Les bons conseils du baron Necker à François Hollande pour éviter un nouvel an 1789<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Les bons conseils du baron Necker à François Hollande pour éviter un nouvel an 1789
©wikipédia

Bonnes feuilles

Palais de l'Elysée, 13 janvier 2014. François Hollande est en pleine tourmente, sa vie privée s'étale dans tous les journaux et la situation économique est désatreuse. Le président reçoit alors la visite d'un visiteur inattendu: le baron Jacques Necker, ancien ministre des Finances de Louis XVI. Un coup de pouce du destin? Extrait de "Le fantôme de l'Elysée" de Philippe Dessertine, aux éditions Albin Michel, 2015 (1/2).

Philippe  Dessertine

Philippe Dessertine

Professeur à de finance et de gestiion, Philippe Dessertine est également membre du Haut COnseil des finances publiques. Il est l'auteur de plusieurs livres dont "Le fantôme de l'Elysée", aux éditions Albin Michel.

 

 

Voir la bio »

« Je pourrais débuter ainsi, qu’en pensez-vous ? “Une France maîtresse de son destin doit retrouver la prospérité…”

– Monseigneur… M’autorisez-vous à vous reprendre ? Vous devez vous obliger à plus de puissance. Ne l’oubliez point, cette conviction est la vôtre, certes, mais elle n’est partagée que par une infime minorité. Or il vous faut exhorter le plus grand nombre. Il en va de l’avenir du pays. Il n’est point de demi-mesure. Ou vous ferez partie des faibles, ou vous conserverez votre place parmi les forts. Ce fut pareille alternative qui me sembla l’horizon de mon époque. »

Le Président rature. Il relit :

« Bon, alors, version plus corsée : “J’ai une conviction profonde. Si la France veut garder son influence dans le monde, si elle entend peser sur le cours des événements en Europe, elle doit retrouver la force économique.” Pas mal, non ? »

Les yeux du vieil homme scintillent. Il est évident qu’il est passionné par l’exercice.

 « Vous devez évoquer aussi l’importance de maîtriser le cours des événements. Rien n’est plus tragique pour une si grande nation que de perdre sa disposition à décider seule de son avenir. Un tel malheur entraîne des lamentations durables, car il n’est pire sensation pour un peuple que de sentir un joug étranger, et le temps pour s’y soustraire est toujours terriblement long.

– Oui, je suis d’accord. J’ajoute à ma tirade : “Si la France veut garder la maîtrise de son destin”, c’est l’enjeu, oui, c’est l’enjeu terrible… »

Le Président semble reprendre son souffle en soulignant la phrase. Il relève la tête.

« Dites, vous vous rendez compte que le Président de la République de 2014 est en train de se faire aider par le ministre de Louis XVI ? Tout de même, c’est grandiose !

– Comment avez-vous dit ? Président ? »

Un éclair de méfiance est passé dans le regard de l’homme.

« Vous n’êtes point le Roi… Je m’en doutais.

– Non, mais je suis tout de même le chef de l’État. »

Le Président semble bomber le torse puis toussote comme s’il s’en voulait du soupçon d’arrogance qui l’a traversé.

« Puis-je vous demander pourquoi vous aviez ce pressentiment ?

– Monseigneur, n’en prenez pas ombrage… Vous n’êtes point de sang royal, c’est l’évidence, il vous manque la majesté. On l’a ou on ne l’a point, voilà tout. »

Le Président paraît un peu piqué au vif.

« Tout à l’heure, j’ai bien noté, vous avez dit que je lui ressemblais, ce sont les termes que vous avez utilisés, n’est-ce pas ? De qui parliez-vous, rappelez-moi ?

– De Sa Majesté, je vous l’ai dit.

– Vous voyez bien ! »

L’homme fait une petite moue, il pèse ses mots, comme pour ne pas trop heurter son interlocuteur.

« Vous avez son regard, vous avez un peu sa voix, c’est étonnant ; et un peu son physique, en légèrement moins grand. »

Le Président sourit :

« Et en moins enveloppé, j’espère ?

– Au point qu’un instant, je me suis demandé si vous pouviez être son héritier, si la royauté avait pu être rétablie, après ces années de folie.

– Elle l’a été, en effet, peu après votre… disparition. Les frères de Louis XVI ont été couronnés ; et Louis-Philippe d’Orléans aussi. Tout cela s’est terminé par une autre révolution, en 1848… Vous ne le saviez pas ? »

L’autre secoue la tête avec lenteur. Il est pensif, il contracte ses lèvres avant de lâcher :

« Provence et Artois ont régné ? Et Orléans ?… 1848, le fils du félon, je suppose. Je suis heureux de ne point avoir vécu tout cela. Dieu m’a fait une très belle faveur de m’endormir pendant ce temps, j’aurais développé des humeurs autrement plus aigres si j’avais assisté, même de loin, à pareils scandales.

– Quant au Bonaparte, je ne résiste pas au plaisir de vous informer de son sacre, et comme empereur de surcroît !

– Il a osé, le fourbe ?

– Je crois que vous l’avez vraiment raté de peu. Oui, c’est cela, en décembre 1804.

– J’en eus été achevé !

– Figurez-vous que mon prédécesseur est réputé lui ressembler, au physique et au caractère. Mais le génie en moins.

– Il ne doit point lui rester grand-chose alors ! »

Le Président jubile.

« Des scandales, il y en eut beaucoup d’autres en plus de deux siècles, et certains bien pires, je vous l’assure.

– Espérons ensemble que le prochain n’est point dans quelques heures… »

Extrait de "Le fantôme de l'Elysée" de Philippe Dessertine, aux éditions Albin Michel, 2015.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !