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Législatives 2022 : l’occasion de remettre le politique à sa juste place
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Introspection

Les résultats des législatives 2022 sont conformes à ce qu’on pouvait déjà en dire à l’issue du 1er tour : moins de majorité, plus d’opposition et nul espoir de réforme libérale. Livrons-nous cependant à une petite introspection : sommes-nous réellement prêts à soumettre nos vies à l’influence exclusive du politique ?

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Je lisais hier dans Le Monde une enquête assez larmoyante sur la vie pas si rose que ça des femmes enceintes et des futures mères. On nous y expliquait que face au récit convenu de la maternité forcément heureuse, la parole des femmes se libère de plus en plus pour témoigner d’un envers du décor essentiellement constitué de souffrance, déprime, vergetures et isolement. Là n’est pas le thème central de mon article du jour, mais j’y trouve néanmoins un parfait exemple de ce que je veux vous dire.

Car après une longue série de complaintes plus désespérantes les unes que les autres, à peine entrecoupées de la mention de l’existence d’opinions adverses, la sage-femme Anna Roy, figure médiatique du combat pour « lever les tabous sur la maternité » et dénoncer le manque de moyens afférent, nous livre le mot de la fin :

« Il faut passer de la libération de la parole des femmes à l’action politique autour du ‘devenir parent’, et vite. »


L’action politique autour du « devenir parent »…

C’est très clair. L’individu quel qu’il soit est considéré d’entrée de jeu comme incapable de vivre sa vie sans l’encadrement indispensable et permanent des pouvoirs publics. Que deviendrait-on si l’on n’avait au-dessus de soi une autorité décrétée omnisciente pour nous guider à chaque pas, nous encadrer et finalement nous formater dans un profil d’existence validé en haut lieu ?

Le tout, au frais du contribuable que nous sommes aussi la plupart du temps, naturellement. Dans le contexte quasi-sacré de notre modèle social fondé sur un État providence de plus en plus nounou, qui dit « politique », dit évidemment « plus de moyens ».

Et c’est ainsi que petit à petit, à mesure que les bons sentiments se déclinent en bons comportements et envahissent le champ du politique, nous sommes appelés à payer toujours plus pour voir notre autonomie, notre esprit de responsabilité, nos possibilités de choix, nos interactions sociales directes et l’étendue de notre vie privée se réduire toujours plus également.

Du côté des bons sentiments, on pense immédiatement au stage vélo de remise en selle, petit bijou d’infantilisation concocté à nos frais par Elisabeth Borne quand elle était ministre de la Transition écologique et solidaire.

Solidaire… Tel est en effet l’argument-massue de toutes ces mesures prises dans le but de nous protéger et nous aider. Comme l’écrivait Emmanuel Macron dans sa Lettre aux Français de janvier 2019 (pour lancer l’épisode Grand débat national) :

« La France n’est pas un pays comme les autres. Le sens des injustices y est plus vif qu’ailleurs. L’exigence d’entraide et de solidarité plus forte. »


Mais de quelle entraide parle-t-on ? De quelle solidarité parle-t-on ?

De celles, réelles, profondes, directement issues de notre attention personnelle aux autres, de notre reconnaissance bouleversée de l’humanité de l’autre, que nous allons apporter spontanément à nos voisins, parents, amis ou même inconnus au bord du chemin lorsqu’ils ont besoin de nous ?

Ou plutôt de ce système parfaitement anonyme et administratif qui taxe d’un côté et redistribue de l’autre selon des critères « solidaires » décidés dans des bureaux en fonction des agendas des politiciens au pouvoir, sans que le moindre regard d’humanité, sans que le moindre regard de compréhension soit échangé entre celui qui donne et celui qui reçoit ?

La solidarité des droits et des guichets est-elle vraiment une solidarité ? La question se pose. Après plus de 70 ans d’État providence et de discours enflammés sur la beauté du collectif et la supériorité de notre modèle social, on n’en revient pas de constater que c’est encore au nom de l’isolement et de la fragilité supposée des personnes que de nouvelles mesures de soutien en tout genre doivent être prises. Et si c’était précisément l’emprise de cette solidarité institutionnelle désincarnée qui générait l’effondrement des relations interpersonnelles au sein des familles et dans les quartiers ?

Nombreuses sont les personnes qui, sollicitées à titre privé pour soutenir une cause par un don, vous répondront qu’avec tous les impôts qu’elles payent déjà, elles ne vont pas donner en plus à ceci ou cela et vous suggéreront de vous adresser à la mairie, à la région pour obtenir une subvention qui existe certainement. Tout se passe comme si la solidarité connaissait le même sort : l’État a sûrement prévu quelque chose – et si ce n’est pas encore le cas, il faut se mobiliser pour qu’il le fasse ; pourquoi s’en préoccuper personnellement ?

Après le versant des bons sentiments, passons au versant des bonscomportements. Difficile de ne pas penser par exemple aux déclarations de l’ex-candidate de la primaire écologiste Sandrine Rousseau sur le fait que « le privé est politique » – « privé » étant entendu au sens de vie privée, vie personnelle. En vertu de quoi notre célèbre écoféministe de combat voudrait voir reconnaître un délit de non-partage des tâches domestiques au sein des couples. 

Eh oui, elle a déjà tout organisé et tout calculé pour vous. Au fond, c’est très simple : il n’existe qu’une seule façon de vivre en couple et je vais certainement vous étonner, mais il se trouve que c’est la sienne. Les hommes et les femmes sont-ils si complètement idiots qu’ils soient incapables de s’entendre au sein d’un couple sans les conseils en vie conjugale de Mme Rousseau ? Sont-ils si dénués d’aspirations personnelles qu’il faille tout organiser à leur place comme si la vérité dans la recherche du bonheur devait obligatoirement venir d’une autorité autoproclamée supérieure ?

Si « le privé est politique » comme elle le prétend – et comme le prétendait aussi Éric Zemmour quand il parlait de limiter par la loi le choix des parents quant aux prénoms de leurs enfants « pour que la France reste la France » – il en résulte assez directement que l’individu est dépouillé de sa capacité à faire des choix et prendre des décisions informées et autonomes. Sa seule et unique liberté consistera dès lors à se conformer aveuglément à ce que l’autorité politique aura décidé pour lui – ou à devenir hors-la-loi, puni, rejeté de la société. 

Tous ces exemples, qu’ils soient effectivement mis en œuvre ou qu’ils en soient encore au stade du lobbying appuyé, témoignent d’un envahissement croissant du politique normatif dans tous les recoins de notre vie la plus privée, la plus intime, aux dépens de nos libertés et de notre prospérité. En attestent notre inflation législative et normative unique au monde, le niveau olympique de nos dépenses publiques, et le fait que malgré tout ce pognon de dingue solidairement déversé par milliards, « les gens, ils sont quand même pauvres » (rare moment de lucidité d’Emmanuel Macron).

Ce pays, que nous aimons pour mille excellentes raisons, est-il si irrémédiablement foutu ? Difficile de dire avec certitude de quoi l’avenir sera fait, mais ne l’enterrons pas trop vite. Essayons de le transformer. Essayons d’insuffler de nouvelles idées.

À ce propos, j’ai une bonne nouvelle : il existe une autre façon de considérer le champ du politique. Une façon qui non seulement le renvoie très fermement à la place et uniquement la place qui est la sienne mais qui a aussi l’avantage de la crédibilité car elle a précisément émergé dans la pensée occidentale quand est venu le moment de s’extirper de l’absolutisme royal qui dominait jusqu’alors – un absolutisme qui lui aussi dictait de a à z les modes de vie et de pensée.

Ce sont les rédacteurs de la Déclaration d’indépendance des États-Unis (1776) qui à mon sens l’expriment le mieux :

« Tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. »


Rien ne dit qu’il n’existe qu’un seul modèle de bonheur sur terre. Tout l’enjeu entre les gouvernés et les gouvernants consiste à trouver un gouvernement qui respectera cela. Qui ne cherchera pas à s’immiscer entre les hommes et leur idée du bonheur en voulant à toute force « faire leur bien » ou les cantonner dans des comportements autorisés par pure idéologie. Qui respectera la diversité des aspirations et des accomplissements humains.

Telle serait une société libérale, éclairée par un harmonieux mélange de science et d’expérience.

Oh, je sais. On va me dire que sans garde-fous, ce sera le paradis des loups libres dans un poulailler libre, comme si tout le monde était invité à faire tout et n’importe quoi en fonction de ses purs désirs individuels sans considération pour l’existence d’autrui. Eh bien, là aussi, j’ai une bonne nouvelle : restauration du régalien, séparation des pouvoirs et état de droit. Pas seulement l’apparence de ; la réalité.

Bref, soyons audacieux : remettons le politique à sa place, renvoyons les politiciens à leurs minuscules ambitions et parions sur les hautes qualités d’une Constitution entièrement dévolue à déterminer les rapports entre les gouvernants et les gouvernés plutôt qu’à dicter le bon, le bien, le beau.

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