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Aucun acteur du milieu des affaires ne regrettera l’arme massive sortie par Mario Draghi.
Aucun acteur du milieu des affaires ne regrettera l’arme massive sortie par Mario Draghi.
©Reuters

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Avec les annonces fortes de la BCE jeudi, François Hollande n’a plus aucune raison technique d’échouer dans le redressement économique. Pourtant, après le QE il va nous manquer un QI politique. Et pour cela, la gouvernance française n’est pas douée.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Aucun acteur du milieu des affaires ne regrettera l’arme massive sortie par Mario Draghi. Tout le monde demandait un « quantitative easing », c’est-à-dire un programme massif d’achat d’actifs. Le montant est massif, 1000 milliards d’euros jusqu’en septembre 2016 au moins.

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Cela veut dire que la banque centrale va racheter principalement des dettes souveraines. Cela veut donc dire qu'en échange, elle va mettre en circulation la contrepartie en  liquidités. Chaque mois elle va potentiellement accroitre de 60 milliards les liquidités en circulation donc les possibilités de crédit à l’économie. C’est considérable. D’autant que ces crédits seront distribués à taux zéro ou presque.

Normalement, tous les éléments sont réunis pour que l’économie puisse repartir. Le pétrole baisse, l’euro baisse, les taux baissent et voilà maintenant que la BCE va jouer au Père Noël. Le lobbying des milieux financiers, et des gouvernements de l’Europe du Sud a très bien fonctionné. Cette décision qui, pour les uns, étaient contraire au traité de Maastricht, a été adoptée par le conseil de la BCE sans vote. Cela veut aussi dire que l’Allemagne, qui n’a absolument pas besoin de QE, a  accepté d’aller à l’encontre de ses principes.

Pour la gouvernance française, c’est une victoire très politique pour l’instant. La gauche de la gauche, la droite souverainiste et le FN ne manquait pas de brocarder l’incapacité des autorités européennes et de la BCE à faire ce que les américains ou les anglais avaient initié de leur côté. L’occasion était bonne pour expliquer que si la France et la zone euro était plantée, c’était de la faute de Bruxelles ou de la BCE.

Cet argument est tombé aujourd’hui et Mario Draghi a sans doute pris la décision la plus importante pour la zone euro depuis la création de l’euro. Maintenant, il faut que ça marche. Il faut que ce QE  impacte l’économie réelle. Ce n’est pas garanti.

1ère série d’effets : Ces liquidités vont mécaniquement faire baisser l’euro. Les exportateurs seront donc favorisés mais les importateurs seront pénalisés.  

2ème série d’effets : L’inflation. Il y avait un risque de déflation en France. C’est-à-dire un risque de baisse généralisée des prix et des salaires. Le gonflement du bilan de la BCE, la mise en circulation de la monnaie va générer un peu d’inflation. La BCE espère 2%, ce qui peut entretenir des anticipations positives de la part des consommateurs et des entreprises. Les marchés financiers et les banques ont bien compris l’impact de cet afflux de liquidités puisque le marché des actions a très bien réagi

3eme série d’effets : Comment ces liquidités vont se retrouver dans l’économie réelle ? C’est le gros point d’interrogation. Une politique monétaire ne génère pas d’activité ou de croissance, c’est le rôle de l’investissement en entreprise, c’est l’accroissent des fonds propres. Il faut donc que ces liquidités se diffusent dans les entreprises.

Les États-Unis et la Grande-Bretagne sont sortis de la crise rapidement grâce à des politiques monétaires non conventionnelles. La reprise de la croissance est incontestable, 5% aux USA et 3% en Grande-Bretagne, et le taux de chômage a baissé. Pourtant, les résultats américains sont très discutables. Certes, la croissance a été tirée par l’industrie financière et par les industries de la défense, donc Wall Street et les fonds publics. Mais aussi par la baisse des prix de l’énergie et l’économie du numérique.

Cependant, la vraie raison du redressement américain, c’est la souplesse et la fluidité du marché du travail et la faiblesse relative des dépenses publiques. L’essentiel de la valeur générée aux États-Unis reste dans l’entreprise. En Europe, l’essentiel de la valeur est captée par le modèle d’État et le modèle social.

Aujourd’hui en Europe, le risque, c’est de voir ce QE servir d’alibi pour arrêter les réformes et voir l’État s’approprier l’essentiel des ressources.

Le premier bénéfice de ce QE, c’est de sauver des États ou des banques de la faillite. La Grèce, l’Italie, l’Espagne et la France ont la garantie absolue de ne pas connaitre de faillite. Cela change tout mais nul ne sait si c’est une bonne ou une mauvaise chose.

Le QE peut marcher, il n’y a plus d’autres solutions. Mais soyons sérieux, ce n’est pas parce que l’on va mettre de l’argent en circulation que tout va repartir. Les chefs d’entreprise ont besoin d’autre chose pour investir. Ils ont besoin de stabilité fiscale, ils ont besoin que l’État ne pompe pas l’essentiel des ressources. L’État doit donc accepter de baisser ses dépenses publiques.

Mario Draghi l’a dit et répété. Le QE n’exonère personne de ses responsabilités. Ni les États, ni Bruxelles, ni les Européens. Dans ces conditions, François Hollande n’a plus d’excuses pour rater la remise en marche de l’économie. La route est dégagée, le vent est favorable.

Le seul et dernier obstacle est franco-français. Il faut réparer les moteurs, lancer les réformes structurelles. Il va donc falloir être sacrement intelligent pour profiter de tout cela. Après le QE, il va falloir que les Européens les plus endettés sortent leur QI.

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