Le Hamas, fossoyeur de la paix au Moyen-Orient, et la responsabilité de l’administration Biden dans ce nouveau conflit<!-- --> | Atlantico.fr
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Photo d'illustration AFP
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©AHMAD GHARABLI / AFP

Tribune

Le samedi 7 octobre 2023, l'État hébreu vient de faire l'objet d'une offensive surprise, menée par le Hamas. Plus de 5000 roquettes ont été tirées et une incursion massive de terroristes du Hamas a eu lieu sur le territoire israélien qui a fait plus de 700 morts et plus de 2000 blessés. Entre une trentaine et une centaine de civils israéliens dont des femmes, des enfants et des vieillards ont été enlevés et seraient désormais pris en otage à Gaza. Quels sont les objectifs de l’organisation terroriste ? Peut-être torpiller tout simplement la paix et la normalisation en cours au Moyen-Orient entre Israël et certains pays arabes…

Roland Lombardi

Roland Lombardi

Roland Lombardi est consultant et Directeur général du CEMO – Centre des Études du Moyen-Orient. Docteur en Histoire, géopolitologue, il est spécialiste du Moyen-Orient, des relations internationales et des questions de sécurité et de défense.

Il est chargé de cours au DEMO – Département des Études du Moyen-Orient – d’Aix Marseille Université et enseigne la géopolitique à la Business School de La Rochelle.

Il est le rédacteur en chef du webmedia Le Dialogue. Il est régulièrement sollicité par les médias du Moyen-Orient. Il est également chroniqueur international pour Al Ain.

Il est l’auteur de nombreux articles académiques de référence notamment :

« Israël et la nouvelle donne géopolitique au Moyen-Orient : quelles nouvelles menaces et quelles perspectives ? » in Enjeux géostratégiques au Moyen-Orient, Études Internationales, HEI - Université de Laval (Canada), VOLUME XLVII, Nos 2-3, Avril 2017, « Crise du Qatar : et si les véritables raisons étaient ailleurs ? », Les Cahiers de l'Orient, vol. 128, no. 4, 2017, « L'Égypte de Sissi : recul ou reconquête régionale ? » (p.158), in La Méditerranée stratégique – Laboratoire de la mondialisation, Revue de la Défense Nationale, Été 2019, n°822 sous la direction de Pascal Ausseur et Pierre Razoux, « Ambitions égyptiennes et israéliennes en Méditerranée orientale », Revue Conflits, N° 31, janvier-février 2021 et « Les errances de la politique de la France en Libye », Confluences Méditerranée, vol. 118, no. 3, 2021, pp. 89-104.

Il est l'auteur d'Israël au secours de l'Algérie française, l'État hébreu et la guerre d'Algérie : 1954-1962 (Éditions Prolégomènes, 2009, réédité en 2015, 146 p.).

Co-auteur de La guerre d'Algérie revisitée. Nouvelles générations, nouveaux regards. Sous la direction d'Aïssa Kadri, Moula Bouaziz et Tramor Quemeneur, aux éditions Karthala, Février 2015, Gaz naturel, la nouvelle donne, Frédéric Encel (dir.), Paris, PUF, Février 2016, Grands reporters, au cœur des conflits, avec Emmanuel Razavi, Bold, 2021 et La géopolitique au défi de l’islamisme, Éric Denécé et Alexandre Del Valle (dir.), Ellipses, Février 2022.

Il a dirigé, pour la revue Orients Stratégiques, l’ouvrage collectif : Le Golfe persique, Nœud gordien d’une zone en conflictualité permanente, aux éditions L’Harmattan, janvier 2020. 

Ses derniers ouvrages : Les Trente Honteuses, la fin de l'influence française dans le monde arabo-musulman (VA Éditions, Janvier 2020) - Préface d'Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement et de sécurité de la DGSE, Poutine d’Arabie (VA Éditions, 2020), Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? (VA Éditions, 2021), Abdel Fattah al-Sissi, le Bonaparte égyptien ? (VA Éditions, 2023)

Vous pouvez suivre Roland Lombardi sur les réseaux sociaux :  FacebookTwitter et LinkedIn

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Israël était depuis de long mois extrêmement vulnérable politiquement. Certains experts évoquaient même une nouvelle menace existentielle pour l’État hébreu : une guerre civile ! Et en effet, la situation politique interne, la crise institutionnelle voire identitaire en Israël étaient sans précédent dans l'histoire du pays avec des tensions toujours plus grandes, des manifestations monstres contre le pouvoir de Netanyahou et des affrontements entre les partisans du Premier ministre et ses opposants qui vont de l'extrême gauche au centre droit. Les heurts violents par exemple sur la place Dizengoff à Tel Aviv entre religieux et laïcs en ont été l’exemple le plus frappant.

Ainsi, le Hamas a profité de cette fragilité et de cette situation politique instable dues en autres à la réforme de la justice et pire la grève des réservistes (près de 10 000 réservistes refusaient de servir l’État juste avant le début de la nouvelle guerre d'avant hier). Les officiers de Tsahal s'en étaient d'ailleurs inquiétés... Pour l'organisation terroriste palestinienne (qui a sûrement eu le feu vert d'une puissance comme l'Iran) l'objectif principal était avant tout de nuire voire de réduire à néant la normalisation et la paix entre Israël et certains pays sunnites (Accords d'Abraham) et principalement le rapprochement en cours entre l’État hébreu et l'Arabie saoudite de MBS (et c'est justement le même objectif de Téhéran, malgré sa récente « réconciliation » avec Riyad, sous l’égide de la Chine). 

Cette nouvelle guerre avec Israël va inévitablement resouder la nation et sauver l’avenir politique de Netanyahou. Un nouveau gouvernement de crise et d’Union nationale est d’ailleurs en train d’être étudié. 

Que décideront alors les responsables et les militaires israéliens ? Entrer dans Gaza pour renverser et éradiquer définitivement le Hamas ? Frapper l’Iran ? Nul ne le sait pour l’instant. Dans tous les cas, ce conflit s'annonce long et difficile.

Or, il est certain que la réplique israélienne sera assurément terrible, notamment pour effacer le véritable fiasco de leurs services de sécurité (ou comme en 1973, la négligence d’un gouvernement sourd aux alertes, l’enquête ultérieure le dira…) et les images humiliantes des soldats et civils massacrés ou faits prisonniers et enlevés comme otages à Gaza. Et dès lors, les représailles israéliennes peuvent embraser la région provoquant notamment l’entrée dans la danse du Hezbollah par exemple ou pire, des raids israéliens en Iran. De même, elles causeront comme toujours de lourds dommages collatéraux sur les infrastructures de Gaza et surtout les civils palestiniens. Ce qui peut avoir des conséquences fort dommageables sur la normalisation avec certains pays arabes évoquée plus haut, où la question palestinienne demeure très sensible dans les opinions arabes…

L’Iran derrière le Hamas ?

Après une parenthèse dans leurs bonnes relations à cause de la guerre civile syrienne (le Hamas avait soutenu les rebelles contre Assad, alors que l'Iran en était un des principaux alliés), le Hamas est redevenu avec le Hezbollah libanais, l'un des proxies essentiels des mollahs iraniens dans leur politique de déstabilisation régionale. Mais leurs liens sont anciens. Pour les islamistes des Frères musulmans dont le Hamas est la branche palestinienne, il faut le rappeler, la révolution islamique de 1979 et la République islamique d'Iran qui a suivi ont toujours été, bien que chiites, des modèles de prise de pouvoir et de gouvernance. De même, Khomeini s'est grandement inspiré de l'organisation islamiste sunnite pour ses propres objectifs...

Comme le révèle le Wall Street Journal et le rappelle dans Atlantico, le spécialiste du renseignement Alain Rodier : « Ce qui semble désormais certain, c’est que Téhéran est derrière cette offensive préparée à l’avance. Le commandement du Hamas l’a officiellement reconnu. Le professionnalisme évident des assaillants ne s’improvise pas. Ils ont vraisemblablement été formés par des membres de forces spéciales. Les renseignements nécessaires au déclenchement de l’opération n’ont pu être obtenus qu’auprès d’un service spécial compétent. Tout désigne la branche Al-Qods des pasdarans qui est chargée des opérations extérieures de l’Iran de Téhéran ». 

De fait, comme évoqué plus haut, pour l’Iran, il faut absolument torpiller la normalisation et la paix déjà signée entre l’État hébreu et certains pays arabes en général et en particulier le rapprochement en cours entre Israël et l’Arabie saoudite ! 

Logique donc que selon le site d’informations semi-officiel ISNA, Rahim Safavi conseiller du guide suprême Ali Hosseini Khamenei, ait déclaré que l’Iran soutenait l’attaque palestinienne en ces termes : « Nous félicitons les combattants palestiniens […] Nous serons aux côtés des combattants palestiniens jusqu’à la libération de la Palestine et de Jérusalem ». Le ministère iranien des Affaires étrangères de son côté a déclaré que les attaques perpétrées par son allié le Hamas étaient la preuve de la confiance accrue des Palestiniens face à l’occupation israélienne : « dans cette opération, l'élément de surprise et d'autres méthodes combinées ont été utilisés, ce qui montre la confiance du peuple palestinien face aux occupants […] Les attaques « ont prouvé que le régime sioniste est plus vulnérable que jamais et que l’initiative est entre les mains de la jeunesse palestinienne ».

Le Hamas, « résistant » ou terroriste ?

Tout d’abord, il faudrait rappeler à certains, notamment à monsieur Mélenchon et à ses amis de l’extrême-gauche française que ceux qu’ils nomment des « résistants » ne sont en fait que des terroristes islamistes, au même titre que les jihadistes d’Al Qaïda et de Daesh. Certes, en histoire, la frontière entre les deux qualificatifs est souvent poreuse et surtout selon le camp où l’on se positionne. Mais rappelons qu’en général, les résistants, comme par exemple les résistants français durant la Seconde guerre mondiale, ne tuent pas les civils. Et même si l’argument du Hamas, pour cautionner ses attaques, est que la plupart des Israéliens, hommes et femmes, sont des réservistes de Tsahal, on voit mal les vrais résistants d’une cause, quelle qu'elle soit, assassiner, massacrer, enlever et prendre en otage des enfants ou des vieillards ! Ou se servir de leurs propres écoles, hôpitaux et de leur propre peuple comme boucliers humains ! Les Gazouis qui d’ailleurs ne voient jamais la couleur des aides financières et humanitaires internationales et qui est maintenu dans la misère par la corruption d’un Hamas qui détourne massivement ces aides (comme je l’ai vu sur place en 2013) dans la construction de luxueuses villas pour les dirigeants de l’organisation, et pour les enfants de ces derniers, l’achat des dernières berlines ou voitures de sport à 100 000 dollars ! Ou encore pour l’acquisition d’armes, la construction d’infrastructures militaires et de tunnels et la mise au point de roquettes qui coûtent des millions de dollars chaque année…

Rappelons une nouvelle fois que le Hamas est la branche palestinienne des Frères musulmans, l’organisation politico-religieuse islamiste la plus dangereuse de la région et ayant la même matrice idéologique qu’Al Qaïda et Daesh !

Les interactions entre le Hamas et les autres mouvements palestiniens ont souvent été conflictuelles (notamment avec l'OLP puis l'Autorité palestinienne). Mais les relations n'ont jamais réellement cessé totalement. Or le Hamas cherche toujours à être incontournable et dominant, comme avec toutes les autres organisations jihadistes palestiniennes ou autres localement. Question de leadership politique et surtout… de gros sous

Avec cette "nouvelle surprise d'octobre" (le jour anniversaire des 50 ans de la première surprise de la guerre du Kippour) et ces premiers succès, le Hamas espère également un embrasement et un soulèvement général des Arabes israéliens ou des Palestiniens de Cisjordanie, afin d'entraîner une situation qui serait catastrophique pour la zone...

La lourde et grave responsabilité de l’administration Biden

Face à cette épreuve, Washington s’est résolument rangé du côté d’Israël. Soit. Or il faut pourtant rappeler la lourde responsabilité de l’administration Biden dans cette nouvelle escalade.

Car l'origine et le gros problème avec cette nouvelle attaque du Hamas sur Israël, c’est principalement l'argent et le financement de l’organisation terroriste et qui permet surtout d'alimenter ses guerres. Ce dernier reçoit d’abord ses aides du Qatar, de l'Iran on l'a dit, mais également des nombreuses aides humanitaires et budgétaires de l'Occident (surtout européennes et américaines) qui sont, on l’a dit et tout le monde le sait, massivement détournées au profit de l'organisation islamiste à Gaza et ailleurs. 

N'oublions pas aussi que les lobbies pro-palestiniens et même pro-hamas sont nombreux à Washington, notamment dans la gauche américaine mais aussi dans le parti démocrate… C'est donc également l'une des inconséquences et des responsabilités de l’administration Biden dans ce nouveau conflit (mais également dans d'autres dans le monde !) : avoir fait de l'idéologie et de l'anti-trumpisme primaire en rouvrant les vannes de ces aides sans contrôle ni garantie. À l'inverse justement de Trump qui lui les avait totalement coupées, ayant compris la vraie source de ces guerres, car sans argent pas de guerre !

Soulignons aussi les efforts de Joe Biden pour réintégrer l’accord sur le nucléaire iranien et la levée discrète de certaines sanctions visant certains responsables iraniens. Ils n’ont été, au vu des piètres résultats obtenus, qu’une série de concessions unilatérales, stériles et humiliantes envers l’Iran, le plus grand soutien du Hamas.

De toute évidence, celles-ci n’ont redonné, au final et indirectement, qu’un second souffle au Hamas et ses dirigeants....

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