Le Grèce joue sa survie mais l’Europe aussi… ou la peur d’un lundi noir pour les Grecs<!-- --> | Atlantico.fr
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Le referendum grec est une plongée dans l'inconnu, pour le pays comme pour l'Europe.
Le referendum grec est une plongée dans l'inconnu, pour le pays comme pour l'Europe.
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Deuxième 1987

Alors que la Grèce n’a jamais été aussi proche du chaos, l’Europe s’est mise en mode "veillée d’armes"… Personne ne sait au juste ce qui se passera lundi après le referendum, quel que soit le résultat. Pour beaucoup, Alexis Tsipras s’est sans doute suicidé politiquement. Il aura plongé la Grèce déjà très fragile dans la misère, mais obligé les Européens à reformer leur fonctionnement.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Personne ne sait exactement ce qui peut se passer au lendemain du referendum en cas de victoire du non. Dans tous les cas de figure, tout le monde s’attend à un lundi noir.

Si le oui l’emporte, les négociations peuvent reprendre très vite, avec les créanciers.  La Grèce bénéficiera d’une restructuration de sa dette qui revient à pratiquement l’annuler avec une maturité allongée à plus de 20 ans et des taux d’intérêts proches de zéro. La négociation portera surtout sur la mise en place d’un modele économique qui permette à la Grèce de redémarrer dans des conditions d’équilibre viable une fois allégée du poids de son endettement. Ce modèle nécessite des réformes de structures (mise en place d’un système fiscal cohérent et surtout d’un système de collecte qui fonctionne, ce qui n’est pas le cas actuellement) mais il nécessite aussi de faire des choix au niveau industriel ; la Grèce ne peut pas espérer survivre avec pour seules activités la culture des olives et le tourisme. La dette est un problème soluble. Celui de la croissance est beaucoup plus compliqué à régler.

Dans ces conditions - et c’est pour le peuple grec le plus important - la banque centrale européenne continuera à approvisionner le système bancaire grec pour éviter la faillite des banques et surtout la panique. Dans ces conditions, la Grèce reprendra sa place à la table du conseil de la zone euro.

La question de la gouvernance politique va cependant se poser très vite. Si le oui l’emporte, on voit mal Alexis Tsipras rester aux commandes. Il faudra donc que la Grèce se dote d’un gouvernement provisoire d’union nationale pour négocier avec les Européens et préparer de nouvelles élections. Pas simple, mais les Grecs et les Européens peuvent gagner un peu de temps.

Et le non l’emporte ? La situation va être beaucoup plus compliquée. Alexis Tsipras, fort d’une légitimité renforcée, annonce qu'il reprendra la négociation dès le lendemain, mais avec qui ? Et sur quelle base ? Il peut certes comprendre que les créanciers sont d’accord pour une restructuration mais va-t-il l’expliquer à son peuple ? Surtout, Alexis Tsipras est-il capable de présenter un modèle économique avec les réformes fiscales et sociales minimum, qui puissent faire repartir l’activité grecque ?

Parce que si son projet se résume (comme il n’a déjà fait) à demander aux européens 30 milliards d’aides supplémentaires pour les deux ans à venir, les Européens ne pourrons pas accepter. Parmi les 18 autres pays membres de l’euro, les deux tiers ont des endettements qu’ils souhaiteraient aussi voir allégés, et tous ont des opinions publiques à respecter. La légitimité démocratique des décisions allemandes n’est pas moins importante ou moins respectable que la légitimité de la gouvernance grecque. Le conseil européen est composé de chefs d’état et de gouvernement qui sont aussi mandatés par leurs électeurs. Bruxelles est peut- être un nid de technocrates « bornés, sourds et aveugles » mais ces technocrates agissent parce qu'ils ont une délégation des pouvoirs politiques. Donc la relation entre l’Europe et la Grèce va rester bloquée…

C’est à ce moment-là que les choses risquent d’être très compliquées. Alexis Tsipras considère que la Grèce ne sortira pas de l’Euro. Juridiquement, il a raison. Mais on va se retrouver dans un imbroglio juridique et financier qui va déboucher sur le chaos.

Imbroglio juridique d’abord. A Bruxelles comme dans toutes les capitales, on a delà mobilisé les plus grands avocats pour dénouer les fils de ce dossier. La légalité du referendum par exemple n’est pas garantie et beaucoup d’opposants à Tsipras à Athènes considèrent que ce référendum est contraire à la Constitution. Les délais d’informations n’ont pas été respectés, les questions posées sont trop ambiguës et l’objet même du referendum serait anticonstitutionnel. Par ailleurs, le ministre de l’économie grec a déjà dit qu'il attaquerait l’Union européenne, le Conseil européen, le FMI et la BCE, si les pays de la zone euro en venaient à refuser les aides nécessaires. Tout cela va alimenter les gazettes et faire la fortune des avocats internationaux mais ne va pas empêcher la Grèce de plonger dans le désastre financier.

Le vrai problème au lendemain d’une victoire de Tsipras va être financier. Fort d’une légitimité renforcée, il ne pourra pas obliger les pays européens de continuer à payer les dépenses de fonctionnement. Tous ces pays ont des engagements démocratiques avec leurs peuples.

La Banque centrale européenne sera donc obligée de suspendre les approvisionnement en liquidités aux banques grecque puisqu’elle ne pourra pas mettre de garanties en contrepartie . Si la BCE ferme ce robinet, les banques grecques ne rouvriront pas lundi matin parce qu’elles seront en faillite. La Grèce va alors glisser cette fois vers le défaut de paiement qui l’exclura de toutes les sources de financement externes. Comme la Grèce ne peut guère compter sur son épargne intérieure, qui s’est évadée à l’étranger, on ne voit pas comment fin juillet elle pourra payer ses fonctionnaires et ses retraites.  

Sans mandat politique (donné à l’unanimité des membres de l’euro groupe), la BCE ne peut pas continuer de payer.

On va se retrouver devant un risque de Bank run liée à la banqueroute qui peut générer un désordre politique extrêmement grave. On ne connait pas dans l’histoire de ces 50 dernières années un pays qui aurait résisté dans le calme, plus de huit jours, à la fermeture de ses banques.

Le scénario d’une catastrophe annoncée est tellement plausible qu’il va devenir urgent que les européens reforment leur fonctionnement et leur gouvernance. Personne n’en parle. Tout le monde y travaille.

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