Le pouvoir d’achat a augmenté en 2023, mais le sentiment d’appauvrissement a progressé. L’année 2024 est illisible<!-- --> | Atlantico.fr
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"Ce qui paraît paradoxal dans cette situation, c’est que le ressenti individuel se traduit par un appauvrissement difficile à supporter", affirme Jean-Marc Sylvestre.
"Ce qui paraît paradoxal dans cette situation, c’est que le ressenti individuel se traduit par un appauvrissement difficile à supporter", affirme Jean-Marc Sylvestre.
©MORITZ FRANKENBERG / DPA / AFP

Atlantico Business

Les salaires ont augmenté plus vite que l'inflation en 2023, mais la consommation est en panne... L’année 2024 s’annonce encore beaucoup plus compliquée à décrypter... Le ralentissement de l’inflation a cassé les projets d’entreprise.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La visibilité de l’économie est très compliquée. L’année 2023 a été marquée par une demande générale et violente de pouvoir d’achat, alors que les salaires ont augmenté plus vite que la hausse des prix... On sait maintenant qu’en 2024, les entreprises auront beaucoup de mal à délivrer les promesses de hausses de rémunération. D’où un sentiment d’appauvrissement qui va encore s’amplifier.

Le bilan « salaires » sur 2023, provisoirement établi par le ministère du travail, indique clairement que les salaires ont nettement plus augmenté que la hausse des prix. L’année 2022 a été compliquée, mais le retournement s’est effectué en cours de l’été. Sur l’année, le salaire horaire de base des ouvriers et des employés a gagné 0,5 % de pouvoir d’achat, notamment au deuxième semestre. Cette augmentation est imputable au ralentissement de la hausse des prix à la consommation d’une part et aux augmentations du SMIC d’autre part (4,1 % sur 2023). Les salaires mensuels de base, hors heures supplémentaires, ont moins augmenté... mais les cadres, en revanche, ont perdu du pouvoir d’achat...

Ce qui paraît paradoxal dans cette situation, c’est que le ressenti individuel se traduit par un appauvrissement difficile à supporter... c’est du moins ce qui ressort des sondages et des études réalisées. Ce sentiment est globalement réel dans la mesure où les chiffres d’inflation ne correspondent pas aux structures de consommation courante. Sur l'alimentaire, les produits d’entretien, l’énergie, les hausses de prix se sont tassées mais les prix n’ont pas baissé. Par ailleurs, la part des dépenses contraintes (logement, abonnement internet, transport...) n’a pas reculé... Les contraintes de l’écologie, par ailleurs, tracent une projection inquiétante de dépenses dont on a du mal à mesurer l'ampleur, l'urgence et même la nécessité. Quand on voit ce qui se passe chez les agriculteurs, quand on voit que l'État revient sur les normes énergie dans les logements modestes, beaucoup s’interrogent sur la logique de la lutte contre le réchauffement climatique qui est dans ces cas-là utilisé comme variable d’ajustement mais ne sécurise pas le consommateur...

Ce sentiment d’appauvrissement explique en partie que malgré l’amélioration de l’activité économique, le moteur de la consommation est resté en panne et le montant de l’épargne liquide et disponible a continué de progresser.

Le facteur explicatif de l’activité 2023, se trouve dans l’amélioration de la quantité de travail (moins de chômage) et les exportations en Europe, ajoutées à la reprise de l'activité touristique (les trains, les avions, les hôtels ont fait le plein depuis le début de l'année dernière).

Ce qui inquiète véritablement les économistes, c’est que l’année 2024 sera beaucoup plus difficile à décrypter. Pour une seule raison, les entreprises anticipent la continuité du ralentissement de l’inflation et de l'activité, d’où leur prudence en ce début d’année à l'ouverture des négociations salariales. Prudence alimentée également par un rééquilibrage du marché de l’emploi. Il existe toujours des secteurs en tension, mais globalement le chômage ne baisse plus.

Ce changement de climat va aussi modifier la répartition des augmentations. L'année dernière, on a généralisé les augmentations (sauf pour les cadres qui ont été pénalisés), en cette année 2024, cette pratique devrait être remplacée par des augmentations plus différenciées selon les entreprises mais pas forcément selon le niveau hiérarchique. Les cadres, par exemple, auront du mal à récupérer ce qu’ils n’ont pas reçu l'année dernière. On va assister à un écrasement de la hiérarchie des salaires qui correspond à ce que Gabriel Attal appelait la smicardisation de la classe moyenne...

Globalement, on a le sentiment d’une population active un peu tétanisée par l'avenir et le manque de perspectives. D’où la consommation très incertaine et les marges d’épargne qui sont très importantes. L’épargne française n’est pas, contrairement à ce qu'on pourrait croire, un signe de bonne santé. L’épargne française est plutôt un marqueur lourd d’inquiétude. La majorité des Français n’épargnent pas pour financer des projets. Ils épargnent parce qu’ils ont peur de l’avenir.

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