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Le “kouffarisme”, cette initiative sémantique de NKM tant moquée alors qu'elle décrit une réalité pourtant très concrète
©Reuters

Malaise

Mécréant en français, le terme "kouffar" est notamment utilisé pour prôner une rupture entre ceux qui pratiquent la religion musulmane et les autres. Un phénomène qui s'est développé à mesure que la République a reculé.

Zohra Bitan

Zohra Bitan

Membre fondatrice de La Transition, Zohra Bitan est cadre de la fonction publique territoriale depuis 1989, ancienne conseillère municipale PS de l'opposition àThiais (94), et était porte-parole de Manuel Valls pendant la primaire socialiste de 2011. Militante associative (lutte contre la misère intellectuelle et Éducation), elle est l'auteur de Cette gauche qui nous désintègre, Editions François Bourin, 2014.

 
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Atlantico : Dans une pétition lancée il y a deux mois sur son site de campagne, Nathalie Kosciusko-Morizet écrit vouloir s'attaquer au fondamentalisme religieux : "Le terrorisme qui frappe avec horreur notre France depuis des mois, prospère sur un terreau fertile : les idéologies salafistes radicales telles que le kouffarisme, le wahhabisme, le takfirisme ou le djihadisme".  Qu'en pensez-vous ? Est-il pertinent selon vous d'identifier ce phénomène comme étant une idéologie dangereuse pour la société ? 

Zohra Bitan : Le "kouffarisme" est bien sûr une invention sémantique de Nathalie Kosciusko-Morizet. Ce mot peut se voir comme un terme générique qui permet de désigner ceux qui nourrissent une haine à l'égard des "kouffars", c'est-à-dire des mécréants. Je pense qu'effectivement, il n'est pas si ridicule que cela de mettre en avant ce type de position. Nathalie Kosciusko-Morizet met le doigt sur une fracture à la fois entre une ancienne génération de "Français musulmans" et une récente, mais aussi entre les "bons musulmans" et le reste de la société française. En effet, ce terme n'était pas utilisé par nos parents, par ceux des années 1960 alors qu'il l'est beaucoup au sein de la 3ème et 4ème génération "française musulmane". Le deuxième fossé est celui entre un "eux" et un "nous", la "oumma" et les "kouffars", soit une rupture dans la communauté nationale, rupture intrinsèquement liée à la pratique de l'islam. Il y a dans ce terme le camp des bons et ceux des mauvais, les croyants et les mécréants. Et cela est très grave. Ce n'est plus ni la République ni le sentiment d'appartenance à une nation qui unit. Nos parents n'étaient pas intégrés dans la société française, mais ils avaient intégré la société française comme un destin pour leurs enfants. C'est toute la différence. 

Comment analysez-vous les causes qui ont amené progressivement à faire naître ce sentiment de rejet au sein des nouvelles générations issues de l'immigration musulmane ?

Nous avons en France une jeunesse qui ne s'est pas attachée à la nation, à la République ou à des valeurs communes. Ce phénomène est causé notamment par une certaine idéologie post-soixante-huitarde, qui a défendu l'idée d'un "citoyen du monde", qui pronaît le délaissement du patriotisme au profit de substituts comme l'islam. La religion est donc devenue une identité à part entière. À travers elle sont nommées toutes les oppositions et les différences. La rupture est donc consommée : il y a bien un "eux" et un "nous".

J'ai écrit un livre, "Cette gauche qui nous désintègre" où j'explique comment la gauche croyant bien faire, a tout cédé sous couvert d'antiracisme. C'était pourtant la dernière chose qu'il fallait faire car on n'intègre pas en donnant tout mais plutôt en apprenant à l'autre tout. À partir du moment où des ghettos ont produit ce qu'ils ont produit, la religion s'est substituée à l'éducatif. Énormément d'élus, voyant les tensions dans les banlieues, ont fait appel au religieux. Ils ont par ces pratiques validé l'importance du religieux et se sont effacés au profit de celui-ci.

Quelle doit être la réponse de la part des pouvoirs publics selon vous ?

Nous, musulmans, sommes pris en tenaille entre d'une part les pratiquants du déni et d'autre part ceux de l'islamophobie. Il y a ceux, une bonne partie de la gauche, qui ne veulent pas voir ce phénomène ni sa gravité, et en face les identitaires qui mettent le feu dès qu'ils le peuvent. La réponse politique actuelle est religieuse, nous l'avons vu avec la récente Fondation pour l'islam de France ou encore avec l'élaboration d'une formation du fait religieux en entreprise... Pourtant la question est sociale, liée au logement, aux ghettos... Il faut reprendre l'intégration à la base, en étant moins laxiste, moins paternaliste et proposer aux populations exclues les valeurs que nous avons en commun comme la République. Mais encore faudrait-il que la République soit juste, qu'elle amorce la destruction des ghettos... Si nous continuons à avoir une réponse religieuse, au lieu d'apporter plus de République, d'éducation, de culture, d'égalité, de fermeté, d'exigence... Nous allons dans le mur.

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