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Un travailleur mobilisé sur le site d'une usine Renault en charge des constructions des voitures de sport Alpine à Dieppe, le 28 janvier 2022.
Un travailleur mobilisé sur le site d'une usine Renault en charge des constructions des voitures de sport Alpine à Dieppe, le 28 janvier 2022.
©Sameer Al-DOUMY / AFP

Bonnes feuilles

Marc Drillech publie « Les marques Hier, aujourd'hui, demain » aux éditions FYP. Les marques sont incontournables dans notre vie quotidienne et centrales dans la stratégie des entreprises. Marc Drillech propose un panorama complet des nouvelles stratégies des marques. Extrait 1/2.

Marc Drillech

Diplômé de sociologie à l’université Lille-1 et de Sciences Po Paris, Marc Drillech fut l’un des dirigeants de Publicis entre 1990 et 2005, en particulier président de Publicis Étoile, puis de Publicis Dialog, et vice-président international de Publicis Groupe. Depuis 2006, il est directeur général de IONIS Education Group, le premier groupe de l’enseignement supérieur privé en France. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages de référence sur les phénomènes de boycotts, ainsi que des deux tomes de Brand Success consacrés aux plus grandes réussites du marketing et de la communication.

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Aujourd’hui, demander l’origine d’un produit n’est plus une originalité voire le vestige d’une culture passée. C’est au contraire une prise de conscience du coût environnemental du transport des produits venus du monde entier et de l’exploitation de matières premières. C’est se questionner sur l’effort des entreprises et des marques pour préserver l’emploi.

Ce renouveau du souverainisme productif tient aussi de la forte médiatisation des conséquences négatives de notre dépendance en matière de médicaments, d’alimentation, de machines et de technologies du quotidien. La nouvelle vision qui veut favoriser la relocalisation et la valorisation amplifiée du « Fabriqué en France » semble être à la conjonction des effets psychologiques de la pandémie et de tendances plus lourdes. L’argument de la conception et production en France devient même un élément discriminant pour des marques dans les univers du textile (le fabricant de dentelles Jean Bracq, l’équipementier Le Coq sportif, le fabricant de sous-vêtements Le Slip français, la gamme de sacs à dos Raidlight, les costumes sur mesure Belleville, l’atelier de confection Ecclo, ou encore baskets écoconçues Caruus, etc.).

D’autant que restaurer des unités de fabrication en France permet de sauver et créer des emplois, de dynamiser des régions parfois sinistrées, de conserver des savoir-faire rares. Ce que les médias ne manquent pas de souligner, qui, au-delà de la dimension politique et économique du sujet, ont compris sa forte portée émotionnelle. 

L’engagement affirmé et concrétisé de la Camif

Il n’est pas étonnant que la Camif soit l’un des exemples de cette démarche engagée. Entreprise française spécialisée dans l’aménagement local et durable de la maison, la Camif, fondée en 1947 par Edmond Proust, était à l’origine la Coopérative des adhérents à la mutuelle des instituteurs de France. En mars 2009, le Groupe Matelom, sous l’impulsion de son fondateur d’Emery Jacquillat, relance la marque sur internet et cesse d’en limiter l’accès aux adhérents de mutuelles.

Mais l’esprit de la marque perdure. En 2022, à travers sa nouvelle campagne de communication qui valorise les produits fabriqués en France et commercialisés par l’entreprise, la Camif souhaite « dénoncer les aberrations qui consistent à acheter des meubles et du linge de maison fabriqués au bout du monde, alors que les achetant à côté de chez soi, on peut être plus écologique, mais aussi favoriser l’emploi. » 

La Saperie française : une alternative assumée

La Saperie française est une plateforme qui rassemble les marques de vêtements fabriqués sur le sol français, et permet aux petites marques de disposer d’une visibilité supplémentaire. Qu’elles soient écoresponsables, véganes, engagées, respectueuses de l’environnement, locales, avec ou sans certifications, les marques présentes ont toutes à cœur de produire dans le respect des valeurs de l’environnement et de l’humain. 

Renault : un exemple simple et quotidien de la démarche de rattrapage

Une autre approche, de plus en plus fréquente, par petites touches et parfois par de gros clins d’œil, donne à la communication publicitaire le soin d’annoncer la francité de la marque et naturellement le retour de sa fabrication dans l’hexagone. On ne compte plus les campagnes qui nous rappellent les lieux de naissance des produits, la fabrication locale de la marque, le rappel du nom de son usine dans un département bien de chez nous.

En 2021, Renault conclut une campagne publicitaire en expliquant que le modèle présenté n’est pas californien, mais Français, qu’il est fabriqué en France (sans oublier d’afficher un beau logo sous forme de coq tricolore). D’autres immiscent des signaux plus ou moins clairs de la francité des produits sur toutes les formes de communication parce que l’argument est devenu une véritable valeur ajoutée à l’offre, un plus qui sensibilise de larges publics. Mais pourquoi donc ?

Cette tendance de fond commençait à être visible dès les années 2000. Elle n’est donc pas récente, mais la crise sanitaire, les difficultés d’obtention des masques, les vaccins et les médicaments fabriqués à des milliers de kilomètres, les problèmes d’approvisionnement et la dépendance de nos marques à la production chinoise ont conduit à une reconsidération profonde de la mention « Fabriqué en France » et à sa puissante médiatisation.

Les marques ne sont plus dans une démarche passéiste qui se réclame de la France par seul nationalisme. Il s’agit de l’expression d’une modernité politique et économique faite de proximité, de volonté d’indépendance et de souverainisme, d’économie des transports et de prise de conscience accrue des impératifs écologiques.

Face aux marques de nulle part, la montée des marques de quelque part

Un retour en grâce du « nationalisme de marque », émerge très nettement dans les postures, la communication ou des initiatives. C’est le retour en fanfare de la proximité comme avantage discriminant.

Au cours des années 2010, la démocratisation du transport aérien va faire la fortune d’Expedia, d’Airbnb, de Ryanair, des vols low cost et des millions de voyageurs qui partent en week-end vers une ville d’un pays voisin. La mondialisation de la culture (principalement américaine) et l’apogée des séries et d’un style de vie qu’elles promeuvent vont favoriser cette tendance. Mais dans les années 2020, peut-être influencées par la pandémie de Covid, les conflits internationaux, le terrorisme, et les difficultés économiques, ce qui est recherché, c’est la sécurité et la tranquillité, la proximité et le connu, le familier, le rassurant. Et quoi de plus attirant qu’une marque qui affirme son origine, ses racines, un savoir-faire ancestral, des traditions qui se maintiennent ? Il suffit de se promener sur les sites institutionnels des grandes marques, comme des entreprises pour voir ressortir l’importance d’être de quelque part, mais surtout de le revendiquer, de le prouver parfois, une sorte de certificat de bonne conduite.

Mais c’est également une forme de résistance contre les déstabilisations causées par les révolutions technologiques, les nouvelles formes de consommation et de production, les effets pervers d’une mondialisation à tout prix.

Sans doute faut-il aussi y voir la fin du règne sans partage de la marque totale et internationale et le désir des consommateurs de commercer avec des marques plus proches et plus transparentes. L’ensemble des acteurs du marketing assène les mêmes évidences depuis des années à propos de la quête de sens et de nécessité d’un rôle sociétal des marques, des aspirations à l’écologie et au localisme des consommateurs, du besoin de retrouver une souveraineté industrielle et de la caution du « fabriqué en France ».

Extrait du livre de Marc Drillech, « Les marques Hier, aujourd'hui, demain », publié aux éditions FYP

Liens vers la boutique : cliquez ICI et ICI

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