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Les 7 et 8 janvier, un colloque a eu lieu à la Sorbonne, « Après la déconstruction: reconstruire les sciences et la culture ».
Les 7 et 8 janvier, un colloque a eu lieu à la Sorbonne, « Après la déconstruction: reconstruire les sciences et la culture ».
©LOIC VENANCE / AFP

"Après la déconstruction"

Ne pas faire de différence entre les citoyens, ainsi que nous y invite la Constitution de la République française, semble parfois une horreur idéologique à certains médias, syndicats ou chercheurs militants qui ont fait de l’identitarisme sexuel, religieux ou ethnique leur fonds de commerce. Il est logique que ce militantisme célébrant l’appartenance clanique comme lecture du social nous fasse grief de notre refus d’y céder.

Jean Szlamowicz

Jean Szlamowicz

Jean Szlamowicz est Professeur des universités. Normalien et agrégé d’anglais, il est linguiste, traducteur littéraire et est également producteur de jazz (www.spiritofjazz.fr). Il a notamment écrit Le sexe et la langue (2018, Intervalles) et Jazz Talk (2021, PUM) ainsi que Les moutons de la pensée. Nouveaux conformismes idéologiques. (2022, Le Cerf).
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L’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires a pour fonction d’observer des dérives et des impostures. Il ne s’attend donc pas à être bien accueilli par ceux qui s’en rendent coupables.

Faute d’arguments solides, les tenants de ces nouvelles idéologies, fondées sur une hauteur morale radicalisée, ont pour tactique de faire condamner toute réflexion adverse par la diabolisation. Cette diversion rhétorique entend refuser le débat à l’adversaire en le considérant comme n’étant pas digne d’une discussion. Cela ne peut se faire qu’en en appelant à des valeurs consensuelles dont on prétend son contradicteur dépourvu : celui qui gagne, c’est celui qui accuse l’autre de racisme, de sexisme, de fascisme. Dans cette logique de combat idéologique, l’échange rationnel n’a plus sa place et l’on se contente alors d’accuser ses opposants putatifs des pires turpitudes, indépendamment des faits. De tels débats n’ont rien d’heuristique, ils sont strictement antagoniques. C’est précisément cette radicalité mensongère que notre Observatoire observe.

La diabolisation n’est pas un argument mais elle est pourtant aujourd’hui la forme de positionnement rhétorique la plus répandue. L’hyperbole, la contamination, l’allusion, l’adjectif pernicieux suffisent à jeter le doute sur quiconque ne joue pas le jeu de la lamentation victimaire et se cantonne à une normalité banalement laïque, modérée et méfiante vis-à-vis des extrémismes.

Inversement, les propositions les plus radicales et les plus minoritaires trouvent aujourd’hui à se normaliser du moment qu’elles s’autorisent bruyamment d’une protestation de vertu.

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On peut donc décréter sa propre réforme de la langue française à partir de la compréhension limitée qu’on a du langage du moment que l’on brandit le mot « inclusif ».

On peut donc soutenir le séparatisme islamiste du moment que l’on brandit le mot « islamophobie ».

On peut donc considérer que la critique de l’Université doit être censurée du moment que l’on brandit le mot « liberté académique ».

De retournements en hypocrisies, d’obscurcissements en analogies faiblardes, la profération de diagnostics d’infamie est donc devenue un outil d’intimidation qui se substitue à la démonstration argumentée : « réactionnaire », « masculiniste », « colonialiste », « impéraliste », « extrême-droite », « censeur » et autres vocables de la honte servent désormais à stigmatiser et à délégitimer tout en évitant les discussions de fond. Par leur excès et leur absence de fondement, ces proclamations ratent pourtant leur objectif et ne parviennent qu’à signaler leur intolérance.

En posant un cadre manichéen où s’opposent « progressistes » et « réactionnaires », tenaillé par un dogme latéralisé, on distribue les rôles en suivant le fil des exclusions doctrinales. Dans ce cadre dénonciateur, la protestation de vertu devient l’indice d’une conception polarisée du politique. Or, la boussole du Bien indique immanquablement son propre nombril.

Car le fasciste, c’est toujours l’autre, n’est-ce pas ?

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