Le sacré, le profane et l’ambivalence de la sacralité<!-- --> | Atlantico.fr
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Nous devrions remettre l’Église au milieu du village puisque selon la formule imputée à Aristote « la nature a horreur du vide ».
Nous devrions remettre l’Église au milieu du village puisque selon la formule imputée à Aristote « la nature a horreur du vide ».
©SAFIN HAMED / AFP

La nature a horreur du vide

Oublier le sacré et il revient au galop dans quelque période troublée par le nihilisme en vigueur.

Michaël Parent

Michaël Parent

Michaël Parent est enseignant. Il donne des cours de français et de philosophie. 

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Mircéa Eliade a sans doute raison, l’acte de lecture seul, quoiqu'on fût athée irréductible, rationnel jusqu'au contrôle attentif de ses songes, nous fait ressusciter les vieux mythes au coin du feu; nous consacrons les légendes de la tradition orale, dans une hiérophanie (manifestation du sacré) réinventée, car toutes les croyances découlent des cosmogonies primordiales, l'acte du mariage est d'ailleurs à ce titre une illustration supplémentaire hiérogamique (union sacrée) entre Gaïa et Ouranos, entre terre et ciel, entre femme et homme. Nous convoquons par le concours du calendrier grégorien, les cycles cosmiques, puisqu’il s’agit de l’actualisation de la révolution du soleil, rythmant ainsi les saisons, datant, solstices et équinoxes dans un universalisme abstrait inhérent à toutes croyances et religions. 

Par conséquent, l’ordre du cosmos se mathématise dans le temps, et ce rapport au sacré que nous traversons par les fêtes, jours fériés, rites, figure l’éternel retour, l’intemporel réactivé périodiquement et transcendant le temporel historique de nos existences dérisoires. Cette horlogerie bien huilée, ravive les expositions candides autour de l’origine de l’univers, sans doute parce que l’homme a besoin d’un Père, d’un père de ses pères, pour avoir à supporter le fardeau solipsiste du fœtus astral, à jamais dérivant dans l’éther. Or, me semble-t-il, le Père manque à la fête aujourd’hui, il se dérobe sous la puissante pesanteur des idéologies et cette tendance lourde de sens à faire comme si la civilisation chrétienne ou judéo-chrétienne ne constituait pas un socle religieux culturel (et non cultuel), nous place, sans doute, sur des sables mouvants, du moins la maison bâtie ainsi sans fondation risque-t-elle, de faire émerger des exigences de sacré cette fois ci corrompues et abâtardies sous de mauvais auspices, lesquels conduirons inexorablement l’homme à sa perte.

« L’homme est un animal métaphysique » écrivait Schopenhauer, et le rationnel le plus empirique, le plus aggloméré à la démonstration ou à l’expérience physique, ne semble pas se rendre compte, parfois, je dis bien parfois, du caractère scientiste, voire religieux de son approche de l’existence et de la réalité du monde. Oublier le sacré et il revient au galop dans quelque période troublée par le nihilisme en vigueur, d’ailleurs ne croire en rien est impossible stricto sensu, mais à passer à la trappe spiritualité, philosophie, éthique et livres, nous convoquons qu’on le veuille ou non des altérations funestes de désirs fabriqués à l’aune de folies transhumanistes, l’homme ainsi ne croyant plus en Dieu, se fait Dieu lui-même. Mais cet hubris mal anticipé dans lequel l’homme remet son testament à lui même, montre bien que nous sommes passés de « Dieu fabriqua l’homme à son image », à « l’homme fabriqua Dieu à son image », à « l’homme se fabriqua Dieu », aussi devrions nous nous interroger sur la difficile cohabitation avec nous-mêmes, sur le rejet automatique irréfléchi de la condition humaine, que nous rejetons en bloc, répugné par la finitude, et encouragée par le cinéma marvélisé.

« Tuer la mort » résonne comme un blasphème, et se découvrir l’égal d’un Dieu ne peut qu’apporter déconvenues réitérées, aboutissant au fleurissement et montées de sèves de formes nouvelles et décadentes de religiosités, par leur caractère mortifère et avilissant. Sans doute est-ce le cas des HPI lorsque tout le monde a des enfants géniaux, aujourd’hui surdoués, sans jamais qu’il aient l’idée d’ouvrir un livre, or seul Dieu créé ex nihilo, voilà encore une fois une manière de sacraliser son ego qui mérite qu’on s’y attarde une seconde. Nous voyons fleurir aussi, la faute sans doute à l’ubérisation des métiers sur internet, de gourous opportunistes, ou d’encore diverses pseudosciences managériales empruntes de développement personnel, dans une sorte de « connais-toi toi-même » galvaudé, dévoyé à souhait, du moment qu’on puisse faire de nous des robots sans Dieu, incapables de raisonner et d’envisager la dimension métaphysique de l’existence. L’abolition de la verticalité a pour l’homme aliéné, destitué de sa dimension sacrée, de son rapport au sacré, de son absence de regard porté vers les étoiles, vers l’étoile du berger, une symbolique forte, puisqu’il est mouton plutôt que berger, perdant ainsi la béquille existentielle de son bâton de pèlerin pénitent.

Alors peut être devrions-nous remettre l’Église au milieu du village puisque selon la formule imputée à Aristote « la nature a horreur du vide ».

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