Le secret des incroyables cartes militaires de l'URSS<!-- --> | Atlantico.fr
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Paris et sa banlieue nord, version soviétique
Paris et sa banlieue nord, version soviétique
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Souvenirs de guerre froide

Pendant plus décennies, les Soviétiques se sont spécialisés dans la cartographie avec une précision inégalée.

Il est une ressource que les grands randonneurs collectionnent amoureusement. A l’heure du GPS, les globe-trotters du monde entier vouent une adoration pour les bonnes vieilles cartes, à l’instar de celles qui traînent dans les voitures depuis des années. Sauf que celles qui sont prisées ne sont plus éditées depuis des dizaines d’années et datent en fait de la guerre froide. Il suffit de faire le tour des forums de voyage : la panacée, c’est la carte soviétique. Plus exactement, la carte topographique militaire devenue une véritable spécialité de l’ancienne union des républiques socialistes, avant d’en devenir une référence du genre, 25 ans après la chute de Moscou. "C’est étrange que ce pays qui a tellement été diabolisé ait tant apporté à la cartographie" s’amuse ainsi Jack Swab du Penn State Department of Geography. C’est le paradoxe de l’Union soviétique qui, par rivalité avec le bloc de l’Ouest, a su révolutionner des domaines entiers, pas forcément par intérêt scientifique mais surtout par nécessité idéologique.


Berlin Ouest

D’ailleurs, toutes les cartes soviétiques ne se valent pas. Les cartes militaires étaient classées  défense et ne pouvaient être détenues que par les responsables du régime. Pour le peuple, l’histoire est différente. En 1988, le patron des cartographes russes, Viktor R. Yashchenko, finit par avouer un secret de polichinelle, alors que le communisme commence à s’effriter. Oui, les cartes éditées depuis l’époque staliniennes étaient fausses. La ruse, grossière, était censée tromper les Américains et leurs alliés en effaçant une route ou en déplaçant un fleuve de quelques kilomètres au nord. A l’heure des satellites, les rivaux avaient déjà des versions bien plus précises. "Nous avons toutefois continué à le faire," racontait à l’époque Viktor R. Yashchenko.

A tourist map (left) of Tallinn produced for the 1980 Olympics is short on detail and accuracy compared to a Soviet military map of the same area made in 1976.
Tallin version touristique et version militaire

Dans les années 1980, ces cartes n’intéressent plus personne mais ce sont celles que possèdent les militaires qui fascinent. C’est l’époque où les vendeurs de cartes s’arrachent ces objets précieux. Wired raconte un épisode de 1989 lorsqu’un Britannique, Russel Guy, échange discrètement à l’héliport de Tallin (Estonie), une mallette de 250 000 dollars contre un attaché-case rempli de ces fameuses cartes topographiques militaires. « Je pense qu’on a du acheter un million de plans, peut-être plus, » raconte-t-il aujourd’hui. D’une précision incroyable, ces cartes englobent le monde entier, que ce soit la Russie, l’Europe et même les Etats-Unis.


New York

La plus grande surprise des observateurs est la densité d’informations qu’elles contiennent. Si les cartes officielles étaient bien fausses, celles des militaires surpassent largement toutes les autres, à commencer par les cartes américaines. On y trouve les routes, mais aussi la taille des routes. On y trouve les ponts, mais aussi la capacité de ces ponts… En fait, c’est un véritable plan d’invasion ! Une carte de Manchester (Royaume-Uni), révélée en 2009, montrait même le chemin à prendre pour les tanks T-72 s’il fallait envahir la ville. "Les militaires soviétiques qui ont compilé ces cartes, ont utilisé des moyens aériens, comme des avions espions et des images satellites, pour compléter les cartes traditionnelles britanniques" analyse pour le Daily Mail Chris Perkins, de l’université de Manchester. Et cette carte date de… 1974. Une véritable prouesse.

Soviet Map
Manchester : les routes pour les tanks sont en orange

Sur les cartes des grandes villes américaines, les sites sensibles sont ajoutés. Les usines sont décrites et leur production signalée. Des couleurs sont utilisées pour différencier la nature des bâtiments : les sites industriels en noir, l'administration en violet les installations militaires en vert. Certains sites présents sont même inconnus du public dans le pays où ils sont situés. Cette mine d’or a pu être conservé par des férus d’histoire comme Russel Guy, aidé par quelques officiers russes qui ont refusé de bruler ces cartes comme ordonné. Ce sujet est même devenu un tabou en Russie. Mais si les plans sont désormais remplacés par les GPS, ces cartes restent le témoignage extraordinaire du talent des cartographes soviétiques, mais aussi du danger que pouvait représenter l’URSS  pendant la guerre froide. 

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