’être convoqué à trois niveaux : 

Premièrement, au niveau des retraites, parce que s’il faut trouver des ressources supplémentaires pour équilibrer le système, ils savent qu’on viendra les chercher dans l’entreprise… Et même si on ouvre très logiquement la porte à des complémentaires par capitalisation, c’est aussi les entreprises qu’on viendra solliciter pour qu’elles organisent elles-mêmes des systèmes propres. Certaines le font déjà et en ont les moyens, les plus modestes des PME sont hors-jeu . 

Deuxièmement,  il leur parait évident qu’il leur faudra enrichir le dialogue social. Si le compromis est un outil utile pour finaliser une négociation, il faut aux chefs d’entreprises une organisation plus sophistiquée que celles qu’ils ont actuellement pour négocier avec de syndicats qui seront plus forts en interne qu’ils ne le sont actuellement. La CFDT notamment, va prendre des parts de marché syndical. 

Enfin, troisième dossier, ils seront sollicités fortement dans cette grande conférence travail à laquelle on ne coupera pas. Et cette conférence travail devra bien régler le statut et la rémunérations des séniors, une population que les chefs d’entreprises ne prisaient guère jusqu’à maintenant. Cette conférence devra aussi avancer dans la gestion des carrières longues. Si on veut allonger la durée du travail et ça parait très logique, il faudra bien faire en sorte que la dernière phase de la carrière soit organisée de façon moins fatigante pour le salarié, donc forcément plus coûteuse à l’entreprise. 

Tout cela va se traduire par des augmentations de masses salariales, augmentation de salaires qui sont par ailleurs demandées également pour compenser les pertes de pouvoir d’achat. Cette équation ne fonctionnera que si et seulement si on sait par ailleurs générer des augmentations de productivité, lesquelles permettent d’accroitre la compétitivité.

Personne ne sait si le gouvernement sortira indemne de cet épisode, mais comme il n’a pas de solution politique, l’exécutif sera bien obligé de sortir par des solutions économiques et financières. Comme au lendemain des gilets jaunes ou pendant le covid. Sauf qu’aujourd’hui, il n’a plus d’argent et plus de difficultés à emprunter. Les chefs d’entreprises savent donc bien qu’ils seront sollicités ; la seule carte qu’ils peuvent jouer, c’est de rappeler que c’est en baissant les prélèvements obligatoires sur la production que l’Etat a réussi à commencer à augmenter ses recettes fiscales et à diminuer et son déficit et sa dette.

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