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Le télétravail ne nous fait pas seulement perdre en productivité mais aussi en…
©Magali Cohen/Hans Lucas/AFP

Temps de transport pour aller travailler

Stéphane Blocquaux

Stéphane Blocquaux

Fort d'une expérience de 15 ans sur le terrain, docteur en Science de l'information et de la communication, Stéphane Blocquaux a mené diverses formations ou expertises auprès du ministère de la Santé, du Sénat, de la Fondation pour l'Enfance ou encore de la Protection judiciaire de la jeunesse.

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Atlantico : Selon une étude réalisée par des universitaires américains, les déplacements domicile-travail ont de nombreux avantages et les individus en télétravail en sont peut-être privés. De quels avantages parle-t-on ?

Stéphane Blocquaux : Comme pour un plongeur, certaines personnes ont besoin de respecter des « paliers de décompression » après leur journée de travail. Quand on met brutalement fin à notre journée passée à télétravailler, on se retrouve immédiatement plongé dans notre environnement habituel et on peut tomber nez à nez avec notre conjoint, ce qui amène à mélanger deux sphères, à savoir la vie privée et professionnelle. Cela peut être assez violent. Le temps de trajet, s’il n’est pas trop long, offre un temps de réflexion et d’analyse sur les actions passées dans la journée. Cela peut aussi être également un temps d’évasion, on peut écouter la radio, de la musique … Le temps de trajet en voiture est donc un moment de divertissement, de culture et plus globalement de repos. Il est comparable à une bulle car on s’y sent bien, protégé. On peut y manger, y dormir, c’est en quelque sorte une annexe du domicile. À l’inverse, les transports en commun n’offrent pas ces avantages. Voyager à proximité d’autres travailleurs peut être comparé à une intrusion. D’ailleurs, on voit bien que de nombreuses personnes essayent de s’isoler, grâce à des écouteurs, des casques audio, ou tout simplement en surfant sur Internet. 

Le Washington Post relevait qu’une femme américaine avait besoin de s’assoir dans sa voiture à la fin de sa journée de travail pour marquer la transition entre le travail et la vie privée. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Je pense que cet exemple est assez extrême et dénote d’un besoin de revivre cette expérience de sas de décompression, pour reprendre l’exemple du plongeur. En effet, on peut penser que cette femme a besoin de ce temps avant de rejoindre ses proches en étant sereine. Pour autant, je ne pense pas que de nombreuses personnes agissent de la sorte, car ce comportement frôle la pathologie. 

Quels sont les effets néfastes pour les travailleurs qui ne peuvent plus s’offrir ce trajet ?

Tout dépend de la qualité du transport. À titre d’exemple, quand je suis bien installé dans un TGV, mon siège se transforme en bureau secondaire. Si la voiture est du « temps perdu » d’un point de vue professionnel, la problématique intervient quand le temps de transport est dur, rude. Les grèves, le froid ou le fait d’être collé au gens pour se transformer en fatigue supplémentaire ou causer un stress, avec tous les effets négatifs sur la santé que cela implique. 

D’autre part, je pense que la notion d’ « empreinte carbone », consécutive à l’emploi d’un véhicule peut porter préjudice à certains individus. Ainsi, certains employeurs peuvent pousser leurs employés à faire des réunions sur Zoom plutôt que physiques, ce qui constitue un appauvrissement du contact réel. On ne fait pas la même chose lorsqu’on est en réunion à distance et en présentiel. Les interactions sont différentes et tous les signes physiques, les moments d’agacement, les coups de gueule ne peuvent pas passer à travers un écran. Le télétravail conduit donc à la mort de la communication non-verbale. 

Si le fait de prendre son véhicule a indéniablement un coût physique et économique, il peut également être mal perçu par autrui, malgré ses nombreux avantages. Pour autant, on a bien vu que le tout télétravail peut créer une sorte de mort de l’humanité et il est vain de penser qu’on peut substituer la relation virtuelle à la relation réelle. 

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