Les APL, cet éclatant symbole de l’absurdité de nombre d’aides sociales françaises<!-- --> | Atlantico.fr
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Les aides personnalisées au logement (APL) étaient un point de tension au Parlement sur le projet de loi immigration.
Les aides personnalisées au logement (APL) étaient un point de tension au Parlement sur le projet de loi immigration.
©Flickr/unicellular

Point de friction

Personne ne conteste le principe de l’existence d’aides sociales. Pour autant, la complexité du système français les rend souvent aussi coûteuses que peu efficaces, voire contreproductives.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Atlantico : Les aides personnalisées au logement (APL) étaient un point de tension au Parlement sur le projet de loi immigration. La droite souhaitait conditionner à cinq ans de résidence l'octroi aux étrangers de cette allocation, une durée qui serait réduite à deux ans et demi pour ceux qui travaillent. Que penser de cette proposition ?

Marc de Basquiat : Ce débat est un peu désolant. La vraie question devrait plutôt être : comment s’assurer que chacun ait un toit sur la tête quand vient le soir, qu’il soit français ou étranger ? Malheureusement, la question de l’hébergement et du logement a été transformée en un enjeu budgétaire, en une prestation sociale monétaire, alors que ce n’est pas vraiment le sujet.

Un étranger arrivé en France avec ou sans papier, qui a ou non un travail et un revenu, a-t-il besoin d’un toit sur la tête ? La réponse est évidemment oui. Comment y parvient-il ? La réponse est nettement plus confuse, combinant des solutions d’hébergement d’urgence, l’accueil des collectivités et des associations, l’accès au logement social… sans oublier les squats et autres solutions illégales. La logique « un toit d’abord » (de l’anglais « housing first ») tente de combler l’écart entre hébergement et logement, avec une crédibilité indiscutable sur les principes et une vraie difficulté dans la mise en œuvre pratique.

Lorsqu’il ne sait pas comment résoudre un problème qui dépasse les diverses solutions créées au fil des décennies, l’Etat est tenté de se rabattre sur une solution facile : distribuer de l’argent. En sous-titre : débrouille-toi avec ça. Cette facilité alimente les marchands de sommeil et autres réseaux plus ou moins illégaux.

Si on admet que les APL ne sont pas une solution efficace pour loger les personnes fragiles économiquement, le débat sur la durée d’une condition de résidence préalable parait un peu surréaliste. On devrait discuter d’un côté de la légitimité du versement d’une allocation APL vue comme transfert monétaire banal (cf. RSA, ASS, ASPA…), et par ailleurs de l’efficacité des divers dispositifs permettant de loger les gens.

Si les APL sont d’abord un transfert monétaire, il n’y a pas de raison que les conditions d’accès à cette prestation soient différentes de celles du RSA : cinq années de résidence régulière (légale) préalable pour les non Européens.

Par ailleurs, il faut développer des moyens efficaces pour loger les nouveaux arrivants, selon diverses conditions. Sinon c’est l’anarchie. 

En quoi les APL sont-elles des aides coûteuses et peu efficaces, voire contre-productives ? Faudrait-il les supprimer, tout simplement ?

Cela fait bientôt 20 ans que des économistes ont démontré les conséquences inflationnistes des APL. Lorsque son loyer est payé en grande partie par l’allocation versée par la CAF, le bénéficiaire de l’aide n’a aucune raison de négocier le loyer avec le propriétaire. Lorsque le niveau des APL augmente, les loyers des logements les plus modestes progressent plus vite que ceux des biens occupés par des ménages autosuffisants économiquement, qui négocient âprement les prix qu’ils acquittent sur leurs deniers personnels.

D’autre part, les formules de calcul des APL prévoient un plateau initial (le montant est fixe pour les revenus très faibles) puis une décroissance assez rapide du montant, ce qui diminue notablement le gain réel pour le salarié d’une augmentation salariale ou d’un nombre plus élevé d’heures de travail. Ce mécanisme bien connu se conjugue assez souvent avec la décroissance de la Prime d’activité, ce qui résulte en des aberrations étudiées en particulier par Gilbert Cette lorsqu’il présidait le groupe d’experts sur le SMIC : le salarié perçoit parfois moins de 20% de l’augmentation accordée par son employeur.

Pour faire court : oui, il faut supprimer les APL et toutes les aides monétaires censées aider les personnes fragiles à se loger. Elles n’ont pas besoin d’argent mais d’un logement ! Comme elles n’ont pas les moyens de payer leur loyer au prix du marché, il serait efficace de décorréler la participation financière qu’elles acquittent – qui pourrait être fixé arbitrairement à 25 % de l’ensemble de leurs revenus – en développant une offre locative intermédiée. C’est le schéma que j’ai développé en 2019 : un « service universel du logement ».

Dans le secteur du logement, existe-t-il d’autres dispositifs qui, comme les APL, sont peu efficaces et contre-productifs ?

Le Conseil des prélèvement obligatoires (CPO) a publié ce lundi un rapport expliquant l’intérêt de baisser drastiquement les droits de mutation (DMTO, couramment appelés « frais de notaires »), voir d’envisager leur suppression. Je m’en réjouis ! Plusieurs pays, en Europe et ailleurs, vivent très bien sans taxer les transactions immobilières. Chacun achète un logement correspondant à son besoin du moment, puis le revend pour en acheter un autre lorsque son besoin évolue, sans aucun prélèvement fiscal. La fluidité du marché est totale. Quel bonheur.

Le CPO explique que cette baisse des DMTO pourrait être compensée au milliard près par une augmentation et une homogénéisation des taxes foncières. Le rationnel est évident : il vaut mieux taxer les rentes immobilières que les adaptations de l’offre à la demande. Le schéma repris le 18/12 dans Les Echos est limpide.

Alors que j’ai développé ce rationnel dans un autre rapport publié en 2019, je suis heureux de voir la réflexion progresser dans les cercles officiels.

Le système social français est-il dans son ensemble à l’image des APL ? Dans quelle mesure les aides sociales françaises sont-elles mal pensées ?

Le cas des APL est très particulier, lié à un bien essentiel comme le logement. Le constat que je fais est qu’il est inefficace de donner de l’argent aux gens pour qu’ils se logent. Une politique du logement efficace devrait d’abord s’assurer de générer une offre adaptée (par des acteurs privés autant que possible) puis combler le gap entre les capacités contributives et les prix du marché. C’est une tout autre philosophie à intégrer.

Les minima sociaux sont également destinés à être démantelés, mais pour une raison différente : ils enferment les personnes fragiles dans un statut d’assisté dont il est très difficile de sortir. Une solution fiscale, sous la forme d’un impôt négatif, serait beaucoup plus efficace et éliminerait les trappes à pauvreté et à inactivité.

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