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Le pétard mouillé de la TNT
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Télévision

Dans la nuit du lundi 7 au mardi 8 mars, l’Ile-de-France a basculé dans la télévision numérique terrestre. 4,6 millions de foyers sont concernés. Mais six ans après son lancement, le bilan est mitigé : la TNT devait faire exploser le PAF (paysage audiovisuel français). Ce nouveau marché allait stimuler la création et l'innovation, clamaient les pythies technophiles. Résultat ? Des rediffusions à gogo de séries usées des années 60, 70, 80, du crime, et du sexe.

Luc Chatel

Luc Chatel

Luc Chatel, né le 15 août 1964 à Bethesda (Maryland, États-Unis), est un homme politique français, Ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative du 14 novembre 2010 au 10 mai 2012.

Député de la Haute-Marne de 2002 à 2007, puis maire de Chaumont depuis 2008, il a été Secrétaire d'État chargé de la Consommation et du Tourisme puis de l'Industrie et de la Consommation, de 2007 à 2009, et porte-parole du gouvernement de 2008 à 2010.

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« Ça marche votre truc ? » : par ces mots, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin interpella le président du CSA Dominique Baudis, cheville ouvrière de la TNT, lors de son lancement officiel, le 31 mars 2005 (1). A l'époque, personne ne croit vraiment à la Télévision Numérique Terrestre, à commencer par les politiques. Certains la redoutent même, comme Patrick le Lay, patron de TF1, qui la soupçonne de concurrence déloyale et la qualifie de « projet marxiste » mis en oeuvre par « les fonctionnaires du CSA » (2). Six ans plus tard, Raffarin a sa réponse : oui, le truc marche. Mais il n'a pas  tenu toutes ses promesses, loin s’en faut.

Un succès plus technologique qu’éditorial

Faisons un rapide bilan à trois niveaux : technologique, économique, éditorial. Sur le premier point, le pari est réussi. Alors que de sérieuses questions se posaient sur la capacité du CSA à mener à bien les chantiers de l'accessibilité et de l'attribution des fréquences, ils ont été réalisés sans fausse note majeure. Le modèle économique, lui, laisse un peu plus songeur. Avec la TNT, on devait entrer dans l'ère moderne, sortir de l'alternative étroite entre les cinq chaînes à papa du hertzien et les programmes innovants mais très sélectifs des fréquences payantes (câble, satellite, Canal +).

Le numérique terrestre avait pour ambition de rendre accessibles à tous de nouvelles chaînes, faisant exploser l'offre et créant une dynamique. Cette dernière se serait traduite par des productions audacieuses de documentaires (façon BBC, chaîne... publique britannique) et de fictions (façon HBO, chaîne de télévision privée américaine souvent citée en modèle), créant de la richesse aussi bien économique qu'éditoriale. Enfin, le PAF aurait changé de siècle. Mais le miracle n'a pas eu lieu...

TNT : le paradis du beauf ?

La création de la TNT débouche sur deux constats. D'une part, les chaînes à papa ont vu baisser leurs audiences, donc leurs rentrées publicitaires, sans rien changer à leurs programmes (au menu : Jean-Pierre Pernaut et séries US). D'autre part, les chaînes de la TNT se construisent sur le même modèle que leurs aînées : pas d'innovation technologique (aucune anticipation par exemple sur l'usage des mobiles) ni éditoriale. Et ce dernier point est particulièrement éloquent.

Prenez un programme télé sur une semaine, sélectionnez les cases de première et deuxième partie de soirée de la TNT, et comparez. A une ou deux exceptions près (le tout-info façon I-télé et le tout-institutionnel façon Public Sénat) le choix tient en trois mots : rediffusions (films et téléfilms), faits divers et téléréalité. Cabu en a rêvé, la TNT l'a fait : cette télé, c'est le paradis du beauf'.

Peu d’innovation, beaucoup de conformisme

A l'heure où la télévision connaît de grands bouleversements, où le documentaire rencontre une nouvelle vie sur grand écran, où les médias interfèrent de plus en plus sur la vie publique, où Internet et les mobiles font des bonds de géant (sans pouvoir être freinés, ce qui peut poser par ailleurs un problème éthique... rarement abordé à la télévision), la TNT ressasse de vieilles recettes et ne se pose pas de questions. Avec elle, le téléspectateur a le choix entre Moulin, Navarro et Papa Schultz, des images d'archive sur Lady Di et Joe Dassin, des bêtisiers, des reportages sur la légion et la police, des enquêtes sur des viols et des meurtres, et enfin, crème de la crème, des programmes de téléréalité tantôt crétins tantôt abjects. Pour les jours qui viennent, la chaîne du très catholique Vincent Bolloré, Direct 8, propose par exemple des programmes familiaux d'une grande valeur éducative et morale : « Une coiffeuse qui enlève le haut », « Les enfants tueurs de Liverpool »,  « Les retraités brûlés du Finistère » ou encore « Torturé par ses collègues ». C'est vrai, ça nous manquait.

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1, 2 – extrait de France Télévisions [off the record], de Marc Endeweld, Flammarion

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